Un rapport secret de la Croix Rouge accuse la CIA d’avoir torturé dans ses prisons secrètes. L’ouverture d’enquêtes officielles, aux Etats-Unis, semble inévitable.
Il y a quatre ans, jour pour jour, le patron d’alors de la CIA, Porter Goss, a prononcé une phrase qui a beaucoup marqué, outre-Atlantique: “We don’t do torture“. On ne torture pas.
La formule risque de le hanter longuement, au vu du dernier numéro de la New York Review of Books. Dans son édition du 16 mars, la prestigieuse revue publie un document exceptionnel. Au fil de son long article, le journaliste Mark Danner y révèle le contenu d’un rapport secret du Comité International de la Croix-Rouge sur les techniques d’interrogatoire utilisés par la CIA dans ses sites clandestins, éparpillés dans au moins huit pays du monde.
Ce rapport, rédigé en 2007, n’existerait qu’en sept exemplaires. Il relate les entretiens menés par les enquêteurs de l’organisation internationale auprès de 14 détenus de Guantanamo. Ces derniers, rencontrés isolément, racontent à peu près les mêmes choses.
Les coups. Les noyades simulées. Les privations de sommeil et de nourriture. Le froid. Tous ou presque ont été dénudés. Jetés la tête la première contre des murs. Arrosés d’eau glacée. Enfermés dans des caissons, semblables à des cercueils, des heures durant.
Ces hommes, certes, ne sont pas enfants de choeur. La plupart ont vraisemblablement du sang sur les mains. Parmi eux, Khalid Cheikh Mohammed, en particulier, était l’un des leaders supposés d’Al Qaeda. Responsable opérationnel des attentats du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis, il revendique haut et fort la décapitation de Daniel Pearl, le journaliste américain enlevé le 23 janvier 2002 à Karachi (Pakistan).
Pour autant, il ne fait aucun doute, du point de vue de la Croix Rouge, que la CIA a bel et bien pratiqué bien la torture. Ses agents, ajoutent les auteurs du rapport, ont infligé “des traitements cruels, inhumains et dégradants“. Le Comité International de la Croix Rouge étant gardien des Conventions de Genève, son jugement apparaît sans appel. Et il pourrait avoir force de loi.
Ces révélations vont nourrir le combat des associations américaines de défense des droits de l’homme, qui demandent la mise en place d’une enquête sur les responsables ayant autorisé l’utilisation de la torture. Une commission d’enquête du Sénat pourrait se réunir prochainement. Les agents qui ont mené les interrogatoires pourraient être inquiétés. Leurs commanditaires aussi. Y compris, peut-être, l’ancien chef de l’exécutif lui-même. Car George W Bush a autorisé, de sa main, le recours à des procédures d’interrogatoires “alternatives”. Sans comprendre, sans doute, que l’Amérique – et la démocratie – perdrait ainsi une part de son âme.
Source : L’express.fr
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