Nawaat Tunisie Palais de Carthage


Ne cherchez pas Maya Jribi, A. Brahim ou M. Ben Jaafar, ils n’y sont pas sur la photo de famille…
Quant aux femmes, elles sont plutôt parquées au fond de la salle…
Image grand-angle reconstituée à partir des vidéos télédiffusées sur canal 7.
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Pourquoi une lettre ouverte aux malentendants ? Peut-être parce que les myopes ont déjà tellement du mal à lire. Et que la fracture entre les discours politiques et ce qui se lit et s’écrit sur les supports dits libres, c’est-à-dire électroniques, il n’y a que les myopes qui n’arrivent pas à la voir. Une fracture où l’hypocrisie des discours est le maître mot (I), handicapant la marche vers l’Etat de droit (II). Et la censure dans tout cela s’avère être le révélateur cinglant de nos aberrantes contradictions.

 

I. L’hypocrisie des discours

Il y a d’abord l’hypocrisie qui ne cache pas son nom, à l’instar de celle manifestée par celui qui préside actuellement le syndicat des journalistes après le fameux putsch. Il y a ensuite l’hypocrisie, un peu à la Nizar Bahloul, lequel réussit l’exploit dans le même paragraphe, tantôt à manifester tant de gratitude au président de la République qui a si œuvré pour l’émancipation de la liberté de la presse ; tantôt à se lamenter sur son sort tellement il trouve anormal qu’il ne lui soit pas permis d’obtenir une carte de presse. Et puis, il y a celle si niaise à la Noureddine HLAOUI jubilant franchement à l’idée d’obtenir prochainement cette carte de presse dans un pays où (tout en citant Ben Ali sans la moindre prise de distance), « il n’existe aucun tabou[sic] ni interdit[sic] et que les médias tunisiens peuvent traiter tous les dossiers[sic] et toutes les questions[sic] sans aucune forme de censure[sic] autre que celle que leur impose leur conscience[sic], dans le cadre du respect de la loi[sic] et de l’éthique professionnelle [re-sic]». Cette citation, dans cette ambiance d’hypocrisie généralisée, on va se la coltiner durant des mois, voire des années. Certains auront beau, en préparant leur papier, cliquer sur des liens et tomber sur la fameuse page 404, ils n’auront de cesse à nous ressortir cette phrase sans pudeur.

Il y a également l’hypocrisie de ceux qui se réveillent un jour et découvrent soudainement certains articles de la Constitution tunisienne, et réalisent que la Tunisie a ratifié un certain nombre de conventions qui l’obligent. Parce que vaut mieux tard que jamais, l’hypocrisie ne réside pas dans le fait de s’être enfin réveillé, alors qu’il n’y avait pas si longtemps encore, le fait même d’évoquer le scandale de la censure était renvoyé à la figure de son auteur, le taxant de vulgaire opposant. L’hypocrisie réside plutôt dans le fait de considérer sottement les violations des lois de la République d’une façon opportuniste. Opportuniste, car considérées sous l’angle de la chapelle à laquelle on appartient. Opportuniste également parce que l’on ne s’émeut que des violations constitutionnelles qui nous touchent au détriment des autres. En ce sens, l’on ne s’émeut de la censure, que parce qu’on en est devenu la victime directe. Sinon pour le reste, telle la torture, la non-liberté d’association ou syndicale… eh bien, ma foi… 

C’est sot, parce que la division en chapelles, ne réussit pas vraiment à ses ouailles et l’appréhension des libertés et garanties fondamentales d’une façon sélective fait qu’aucune finalement ne s’impose vraiment. Et cela dure depuis plus de 40 ans. Forcément… quand l’on n’est pas vigilant s’agissant de l’effectivité de l’exercice par les magistrats de leur liberté syndicale, il ne faut pas s’étonner ensuite des pressions que subit la justice afin de ne pas condamner la torture. Et quand on est insensible aux tracasseries que subissent certains pour exercer leur droit de réunion, il ne faut pas s’étonner non plus qu’ils ne soient pas en mesure de dénoncer les atteintes à la liberté d’association.

Il y a aussi l’hypocrisie de l’action des partis politiques engendrant ce cercle vicieux, si bien résumé par l’excellent Tahar Ben Hassine, lequel s’adressant à Maya Jribi secrétaire générale du PDP, lui demandait « mais quand diable allons-nous sortir de ce cercle vicieux ou tout le monde ment à tout le monde, pouvoir et oppositions confondus. Et tout le monde sait, que tout le monde sait, que tout le monde ment !? ». Et L’hypocrisie atteint l’exécrable tel lorsqu’un député, M. Bouchiha, censé contrôler l’exécutif au nom de la nation, affirme en guise de toute réponse à la question de la pratique de la torture en Tunisie : « le président Ben Ali a dit qu’il n’y a pas (plus) de torture en Tunisie, j’en prends acte »(1). Pourquoi alors l’Etat tunisien affirmait-il, lui-même, poursuivre des actes de torture et avoir « adopt[é] une circulaire émanant du Ministre de la justice et des droits de l’Homme, adressée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République, dans laquelle il attire l’attention des responsables du parquet sur la nécessité d’enquêter systématiquement sur toutes les allégations de torture ou de mauvais traitement »(2) ? Il est vrai que Bouchiha pourrait plaider les circonstances atténuantes, puisque le gouvernement tunisien, tout aussi hypocrite, ne reconnaissait de tels actes qu’en catimini. En effet, le document où il est question d’un tel aveu est illégalement bloqué en Tunisie, ainsi que l’ensemble du site de l’Organisation Mondiale Contre la Torture.

Il y a également cette hypocrisie dans l’action des partis dudit « bloc démocratique », promptes à ignorer les enjeux fondamentaux aux profits des calculs politiques à court terme. Quand, en 1988, des magistrats dans leur petit tribunal de Kairouan bataillaient pour faire reconnaître la suprématie de la Constitution (appuyés en cela par la Cour d’Appel de Sousse)(3), les calculs à court terme des dirigeants du « bloc démocratique » faisaient qu’ils étaient davantage préoccupés à parader au palais de Carthage qu’à être ferme avec les exigences d’un Etat de droit. Dès lors, il ne fallait pas s’étonner de l’indifférence générale qui a entouré la décision de la Cour de cassation, sous la coupe du pouvoir, brisant net cet élan (4). Ni s’étonner d’ailleurs de l’indifférence qui a entouré la démission des deux membres du conseil Constitutionnel Iadh Ben Achour et A. Amor après avoir échoué à convaincre leurs collègues du même Conseil à protéger la liberté d’association (5). Les deux exemples cités inspirent, le moins que l’on puisse dire, la consternation quand on songe à la grève de la faim de 2005. Ce n’est pas rien en effet, que de relever qu’il aura fallu entre 15 et 17 ans pour que l’opposition démocratique revendique ce que des fonctionnaires, politiquement isolés et au péril de leurs carrières, ont cherché à défendre. En l’occurrence la liberté d’association et la légalité constitutionnelle, et ce, malgré la volonté de Ben Ali.

Et aujourd’hui où en sommes-nous ? Nous en sommes au point où un parti tel le PDP, reconnu par la loi, parti auquel la Constitution confie un rôle majeur au sein des institutions républicaines pour « encadrer des citoyens en vue d’organiser leur participation à la vie politique. » (art. 8) se retrouve non seulement censuré via le blocage illégal de son site internet, mais par ailleurs agressé en permanence par le mensonge de la fausse page 404. Une fausse page systématiquement envoyée à tout Tunisien qui désire s’informer et participer à la vie politique de son pays. »(6). Et tout cela presque dans l’indifférence généralisée (7) !

Le blocage hors la loi des sites des partis politiques et notamment ceux du Pdpinfo.org constitue l’une des atteintes les plus insupportables à l’ordre républicain. Que l’on soit partisan ou adversaire politique du PDP, le régime républicain ne peut pourtant s’accommoder sans dommage d’une situation qui fait qu’un parti politique quelconque soit à la foi légal et privé de ses libertés et garanties constitutionnelles ! Ou bien l’on est en présence d’un parti représentant une réelle menace pour la nation et dans ce cas là, il faudrait entamer les démarches judiciaires pour le dissoudre, ou alors faire cesser les violations desdites libertés. En attendant, la perpétuation de la situation actuelle ne fait qu’éroder encore plus l’effectivité du cadre constitutionnel tunisien et fragiliser davantage le cadre républicain.

Dans cette atmosphère d’hypocrisie politique généralisée, on tombe parfois sur des papiers déroutants, à l’image de celui signé par quatre dirigeants du même PDP et où l’on préfère l’expression « tentation autoritaire » à celle de Dictature (8). Dans leur essai, les auteurs reprochent le radicalisme des positions de leur parti et du « bloc démocratique » en général. Or, quand on compare la tiédeur des positions du PDP (9) avec le radicalisme de Ben Ali vis-à-vis de l’exigence du respect de la loi (10), leur approche s’avère singulièrement paradoxale. Les auteurs, optant pour une démarche réduite autour des rapports de forces entre le régime et les mandarins de l’opposition, omettent par ailleurs les enjeux républicains. Reprochant à l’opposition de vouloir tout, tout de suite, ils négligent dans leur raisonnement ce qui transcende la question même de l’exercice du pouvoir : en l’occurrence son cadre loyal (11). Goumani, Touzri, Abdelli et Bouajila stigmatisent également l’élitisme de l’opposition. L’aspect élitiste (et j’ajouterai doublé d’une myopie électoraliste à la source des querelles de leadership) du « bloc démocratique » est notable. Mais là où réside un autre aspect paradoxal dans l’approche des auteurs, c’est que la solution qu’ils préconisent est celle qui consisterait à aggraver cet élitisme par une forme d’entente entre l’élite de l’opposition démocratique et l’élite gouvernante. Ceci en passant à la trappe la prise en charge politique des violations du cadre républicain avec les libertés et garanties fondamentales qu’il suppose. Il faut admettre cependant, que l’incapacité du « bloc démocratique », lui aussi, à prendre en charge politiquement ces violations (cf. infra dans la seconde partie de ce même article) est de nature à pousser vers toutes les solutions de repli aussi détestables soient-elles.

Autre scène assez déroutante… Il y a quelques semaines, nous avons publié deux articles sur Nawaat ; l’un de M. Ben Jaafar et le second de l’ancien juge Mokhtar Yahyaoui. Le hasard des choses a fait qu’ils se sont retrouvés côte à côte. Ainsi, à gauche, il y avait celui de M. Y. dénonçant un authentique outrage à la République (encore un) et à droite l’article de M. Ben Jaafar parlant d’élections, le tout comme si de rien n’était. Durant les quelques jours où ces deux articles sont restés sur la page d’accueil du blog ; j’ai été à chaque fois envahi par une impression de surréalisme en les voyant. Mais de quelles élections peut-on parler dans un pays où des dénis de justice comme celui décrit par M. Y pouvaient avoir lieu ? C’est vrai que, sur un plan personnel, je suis contre la participation à un processus électoral de façade, légitimant la dictature. Mais je n’en fais pas un dogme, pour peu qu’une telle participation soit basée sur une stratégie claire avec des objectifs tangibles. Et ce n’est pas, en soi, le fait de participer aux élections qui me semblait surréaliste. Du reste, lors des élections présidentielles, et ayant été en Tunisie, j’avais soufflé à quelques amis qui tenaient à voter, d’opter pour A. Brahim, tant j’ai été touché par son dernier communiqué précédant les élections. C’était la première fois que je lisais un candidat demander avec une telle insistance démocratique le suffrage des électeurs. J’étais plutôt habitué aux discours d’estrade et aux candidats qu’on devait remercier pour s’être présentés, y compris parmi l’opposition démocratique. Et rien que pour son discours inédit, l’idée d’aller voter pour A. Brahim m’avait pourtant effleuré.

L’aspect surréaliste que j’évoque a plutôt trait à l’incapacité des acteurs du « bloc démocratique » de s’asseoir autour d’une table et de se poser une question simple à propos de chose extrêmement basique : qu’est-ce que l’on peut faire tous ensemble quand une garantie ou un droit fondamental est violé ? Qu’ils concluent qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose, ce n’est pas grave ! Mais qu’ils le fassent, et ça sera déjà un grand pas. Je ne suggère même plus qu’ils s’allient pour des échéances électorales, c’est trop compliqué pour eux.

Et à ce jour, la grande hypocrisie politique dans tout cela, c’est précisément la prétention d’exister en tant que parti politique, dont la vocation est d’accéder aux gouvernes de l’Etat, alors que l’on est incapable de gérer un problème aussi basique que celui de réagir tous ensemble face à certaines violations de la loi qui sont, de par leur nature, incontestables (exemple : blocage d’un site internet d’un parti légal).

Comment peut-on avoir la prétention de prendre en charge la gestion d’un Etat et garantir la bonne marche de ses institutions si l’on est incapable d’agir à une échelle aussi basique ? Comment peut-on prétendre pouvoir gérer à l’échelle nationale des relations avec des partenaires sociaux ou prendre en charge la diplomatie tunisienne si l’on est incapable d’être assez diplomate pour surmonter les problèmes d’ego et se rassembler autour d’une table au service des mêmes dénominateurs communs républicains ?

L’impuissance d’agir collectivement face aux atteintes subies par quelque parti que ce soit porte atteinte à la crédibilité de l’ensemble de la classe politique. Quand le site du PDP demeure illégalement bloqué dans la quasi-indifférence, c’est aussi la crédibilité, entre autres, d’Ettajdid et du Forum démocratique qui en souffre. Et si sur les médias électroniques le discours de l’opposition est presque inaudible par les Tunisiens, c’est peut-être aussi parce qu’il n’est pas à la hauteur des attentes de ces mêmes Tunisiens dans l’ensemble légalistes, imbus d’une culture d’Etat et parmi lesquels le consensus autour du régime républicain est manifeste (tout extrémisme minoritaire mis à part). Et il suffit juste d’aller les lire sur leur blogs, Twitter et autres réseaux sociaux où ils s’expriment pour s’en rendre compte. Et être si impuissant face à un problème aussi décisif que la censure, c’est littéralement désespérant !

 

II.- Censure et Etat de droit

Je reconnais que l’hypocrisie du double discours du régime en matière de liberté d’expression n’a pas été sans une certaine réussite. Puisque là où il y avait des actes illégaux de blocage, certains les qualifiaient pudiquement « d’interdiction », ce qui implicitement présumait leur légalité ; d’autres inventaient le concept de « Ammar404 », parfait exutoire à cette grande frustration du clic ne menant nulle part. Même le mot censure contribuait à brouiller les pistes, puisque non dénué de cette connotation de l’acte d’un pouvoir prétorien qui censure et contre lequel on ne pouvait rien. Car, après tout, n’avons-nous pas besoin de son pouvoir de censure pour protéger nos enfants ou les honneurs diffamés. Du reste, quelques-uns proposent même de « rationaliser » ce pouvoir en lui conférant une reconnaissance légale. Or, cela, c’est par ignorance du fait que nous n’avons nul besoin de reconnaître ce pouvoir arbitraire de censurer à une administration. Nous avons les tribunaux pour cela. Ils se doivent de le faire, le font et les textes qui leur permettent cela sont déjà très nombreux. Et quand ils ordonnent le retrait d’un article ou la fermeture d’un site, ils prononcent finalement sa censure, mais d’une façon légale (12). Et parce qu’il s’agit d’une restriction à une liberté fondamentale, tout blocage d’un site par l’administration ne peut être qu’un acte illégal (A), tant au regard de la Constitution que des Conventions ratifiées par la Tunisie. Et si une promulgation prochaine d’une loi sur la presse électronique revenait sur cette compétence judiciaire de la censure, elle ne pourrait être qu’une loi (encore une) scélérate. A ce jour, c’est vrai, le régime a toujours fait fi des garanties fondamentales, mais il ne tient qu’à nous de raffermir cette culture de l’Etat de droit qui ne se décrète pas, mais se forge par la résistance citoyenne (B).

 

A.- L’illégalité des blocages des sites internet

Les sites à l’instar de YouTube et Dailymotion, tout comme d’ailleurs le site PDPInfo.org, n’ont jamais été interdits en Tunisie ! Pourtant, c’est ce qu’on lit très souvent y compris sur de nombreux médias. Dans un récent article consacré à Facebook, Jeune Afrique, par exemple, rapportait que « […] les sites d’hébergement de vidéos, comme YouTube ou Dailymotion, au succès incontestable dans le reste du monde, sont interdits en Tunisie depuis 2007. »

Mais où donc l’auteur de l’article, Pierre Boisselet, comme tous ceux qui parlent d’interdiction, ont-ils pu consulter l’information officielle selon laquelle ces sites étaient interdits en Tunisie !? Quelle page du journal officiel tunisien, quel arrêté ministériel, quelle décision de justice, quel PV d’une quelconque autorité administrative ont-ils eu entre les mains et laquelle ordonnait l’interdiction de ces sites en Tunisie ?

Les dires du journaliste de Jeune Afrique sont d’autant plus trompeurs, qu’ils mêlent cette affirmation d’interdiction aux propos d’un obscur technicien de l’ATI indiquant que « pour YouTube, l’interdiction est purement politique ». Et l’aspect pernicieux des faits, tels que rapportés par Jeune Afrique, c’est qu’il laisse entendre, par l’entremise de cet obscur technicien, que c’est l’Agence Tunisienne de l’internet qui a ordonné ces interdictions.

Du coup, tout en l’ignorant, Jeune Afrique vient de nous fournir le plus grand scoop tunisien en matière de NTIC de ces 20 dernières années : C’est l’ATI qui prononcerait et notifierait ces interdictions !

Pourtant, depuis deux décennies l’ATI nie, officiellement, son implication en la matière. Et il aurait suffi d’interviewer, entre autres, le journaliste Tunisien Zied el Héni (qui a tenté, l’année dernière, d’engager la responsabilité civile de l’ATI devant les tribunaux tunisiens) pour en apprendre davantage.

Par ailleurs, on n’insistera jamais assez sur le fait qu’aucune autorité judiciaire n’a prononcé, en vertu de la loi tunisienne, l’interdiction des sites mentionnés par Jeune Afrique. Et en ce qui concerne l’ATI plus précisément, celle-ci, à ce jour (01 mai 2010), n’a jamais signifié à la direction éditoriale d’un quelconque site web (rendu inaccessible en Tunisie) son interdiction sur le territoire tunisien. Et ce n’est pas la longueur de la liste des sites bloqués qui fait défaut.

Si ces blocages ne relèvent pas d’une interdiction légale, de quoi s’agit-il alors ?

Eu égard, entre autres, aux dispositions de l’article 8 de la Constitution tunisienne, comme celle de l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les blocages des sites mentionnés par Jeune Afrique, de par leur nature hors la loi, sont également constitutifs d’une voie de fait. Et la différence terminologique est fondamentale. En outre, et étant donné que la mensongère page « 404 » qui sert de paravent au blocage procède par la fabrication d’un faux document électronique renvoyé au nom d’une personne morale (en l’espèce usurpant le nom de domaine d’YouTube) et indiquant que le document ne se trouve pas sur le serveur dudit YouTube, il y a de quoi engager des poursuites contre X, tant sur la base de l’art. 199bis que sur celle de l’art. 199ter du Code pénal ( à propos de la page d’erreur mensongère cf. mon article rédigé en 2006).

A présent, est-ce à dire que ce n’est pas l’ATI qui, techniquement, appuie sur le bouton pour décapiter un site web en Tunisie ? Je n’en sais rien. Personne en Tunisie n’en sait plus, hormis ceux qui sont directement impliqués, c’est-à-dire le donneur d’ordre et ses exécutants. Du reste, que ces exécutants violent la loi tunisienne à partir des locaux de l’ATI ou d’une cellule logée au ministère de l’Intérieur n’a pas vraiment d’importante. Ce qui importe, c’est d’identifier l’autorité politique ou administrative qui ordonne et/ou couvre ces infractions. Et à cet égard, inutile d’y aller par quatre chemins : la chaîne pyramidale des responsabilités indique qu’il s’agit bel et bien du président de la République. L’épisode du blocage illégal de Facebook, l’année dernière, puis son rétablissement sur ordre direct du président de la République ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Il faut arrêter l’hypocrisie, point !

Et à la limite, que l’ATI, tout comme le président de la République se défaussent, la « voie de fait » sera toujours, et en dernier lieu, imputable à l’Etat tunisien en tant que personne morale.

Cette atteinte à l’exercice des droits et garanties prévus par la Constitution tunisienne via la voie de fait est par ailleurs aggravée par la violation de l’article 8 de la DUDH disposant que « toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi ».

Car à non point douter, le fait de s’en remettre à un service clandestin en matière de blocage des sites internet, c’est aussi pour neutraliser plus facilement ce principe fondamental qu’est le « droit au recours juridictionnel ». Quand aucun « service » ne revendique ces « décisions » de blocage, il devient plus difficile d’agir. Car comment contester devant les tribunaux la légalité d’une décision n’existant pas, de surcroît rendue par une « entité » inconnue de l’organigramme de l’administration tunisienne ? Par ailleurs, il convient ici d’attirer l’attention sur le fait suivant : Le droit tunisien, respectant les standards internationaux, exige que même lorsque c’est une autorité judiciaire qui prononcerait le blocage d’un site pour un quelconque motif légal, le justiciable à l’encontre duquel la décision aurait été rendue doit être en mesure de faire appel s’il l’estime utile. Alors, et a fortiori, que dire lorsque c’est une « administration » qui pourrait pratiquer ce blocage arbitrairement et au mépris de la loi ! Aussi et, tant qu’à faire, autant créer un service clandestin pour contrecarrer le contrôle du juge, dernier rempart contre les atteintes à nos garanties et droits fondamentaux (rempart en théorie j’en conviens, j’y reviendrai).

Pourtant, et outre l’article 8 de la DUDH, ce « droit au recours juridictionnel » découle également de l’économie générale de la Constitution tunisienne tant au niveau de son préambule qu’au niveau de l’ensemble des dispositions garantissant un Etat de droit pluraliste qui se « veut » respectueux des droits de l’Homme. Et, à cet égard, il existe une jurisprudence constante, notamment celle de la juridiction administrative, insistant sur la nécessité de faire prévaloir les impératifs de l’Etat de droit dérivant de la loi fondamentale tunisienne (13).

 

B.- La culture de l’Etat de droit ne se décrète pas, mais se forge…

En 2006, quand j’avais publié, encore, un papier sur l’aspect illégal de la censure en Tunisie et où je reprochais entre autres au PDP le fait ne pas agir en justice contre ce blocage illégal de son site internet, un ami, sympathisant du même PDP, m’avait interpelé pour me reprocher à son tour que cela ne servait à rien et que je prêchais dans le vide. A cela, j’avais répondu qu’à court terme et, a fortiori, si le PDP ne publiait pas les détails d’une éventuelle procédure pour informer les Tunisiens, il ne fallait pas s’attendre à des miracles. De même, quand Ziad El-Héni avait entamé sa procédure contre l’ATI, je l’avais félicité et remercié tout en précisant que je n’avais aucun doute sur l’issue d’une telle procédure, mais qu’il fallait que quelqu’un le fasse.

Précédemment dans ce même article, j’ai parlé du « juge, dernier rempart contre les atteintes à nos garanties et droits fondamentaux ». Evidemment, je sais que je ne vis pas en Scandinavie, mais, par intermittence, en Afrique du Nord dans un pays qui s’appelle la Tunisie. A court terme, que de telles tentatives de poursuites devant les tribunaux ne soient pas, en effet, susceptibles d’aboutir à des résultats judiciaires concrets, nous le savons tous. Ce qui importe, ce sont les débats publics que font naître ces poursuites, nourrissant ainsi la perception de l’aspect intolérable de ces violations. L’Etat de droit ne se bâtit pas sur les slogans creux à la Ben Ali comme ceux de l’opposition, mais sur cette capacité à enraciner une culture populaire qui tend à rendre insoutenables aux yeux de l’opinion publique les violations des lois de la République. Aussi, nous ne devrions épargner aucun effort pour faire en sorte que la perception sociale, voire morale, de la transgression de la loi engendre son rejet farouche par le corps social. C’est ce refus par le corps social qui incarne le soutien populaire indispensable au pouvoir du juge pour l’aider à résister aux pressions du politique. Et nous ne pouvons faire l’économie d’un tel effort pour contrebalancer ce que nous stigmatisons en permanence : une justice aux ordres. Autrement et pour être cynique, sommes-nous vraiment en droit de reprocher à un juge le fait de couvrir les violations de la loi, notamment pour protéger le despote qui l’emploie ? Exiger de ce juge d’être « ingrat » à l’égard de son « employeur-protecteur » au profit de ceux qui ne font pas grand-chose de réellement efficace pour contribuer à protéger son indépendance est une attitude absurde (14).

Et, manifestement, au sein de l’opinion publique, l’évolution depuis quelques années de cette perception des violations de la loi, et notamment en matière de libertés fondamentales, est palpable. L’impact du geste de Zied El-Héni, engageant une procédure contre l’ATI est largement perceptible sur les supports électroniques quant à sa contribution au niveau de la démystification de la censure en tant qu’acte prétorien, contre lequel on ne pouvait rien. Et sur ce même terrain, l’apport du travail de sensibilisation et d’information de l’équipe de Tahar Ben Hassine inspire un grand respect. Je pense également que sur Nawaat.org, nous n’avons pas à rougir quant à notre contribution en la matière. Sur internet et sur les réseaux sociaux nous continuerons, avec d’autres, à susciter et à enrichir le débat sur cet aspect qui nous paraît si crucial.

Il va de soi que le discours en matière de respect des libertés fondamentales, tout en étant indispensable quant à sa capacité à enrichir la culture de l’Etat de droit, ne peut se substituer à l’action politique. Et c’est aussi à ce niveau que nous avons un sacré problème. Sur les 40 dernières années, je ne peux, pour ma part, que constater l’échec des forces démocratiques tunisiennes à prendre politiquement en charge les discours légalistes (d’autres diraient « droit-de-l’hommiste » et ils n’auront pas tort). Pire encore, car à y observer la scène politique tunisienne de plus près, on s’aperçoit que c’est le « droit-de-l’hommisme » qui s’est emparé du politique.

S’il est du ressort de l’activité relative aux droits de l’Homme de recenser, enquêter et dénoncer les violations, voire de formuler des recommandations , il appartient néanmoins au politique d’agir pour résoudre ces violations. Or, que constate-t-on en Tunisie au niveau de l’opposition démocratique ? Exactement l’inverse ! Depuis plus de 30 ans, c’est l’activité « droits-de-l’hommiste » qui a pris la place du politique. Les partis politiques passent leur temps à recenser et publier des communiqués, et les militants des droits de l’Homme à faire de la politique. Même quand l’activité des droits de l’Homme n’existait pas, il a fallu l’inventer pour la substituer au politique. J’exagère peut-être !? Pas si sûr, et pour rappel : la Ligue tunisienne des droits de l’Homme a été enfantée suite à l’échec du Mouvement Perspectives à faire de la politique. Elle est l’enfant de la période post carcérale des Perspectivistes. En outre, toutes les personnalités issues de l’opposition démocratique ayant occupé des postes ministériels sont passées par la vénérable LTDH. C’est « l’activité des droits de l’Homme » [les guillemets s’imposent] qui mène aux gouvernes de l’Etat et non l’activité politique. Au demeurant, n’a-t-on pas qualifié la LTDH d’« antichambre du pouvoir »? Et aujourd’hui, les militants de l’opposition démocratique sont davantage connus pour leur activité des droits de l’Homme que pour leur activité politique. Et de mon point de vue, beaucoup de militants politiques considèrent qu’il est actuellement autrement plus efficace, faute de mieux, de focaliser sur la dénonciation des droits de l’Homme que d’apporter leur soutien (et de perdre son temps) à des partis qui sont incapables de proposer des stratégies à moyen et à long terme pour résoudre les difficultés présentes. Dès lors, il ne faut peut-être pas s’étonner de voir Touzri, Goumani et leurs amis se retourner pour chercher une solution ailleurs, ô combien contestable pourtant (cf. supra).

Néanmoins, il est vrai que faute d’avoir été à la hauteur des ambitions de notre pays, le « droits-de-l’hommisme » de l’opposition démocratique a eu au moins le mérite d’être un substitut non violent à l’action politique. Et pourtant, je l’avoue, je suis proche du radicalisme de Moncef Marzouki. Car je ne peux discuter avec une matraque au dessus de la tête. Je chercherai toujours à arracher la matraque des mains de mon agresseur. Celui qui détient la matraque n’a rien à me donner, c’est à moi de prendre et d’arracher ce qui m’est dû en tant que citoyen. Et je laisse aux plumitifs MBarek, Karmaoui, Bahloul et Hlaoui la tâche de rabâcher à l’excès que c’est Ben Ali qui est le pourvoyeur de leurs libertés fondamentales et de leur République tout court ! En revanche, et à la différence de Moncef Marzouki, je ne pense pas que cela soit par l’intermédiaire de la descente des foules dans la rue que les choses changeront. Mais autour d’une table et sans la moindre concession quant au respect du cadre républicain et pluraliste. Certes, nous l’avons vu à Redayef, la foule peut effectivement descendre dans la rue pour exprimer des revendications si légitimes. Et une telle descente peut aller effectivement jusqu’au renversement de l’équipe gouvernante. Mais ça ne sera qu’un changement de personnes. Car, encore une fois, c’est toujours autour d’une table que l’on résout les problèmes. Peut-être est-il illusoire de croire que l’on peut ainsi arracher la matraque des mains de son agresseur. A court terme, ça l’est. Or je ne raisonne pas à court, mais à moyen et à long terme. Et c’est aussi et surtout cela que je reproche à l’opposition démocratique.

 

Conclusion

Outre les violations des libertés fondamentales, tous les démocrates tunisiens sont d’accord pour mettre fin à la dictature. Quant à savoir quels sont les moyens envisagés, quels sont les mécanismes préconisés pour que cesse ce que tous dénoncent, on ne sait toujours rien de la part de ceux qui se proposent pour l’alternance. Et c’est d’autant plus incompréhensible lorsque l’on constate l’unanimité au niveau de l’opposition démocratique pour dire que le principal drame de la Tunisie est la dictature. Or, pourquoi, face à cette unanimité, le principal cheval de bataille de l’opposition ne repose-t-il pas sur les mesures destinées à mettre fin à ce drame ? Pourquoi n’articule-t-elle pas toute sa lutte sur ces mesures de nature à mettre fin à cet état de fait ? En l’occurrence pourquoi l’opposition ne concentre-t-elle pas toute son énergie pour faire prévaloir ce qui relève de l’urgence, si alternance il va y avoir un jour ?

Précédemment, j’ai évoqué la carence de la prise en charge politique par le « bloc démocratique » des outrages aux libertés et garanties fondamentales des citoyens. Par cette prise en charge, j’entendais tant les mesures destinées à y mettre un terme que -et surtout- le travail de terrain nécessaire pour « vendre » le volet institutionnel de ces mesures. Car à force, c’est lassant les communiqués pouilleux et épisodiques évoquant, çà et là, quelques réformettes à envisager ou à les quémander auprès d’une dictature qui ne peut qu’être sourde à tout ce qui est de nature à vouloir l’ensevelir. Je songe aussi à ce travail pour le moyen et le long terme tout en « matraquant » un vrai projet d’alternance qui soit véritablement en mesure de faire prendre le pouvoir. Cet effort de longue haleine pour vendre avec insistance et conviction les premières mesures qui seront prises dans les 100 premiers jours succédant à la conquête du pouvoir. Car, c’est à cela que servent les partis politiques : CONQUÉRIR LE POUVOIR et non à faire le travail des associations de défense des droits de l’Homme.

Pour ma part, tout en réitérant ce qui me tient à cœur (cf. infra), je passerais s’il le faut les 10 ou 15 prochaines années de ma vie à soutenir toute personne ou rassemblement qui saurait promettre et défendre pour de longues années un projet s’engageant à réaliser les réformes ici-bas. Mais surtout s’engager à les réaliser durant les 100 premiers jours de son accession au pouvoir. Qu’il/qu’elle le fasse en invitant les Tunisiens avec cette insistance si démocratique que j’ai retrouvée dans le communiqué d’A. Brahim précédant les élections présidentielles, et je n’épargnerais alors aucun effort (15). Que leurs auteurs s’appellent Jribi, Marzouki, Ettajdid, PDP, Ben Hassine ou Brahim… peut m’importe. Ce qui m’importe c’est que la dictature périsse. Sinon pour moi, tout du moins pour mes enfants.

Pour clore ce long article, voici, et en ce qui me concerne, les propositions que je souhaiterais lire et qui sont susceptibles de me faire rêver à ces 100 premiers jours d’un gouvernement d’alternance.

1.- La description des mécanismes qui assurent l’indépendance réelle du pouvoir judiciaire. Des propositions détaillées également pour émanciper le Conseil supérieur de la magistrature afin de reléguer le cadre actuel qui fait que, hormis deux juges élus par leurs pairs, l’actuel CSM ressemble plus à une antichambre du palais présidentiel qu’à autre chose. Et à ce propos, pourquoi pas des propositions dans le sens d’une élection de l’intégralité des membres du CSM par les magistrats eux-mêmes ?

2.- Un Conseil constitutionnel dont la nomination des membres ne dépendrait plus si étroitement ni de l’exécutif ni du chef de l’Etat. Et si l’on écarte le mimétisme ridicule des régimes occidentaux, il n’y a pas d’obstacle à ce que la nomination des membres du Conseil constitutionnel puisse relever d’une procédure élective. De surcroît, envisager un Conseil constitutionnel pouvant être saisi par voie d’action lors de la procédure législative et par voie d’exception, pour les lois déjà votées. Et ce afin d’écarter progressivement l’application de tout un arsenal répressif accumulé sur des décennies aux mépris des droits fondamentaux. Enfin, un Conseil avec une compétence élargie à toutes les lois quelles que soient leurs natures.

3.– La limitation des mandats présidentiels. Et en l’état actuel des velléités des “ogres tyranniques” pourquoi ne pas aller encore plus loin et proposer de limiter les candidatures à un mandat unique de 5 ans. Une limite qui réduit les risques des glissements vers le despotisme. N’est-ce pas ces glissements que la Tunisie a connus tant avec Bourguiba qu’avec Ben Ali. Alors pourquoi laisser la porte ouverte au suivant ? Et est-ce que les inconvénients d’un mandat unique de 5 ans font réellement le poids face aux risques despotiques que nous avons connus et que nous connaissons encore ? Et face à la situation exceptionnelle en matière de risque d’accaparement du pouvoir, pourquoi (même symboliquement) ne pas songer à inclure dans le libellé du serment présidentiel « que rien ne sera entrepris pour contourner cette limitation » ? C’est bien de dénoncer la confiscation du pouvoir par Ben Ali, mais il serait encore plus utile de la part de celui qui aspire à le remplacer de proposer des éléments concrets pour que cela ne soit plus envisageable par tous ceux qui « goûteront » au pouvoir suprême et chercheront à le prolonger.

4.- La soumission du président de la République à la loi comme tous les citoyens, soit par une procédure spéciale durant son mandat soit/et par la procédure de droit commun après la fin de son mandat.

5.- La clarification des positions vis-à-vis de la Chambre des conseillers qui est une insulte permanente à la souveraineté populaire et à la démocratie.

6.- La soumission du chef de l’exécutif à une véritable responsabilité politique. En d’autres termes, soumettre le réel auteur de la politique nationale à une responsabilité politique devant la Chambre des députés et non de son “fusible”, un premier ministre fantoche. N’était-ce pas la solution adoptée par la Tunisie depuis 1976, et ce, jusqu’à l’arrivée de Ben Ali qui a supprimé ce schéma de la Constitution dès 1988 ? (Un mécanisme qui, bien que trop rigide, avait au moins le mérite d’exister).

7.- La soumission de tous les actes réglementaires du gouvernement, président de la République compris, au contrôle de la juridiction administrative.

8.- L’élection des gouverneurs de région (Wali) par les maires et les conseillers municipaux. Les gouverneurs devant être les représentants de la loi républicaine et de leurs électeurs et surtout pas des intérêts patrimoniaux de certaines familles, ni des intérêts du parti politique au pouvoir.

9.- Le renforcement substantiel des mécanismes de l’immunité parlementaire pour que l’opposition parlementaire ne relève plus du rôle guignolesque qu’elle a. Et pour éviter que les députés ne deviennent juges et parties, conférer le pouvoir de lever cette immunité à la fois au Conseil supérieur de la magistrature, au Conseil constitutionnel et à la Chambre des députés. Lequel acte devant être motivé et rendu public.

10.- La question de la neutralité des financements publics tant pour les partis politiques que pour les associations reconnues d’utilité publique.

11.- Des propositions concrètes et détaillées pour que les discours qui stigmatisent le monopole actuel d’Etat -de fait- en matière de médias audiovisuels, ne soient pas de simples manœuvres pour prendre la place des despotes actuels afin de perpétuer les mêmes pratiques. C’est bien de dénoncer la situation présente, mais encore faut-il proposer de nouveaux schémas instituant des organes de régulation indépendants du pouvoir politique pour le contrôle, a posteriori, des contenus et l’octroi des fréquences.

 

A défaut d’obtenir satisfaction sur de telles propositions, je continuerai à faire errer mon clavier sur les questions relatives aux droits fondamentaux. Préférant, tant sur Nawaat que sur mon blog, relayer les communiqués et les papiers traitant de ce sujet, que de perdre du temps sur lesdits communiqués pouilleux. Et je crois qu’il est nettement plus utile de relayer des blogueurs dont le langage est plus proche des Tunisiens, que les motions “politiques”, avec le temps devenues si lassantes !

Astrubal, le 5 mai 2010
http://astrubal.nawaat.org
Enseignant universitaire

Co-administrateur de Nawaat.org


(1) – Cf. Astrubal : « Quelques commentaires à chaud à propos de l’interview de M. Bouchiha sur Canal du Dialogue tunisien ».

(2) – Cf. Organisation Mondiale Contre la Torture : “Note sur le suivi de la mise en œuvre des recommandations du comité des droits de l’Homme par la Tunisie.
Genève-Tunis, août 2009, p. 5 et 6.
http://www.omct.org/pdf/UNTB/2009/HRC_Tunisie_Note_suivi_recom_OMCT-ALTT_0809.pdf
Ce document est illégalement bloqué en Tunisie, comme l’ensemble du site de l’OMCT.

(3) – Cf. – Tribunal correctionnel de Kairouan, 24 décembre 1987, affaire n° 51883.
– Cour d’appel de Sousse, 11 avril 1988, affaire n° 58519.

(4) – Cour de Cassation, 1er juin 1988, affaire n° 27971 (ici pour lire l’intégralité de l’arrêt).

(5) – Rafâa Ben Achour (frère de l’un des démissionnaires) précisera ultérieurement à propos de ces démissions, que le Conseil constitutionnel, malgré la résistance des deux membres, a octroyé son visa à la loi organique 2 avril 1992 malgré son inconstitutionnalité flagrante. Ceci a eu lieu lors « d’une séance à laquelle n’ont pas pris part les membres soutenant l’inconstitutionnalité du projet et qui fut convoquée par le président du Conseil dans des conditions douteuses ». Refusant de cautionner une telle attitude «[et] en guise de protestation contre cette loi et contre les conditions de convocation de la séance au cours de laquelle le Conseil a rendu son avis […], [les] membres ont décidé de démissionner ».

Cf. Rafâa Ben Achour : « Tunisie : Les hésitations du Conseil Constitutionnel tunisien ». p. 669 et 670. In Annuaire international de justice constitutionnelle. Chroniques Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie). vol. VIII, 1992, p. 659 à 670. Paris, Économica, 1994.

(6) – Cf. Astrubal : « Tunisie, le scandale de la 403 maquillée en 404 ».

http://astrubal.nawaat.org/2006/06/12/tunisie-le-scandale-de-la-403-maquillee-en-404/

(7) – Mise à jour de dernière minute. Dans cet article je cite fréquemment le blocage du site pdpinfo.org parce que son cas est emblématique. Or, depuis quelques jours, le site d’Attariq.org, organe du parti Attariq Aljadid, subit le même sort. Il va de soi que ce qui est valable pour le PDPinfo.org, l’est aussi pour Attariq.org.

(8) – Cf. Mohamed Goumani, Fethi Touzri, Jilani Abdelli et Habib Bouajila : « La Réforme politique en Tunisie, entre la tentation autoritaire et l’exigence démocratique. ». Voir également l’interview sur le quotidien Le Temps du 24 décembre 2007 p.4

(9) – De mon point de vue, l’attitude du PDP ainsi que celles des autres partis de l’opposition démocratique sont bien en deçà de ce que devraient exiger les pratiques particulièrement restrictives qu’ils subissent au mépris de la loi.

(10) – Dans pratiquement tous ses discours, Ben Ali ne rate aucune occasion pour rappeler, à raison d’ailleurs, qu’en matière d’application de la loi, il sera intransigeant et, a fortiori, quand celle-ci est violée. En revanche, dès que l’on passe au volet de la pratique, on s’aperçoit qu’il s’agit en fait d’une intransigeance selon ses propres convenances, lorsque la loi n’est pas tout simplement violée sous son couvert. En somme, l’intransigeance de Ben Ali s’apparente davantage à un hommage du vice à la vertu.

(11) – Quant à vouloir « tout, tout de suite », on devrait, justement, tous s’y mettre afin que le cadre républicain soit effectif. Par ailleurs, que tous ceux privés de leurs passeports, les obtiennent tout de suite ; que les exilés soient en mesure de rentrer dans leur pays, que les blocages illégaux des sites internet soient levés, que les auteurs d’actes de torture soient poursuivis et leurs victimes ainsi que leurs familles indemnisées, que la liberté d’association soit enfin honorée (LTDH, ALTT, CNLT etc.), que les délais de la garde à vue soient respectés, etc.

(12) – Ainsi que je l’avais signalé déjà « parce qu’il n’appartient à personne de faire l’apologie de la violence et parce que, ne serait-ce que pour se conformer aux dispositions des conventions internationales ratifiées, il est de l’obligation de l’Etat Tunisien et de sa justice d’intervenir systématiquement pour faire cesser, d’une part, tout acte de violence, et d’autre part, de prévoir des mécanismes permettant à toute victime de poursuivre son agresseur. Les violences par le verbe et par le mot n’ont jamais dérogé à ces principes énoncés. Présentées ainsi, et parce que ces garanties judiciaires, de par leurs fondements, s’avèrent tellement évidentes, il est donc vain de discuter si la censure peut être légalisée ou pas. La question ne se pose même pas. Et c’est d’autant plus absurde, qu’il n’existe aucun pays au monde ne prévoyant de possibilité de recours à ses citoyens contre la diffamation, les outrages et autres agressions de ce type. Et la Tunisie n’y déroge pas. »

Cf. Astrubal : « Tunisie Censure : De la sanction collective à la sanction judiciaire ».

(13) – Cf. entre autres :
– TA. Req. n°18454 du 16 février 2002, Essaidi C./ Municipalité de Rades ;
– TA. Req. n°19620 du 17 janvier 2004, Bouzened C./ Ministre de l’Intérieur.

(14) – C’est absurde… parce que, dans ce cas, l’exigence d’intégrité du juge est matériellement impossible à réaliser. Elle est impossible à réaliser parce que ce juge, outre les mécanismes institutionnels, s’il ne bénéficie pas également de la vigilance et du soutien populaire, n’a pas de recours contre la tyrannie de son “employeur-despote”. Au meilleur des cas, s’il déçoit, il sera viré et remplacé par un autre juge qui aura un sens plus aigu de la reconnaissance du ventre. Et lequel nouveau juge n’aura, sans doute, aucun scrupule à broyer son collègue intègre qui a eu le tort d’être un “ingrat”. L’ancien juge Mokhtar Yahyaoui en sait sûrement quelque chose…

(15) – Au passage, et tel que mentionné, le discours direct d’ A Brahim est inédit dans les annales électorales tunisiennes. Du reste, ce que je trouve particulièrement agaçant au sein de la classe politique tunisienne, c’est cette allergie qui doit sûrement leur écorcher la gorge si jamais ils se mettaient à solliciter d’une façon franche et directe la confiance des Tunisiens. C’est à croire que les mots comme « SVP, j’ai besoin de vous, j’ai besoin de votre soutien, rejoignez-moi, aidons-nous les uns les autres pour réaliser tel projet » doit leur faire pousser des boutons de fièvre.