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Par Mohedine Bejaoui,

Une dictature des plus féroces vient de tomber, en Tunisie, « le pays calme », comme dit la publicité touristique… « Travail, liberté, dignité », voilà les mots d’ordre scandés dans toutes les manifestations qui ont secoué la Tunisie depuis des semaines, accompagnés par le silence complice du gouvernement français qui, par la voix de Mme Alliot-Marie proposa ses services pour « aider à ramener le calme ». L’histoire est en marche en Tunisie. Elle retiendra que le gouvernement français a soutenu, comme la potence soutient le pendu, un dictateur aveugle, sourd et corrompu qui a régné pendant 23 ans pour enrichir sa famille et ses affidés.

M. Sarkozy, vous ne pouvez pas dire que vous ne le saviez pas!

Circonstance aggravante pour celui qui s’est targué lors de sa campagne électorale de « ne pas serrer la main des dictateurs ».

Vous avez serré la main de Poutine et vous vous êtes baladé dans les rues de Tunis, piétinant les pétales de roses au côté de votre hôte, le dictateur Ben Ali, celui-là même qui piétinait la loi, la morale et l’honneur des Tunisiens depuis des décennies. « La démocratie progresse en Tunisie » aviez vous dit à la fin de votre voyage au pays des « indigènes », je vous laisse le loisir de mesurer la justesse de votre propos et l’ampleur de la démocratisation -plus de 100 morts- par votre ami Ben Ali.

Après l’appel au calme que vos services de communication et spécialistes en langue de bois nous ont servi, après l’offre de service que votre ministre des affaires étrangères a proposé à la dictature, vous prenez acte honteusement aujourd’hui du choix du peuple tunisien. Venant au secours de la victoire, je vous dis: nous n’avons pas besoin de votre soutien, nous saurons mener cette révolution à son terme parce que nous avons prouvé au monde entier qu’un peuple arabe et musulman peut se lever comme un seul homme, comme une seule femme, sans s’appuyer sur l’islamisme, l’intégrisme, ni le salafisme. Ruse de l’histoire qui vous a eu, le peuple tunisien était bien mûr pour la démocratie depuis des décennies alors que le strabisme culturaliste et la cécité islamophobe vous ont empêché de voir qu’entre le peuple tunisien et ses dirigeants se creusait un gouffre de malentendus générationnels, culturels et politiques. Vous avez manqué de lucidité : l’histoire parle depuis un moment, mais vous ne l’écoutiez pas ; elle crie aujourd’hui aux oreilles du monde entier, qu’il n’y a pas de fatalité à l’injustice.

La voie est désormais tracée pour tous les opprimés d’Algérie, du Maroc, d’Égypte, de Corée du Nord et d’ailleurs… La liberté n’est pas une possibilité, c’est une nécessité historique.

J’étais nourri depuis ma tendre enfance par les mots de ce grand poète tunisien Abu El Kacem Chebbi, qui dit: « Lorsque le peuple veut la vie, le destin est obligé de s’y soumettre »; la Tunisie scandait hier: «Du pain de l’eau ça suffit, mais pas de Ben Ali». Édifiant. La révolution qui n’a eu qu’un seul mot d’ordre: La DIGNITE est en marche. Est-ce trop demander?

Vous, Mr Sarkozy, vous ne l’aviez pas compris!

Nous, Tunisiens, issus d’une culture millénaire, Amazighs « hommes et femmes libres » nous le demeurons pour toujours, nous sommes contemporains de ce monde globalisé, conscients d’appartenir à une humanité universelle. Notre singularité y participe et sommes fier d’apporter notre pierre à la libération de l’homme où qu’il soit.

Notre révolution réelle, non pas virtuelle est menée à l’instant où j’écris ces lignes sur la toile globale des réseaux sociaux. A l’instant même, des milliers de messages écrits, audio et vidéo sont diffusés en temps réel pour décrire de quelle manière le peuple tunisien s’oppose à la dictature, et pas seulement au dictateur qu’il a démis hier. La vermine, nourrie et entretenue par le système mafieux de Ben Ali et consorts est en train de tirer ses dernières salves contre le citoyen tunisien conscient, instruit, cultivé, qui s’opposera de toute sa force de conviction aux milices du pouvoir absolu agonisant. En cela, le citoyen tunisien est soutenu par la justesse de la cause et galvanisé par le retour d’une liberté perdue depuis 1956 et retrouvée sur le champ d’honneur. L’automne du patriarche a pris fin le 14 janvier 2011. L’hiver sera rude, mais court. Nous le supporterons. Le jasmin d’ordinaire estival, précoce il ne tardera pas à fleurir exceptionnellement au printemps ; sans autre aide que celle des Tunisiens, citoyens dans l’âme depuis des lustres. Nous avons déposé Ben Ali, nous sommes entrain d’éliminer la vermine et les sangsues qu’il nous a légué, lui qui préféra libérer les repris de justice plutôt que les épris de justice pour jouer au pompier pyromane. La ruse n’a pas marché. Aujourd’hui, nous faisons l’histoire, nous écrivons LA LIBERTE avec le sang de nos martyrs, alors qu’une des plus vieilles démocraties du monde, La France, berceau des droits de l’homme, s’est couchée devant la bête immonde par la faute de ses gouvernants. La résistance continue en Tunisie, la révolution commence aujourd’hui. Honte à tous les collaborateurs actifs et passifs, honte à tous ceux qui ont pactisé avec le diable en choisissant la peste plutôt que le choléra, honte à ceux qui apaisèrent leur crainte fantasmatique de l’intégrisme en acceptant la dictature réelle. La Tunisie vivra parce que nous l’avons décidé.

Tunisie mon amour.