Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.
Slim Amamou lors de son investiture par Foued Mbazaa, président par intérim.

Une petite devinette, qui a dit ? : « Ma conscience est tout à fait prête à faire des concessions si on me paie »

Une phrase promontoire pour son auteur mais un gâchis pour moi qui faisais travailler mes neurones depuis quelques jours, cherchant de belles formules pour célébrer la liberté enfin retrouvée, l’héroïsme du peuple tunisien, son intelligence collective et sa dignité, qui ont laissé le monde entier bouche bée. Mais voilà que la fête est gâchée. Nul besoin de faire travailler son cerveau en surrégime. Tout est dit, rien à ajouter, aucune critique à faire, aucun reproche à formuler. Comment pourrions-nous reprocher à un ministre de faire ce qu’il dit et de tenir enfin ses promesses ? Qui déclare en mars 2010 qu’il est prêt à vendre sa conscience si on le paie et qui passe à l’acte quelques mois plus tard.

Quel gâchis, car en effet, je me disais que maintenant que Ben Brik avait gagné, j’allais être le Ben Brik de Ben Brik, le pied. Je l’ai entendu déclarer sa victoire par KO contre Ben Ali à l’issue d’un combat au corps à corps qui a duré 23 ans. Je voulais tester le fameux adage stipulant que « la dictature c’est “ferme ta gueule” et la démocratie c’est “cause toujours” » alors causons. Et voilà que je trouve en face de moi un Slim 404 [Pseudonyme de Slim Amamaou sur Twitter qui joue carte sur table et qui nous invite à lui porter la contradiction, comment contrer le vide ?

Parmi les bonnes cartes abattues par le cercle du dictateur disparu, il se trouve que la nomination d’un blogueur du nom de Slim Amamou dans le Gouvernement est vraiment un super coup, un coup digne des meilleurs spin doctors de la place.

Maintenant qu’Ammar 404 ne répond plus, nous avons Slim 404, pseudonyme de Slim Amamou le nouveau Secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports. A la place d’un mur, nous avons le néant, le mur renvoie la balle à la gueule, ce qui renforce, le vide vous engouffre comme vous êtes. Je ne connaissais que vaguement Slim, son nom a éclaté au grand jour quand il fut arrêté début janvier 2011, soupçonné d’avoir participé à une cyber attaque conte les sites du Gouvernement. J’ai donc voulu voir de plus près le parcours de cette étoile filante qui, de la blogosphere, s’est retrouvée au Gouvernement en passant par la case prison et le tout en quelques jours, un génie de Monopoly.

Parmi les billets que Slim a publié sur son blog, il en est un qui a particulièrement retenu mon attention (sic), il s’agit de celui du 14 mars 2010, intitulé : « Payer les enfants pour aller à l’école (ou L’économie de l’attention expliquée à ma femme) ». Dans lequel Slim nous explique doctement comment notre attention est monnayable, ce billet réagit à la proposition qui a été faite de rétribuer les enfants en échange de leur présence à l’école et que l’attention que nous accordons aux spots de publicité pourrait l’être également. Il déclare : « Ayant un biais pour les solutions simples et pragmatiques, je trouve que rémunérer les étudiants pour leur attention est une solution idéale. Ne serait ce que pour son accompagnement au changement de paradigme et son alternative au revenu de vie. »

C’est épouvantable de vivre sous une dictature, fort heureusement il y a toujours une minorité de femmes et d’hommes qui sont dotés d’un sens moral inébranlable et qui les pousse à résister quelque soit le prix à payer. Est-il besoin de citer les Marzouki, Mourou, Ben Brik, Nasraoui. La dictature fait tout pour tuer ce qu’il y a de plus noble en l’homme mais la vie l’emporte tôt ou tard et résiste à l’entropie.

La dictature est épouvantable, mais la démocratie c’est d’un triste ! Elle permet aux charlatans d’exercer sans aucune entrave et à la médiocrité d’occuper l’espace. Quelques billets de masturbation intellectuelle par-ci, quelques photos sur Facebook par-là, quelques tweets indigestes battant des records de médiocrité syntaxique et le voilà maître du monde. Les mères de Kasserine pleurent encore, la flemme de Sidi Bouzid brûle encore, les tombes ne sont pas encore refermées mais il n’y a aucune limite à l’arrivisme de certains. 404 est mort, vive 404 !

Ridha Smiri