Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Après une prière sur l’âme de nos martyrs, Je salue les centaines de milliers qui sont descendus dans les rues pendant plusieurs semaines pour faire fuir le dictateur Ben Ali.

La révolution n’est pas seulement de se débarrasser du dictateur, mais c’est aussi et surtout, de changer les structures, les méthodes et les instruments du gouvernement – dit provisoire – qu’il nous a laissé, cela au niveau du fond, puis, au niveau de la forme, en créant de nouveaux symboles et une nouvelle signature.

Voici quelques conseils pour transformer le fond et donner de la couleur à la forme :

(1) – La Police :

Après la formation du gouvernement provisoire, et comme vous venez de vous en rendre compte, la police continue d’agir avec les mêmes méthodes de violence et terreur contre les manifestants pacifiques comme si de rien n’était. L’attaque violente de la police contre les manifestants a la Kasbah il y a quelques jours, et plus récemment, la mort de 4 manifestants au Kef, et la mort de deux jeunes brulés au poste de police de Sidi Bouzid, source même de l’étincelle de la révolution, nous rappelle que les méthodes du régime du dictateur Ben Ali se portent bien.

Depuis plus de 23 ans, la police n’a fait que terroriser le peuple. Les postes de police se sont transformés en centre de terreur et chambres de torture, cela en plus de sa notoriété en matière de corruption. Les derniers évènements révolutionnaires ont très clairement montré la nature de cette police. La terreur, la torture et la corruption se sont devenues des réflexes pour la police. Il serait naïf et irresponsable de penser qu’elle va changer du jour au lendemain après la fuite du dictateur.

On ne peut pas faire du nouveau avec de l’ancien: notre police est trop vieille dans sa mentalité et ses méthodes. Il va falloir identifier ceux qui ont torturé ou commis des violences contre les citoyens et les traduire devant la justice. Il faut le faire tout de suite et en se faisant tester notre nouvelle justice.

Quant aux autres policiers il va falloir les envoyer dans des centres de réhabilitation où ils devront passer un à deux ans à étudier les droits de l’homme, les droits du citoyen, la constitution, et un nouveau « Guide du Policier » – qui reste à rédiger – et qui définit les fonctions de la police autour de la défense des droits du citoyen, et qui détaille ses procédures. Deux années de formation et réhabilitation sont nécessaires pour que la police devienne civilisée et apprenne de nouvelles méthodes adaptées à une Tunisie démocratique.

Pour maintenir la sécurité de la révolution et des citoyens, il faudrait recruter un corps de police provisoire parmi les jeunes éduqués, et sans travail, qui ont participé au mouvement révolutionnaire. Les jeunes de Sidi Bouzid, de Regueb, Maknassi, Kasserine, Thala, le Kef, etc… qui ont manifesté avec ardeur et mis leur vie sur la ligne pour libérer le pays de la dictature, sont les premiers à mériter d’assurer la fonction de gardiens de la révolution, et de la sécurité publique.

Ainsi, les citoyens, au niveau des villes et villages, doivent immédiatement choisir leurs agents de police et les installer dans les postes de police, en exigeant du ministère de l’intérieur de les reconnaitre. Car une police encore à la solde de l’ancien régime RCD (même après sa dissolution) restera la première source de troubles dans les localités, puisqu’elle fera tout pour faire échouer la révolution.

Il faudra aussi corriger la fonction sécuritaire du gouvernement en :

  • Transformant le bâtiment du ministère de l’intérieur Avenue Bourguiba en musée de l’histoire de la Révolution du peuple Tunisien.
  • Changeant le nom du Ministère de l’intérieur en Ministère de la Protection des Citoyens (ou quelque autre nom qui a le même sens).
  • Hébergeant ce ministère dans un autre immeuble (par exemple celui du défunt RCD sur l’avenue Mohamed V) en attendant de construire un nouveau bâtiment transparent tout en glace – de manière à ce que les passants puissent voir ce qui s’y passe. Ce sera une première que le monde ne tardera pas à imiter.
  • Changeant le nom du Ministère des affaires étrangères en Ministère de l’Amitié avec les Nations. En 1981, et pour marquer l’arrivée des socialistes au pouvoir, un évènement bien en deçà de notre belle et glorieuse révolution, Mitterrand avait changé le nom du ministère des affaires étrangères au Ministère des Relations Extérieures. Nous sommes en droit de faire mieux et d’annoncer au monde notre vision amicale avec toutes les nations, une vision qui oppose la compétition et la belligérance. À d’autres de suivre notre démarche.
  • (2) – La dissolution immédiate du RCD et de leur tribune : le Parlement

    Le gouvernement provisoire tergiverse sur ce point crucial. Plusieurs membres du gouvernement sont depuis longtemps des membres du RCD (ils viennent juste d’en démissionner apparemment par opportunisme plutôt que par conviction). S’il est possible de le faire dans le cadre de la constitution c’est tant mieux, sinon, la volonté du peuple à force de loi ; dans ce cas, la tache de démonter le RCD incombera au peuple. Il doit le faire au niveau local, dans chaque ville et village, en occupant leurs bureaux, dont le loyer et la maintenance restent aux frais du peuple. Ceci représentera aussi une dissolution du parlement ; d’une pierre deux coups. Le RCD a une longue histoire de comploter contre le peuple au bénéfice du dictateur et à leurs propres bénéfices : ne sont-ils pas de gros rats qui se sont engraissé sur le dos du peuple ?

    (3) – L’Organisation des Citoyens :

    Il faut maintenir et développer la structure de base des comités de quartiers, et en faire des lieux de rencontre et de discussion. Les comités de quartier peuvent élire des comités de village ou ville. Ces comités de citoyens constituent dans la situation actuelle encore incertaine, un contre-pouvoir pour contrer le pouvoir du gouvernement provisoire qui ressemble à chaque jour qui passe, par les actions qu’il prend, ou les actions qu’il tarde à prendre, aux gouvernements passés du dictateur déchu.

    (4) – Les Autorités Locales : les gouverneurs (préfets) et les mu3tamads (sous-préfets) :

    Les gouverneurs et les mu3tamads ont été le bras droit de la conduite sur le terrain de la politique d’un gouvernement autoritaire et trop centralisé. Il faut rompre avec l’autoritarisme en rompant avec la centralisation du système politique. La décentralisation donnera aux communautés locales la possibilité de participer aux décisions et la gestion de leurs affaires. Elle permettra aussi de limiter les effets excessifs d’une dictature nécessairement centralisatrice. Ce qui veut dire que les citoyens doivent choisir leur gouverneur et leur mu3tamad. Donc ne soyez pas naïfs, n’attendez pas de Mr. Mbazzaa ou de Mr. Ghannouchi de vous envoyer des gouverneurs ou mu3tamads que vous allez accepter, choisissez les vous-mêmes et mettez ainsi les Mbazzaa et Ghannouchi devant le fait accompli. En faisant ainsi vous annoncez vos anticipations de la nouvelle constitution qui doit garantir la décentralisation.

    Actuellement, les maires des municipalités sont choisis à la suite d’élections locales. Cela doit être pareil pour les gouverneurs et les mu3tamads. À ce propos, les maires récemment élus sont des marionnettes de l’ancien régime. Il faut faire vite de s’en débarrasser.

    Aussi, le maire doit être l’autorité responsable de la police locale, et pas le sinistre ministère de l’intérieur. Ainsi la police cessera d’être un instrument de répression aux mains d’un ministère lointain et centralisé, et deviendra au service du citoyen pour veiller à la paix sociale.

    (5) – Les nouvelles Commissions Nationales :

    Les commissions nationales qui viennent d’être nommées ne semblent pas pressées de commencer à travailler. Aussi on reste dans l’ignorance de la portée et de l’étendue de leur travail, de l’agenda de leur progrès et publication de leurs rapports, et des mécanismes de comment traduire leurs résultats.

    Déjà la Commission supérieure pour la réforme politique est dit on dominée par les caciques du régime déchu. Sa composition est critiquée par tous, et elle doit être corrigée immédiatement. La pression populaire doit continuer afin de changer sa composition.

    Quand à la a commission d’établissement des faits sur les affaires de malversation et de corruption, rien que son nom ne laisse pas présager des résultats à la mesure des attentes du peuple.

    On a besoin d’une commission sérieuse et déterminée à découvrir toutes les affaires de grosse corruption. Une commission large et bien dotée de moyens et qui commence à travailler tout de suite. Une commission que l’on nomme, sans détour, Min Ayna Laka Hadha ?

    (6) – La Justice :

    Nous avons besoin d’une justice reformée afin de mener à bien et dans la transparence les nombreux procès à venir : parmi lesquels : le procès des criminels qui ont terrorisé la population ou tiré sur les manifestants, des tortionnaires qui ont torturé les personnes arrêtées ou les prisonniers, les membres de la famille du dictateur en arrêt ou qui vont bientôt être extradées, et du dictateur lui-même.

    Le peuple compte sur les avocats et les juges qui se sont ralliés à la révolution de nettoyer dans l’enceinte du ministère de la justice et des tribunaux.

    (7) Le palais de Carthage :

    Compte tenu que le luxueux et impérial palais de Carthage est associé dans l’esprit des Tunisiens avec le culte de la personnalité et de la dictature, et du fait que le régime vers lequel on s’achemine sera plus parlementaire et moins présidentiel, on doit décider si l’on doit faire du palais de Carthage un musée, comme c’est le cas du château de Versailles, ou les visiteurs auront à s’ ahurir (ou s’émerveiller) à la vue du lit du dictateur ou de la coiffeuse de sa dame, car après tout, cette magnifique révolution a bien détrôné un roi, sa reine, et leur vaste cour.

    Ce sont là quelques actions à conduire urgemment car la préservation des acquis de la Révolution en dépend.

    Hachem H.
    Informaticien