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D’abord c’est une nouvelle réjouissante pour cette démocratie qui se lève : Pour la première fois en Tunisie, on ne congédie pas un ministre pour l’assigner à résidence ou l’envoyer à l’étranger se faire oublier et faire des affaires. Cela arrivait de temps en temps -la vie des ministres participait de celle du dictateur, était longue, très longue. La forfaiture de l’exilé, ou le coup de colère passager du prince, finissait par être oublié et le délinquant revenait, entre temps les médias de la cour auront passer qui éponges qui serpillères -c’était leur métier- et le bon peuple, comme ils disaient, aura applaudi chanteuses officielles, demi-mondaines à succès publics et privés et autres dribleurs de haut vol. Hier encore M. El-Karoui Hakim, crayon d’un aphoriste célèbre et ministre-conférencier à Tozeur, assistant de dictateurs de tous pays et fournisseur, à ses heures perdues, d’éléments de babil, conseillait de trouver un point de chute (mot bien choisi) à l’étranger, pour un sinistre ministre, aux mains bien sales.

La Camorra, envoyant ces mafieux au vert, après un coup pas très net, n’agit pas autrement. Pour la première fois, un ministre vient annoncer son départ, devant les caméras et puis rentre chez lui.

Ensuite, nous allons désormais nous habituer à ne plus considérer qu’à la tête de nos affaires, il n’y a que des irremplaçables. Excellente habitude, en vérité.

Nous habituer aussi, conséquence hautement jouissive, à la disparition des « hakima », des « rachida », des « râ’ida » -désolé pour les dames et les jeunes filles qui portent ces doux et beaux prénoms -je parle de vocables salis par les cireurs de bottes de politique ; et, en la matière quel soulagement ! Une langue économe et lavée ; des servilités en moins, on dirait que la politique voudrait redevenir humaine.

Et puis c’est une très bonne nouvelle qui instaure une sorte de jurisprudence vertueuse : l’impossibilité de travailler comme ils l’entendent, incitera dorénavant les responsables politiques à partir, quelque soit les raisons, quelque soient leur rang. Avant ils fuyaient, en voleurs ou comme des voleurs.

M. Ghannouchi a dit lui-même son impuissance à gouverner. Ce n’était pas un scoop, à vrai dire : il y a six semaines, il dégageait sa responsabilité, en affirmant qu’on lui cachait tout.

On, c’étaient de vilains messieurs pour lesquels on –c’est un autre- signait des autorisations de gros chèques, cédaient divers biens de la nation, des fleurons de l’industrie et du commerce, des compagnies aériennes…

Enfin, c’est excellent pour la Révolution de voir ce Monsieur qui, avec d’autres, a tenté de ferrer le pays aux articles et aux alinéas d’une constitution violée et re-violée, que la Révolution a condamnés, contre lesquels la Révolution a levé comme le bon pain et comme lèvent les tempêtes, de voir qu’il a constaté, lui aussi, enfin, que l’entreprise a échoué. Pouvait-il en être autrement ?
Il s’est rendu à l’évidence : il n’a pas réussi, avec tous ces/ses repris de l’ancien régime.

C’est un signal d’une importance capitale de la nouvelle vie qui point et que les hommes qui ont lutté, qui luttent encore, prendront pour ce qu’il est : la lutte obstinée paie et vient à bout de toutes les résistances. Après la première charretée des ercédistes arrogants, les Fri’a et compagnie, après les gouverneurs ercésistes plus ou moins transfuges, et d’ailleurs plutôt plus que moins, le premier ministre et son gouvernement.
Il a fallu du temps. Mais tout est bien etc.

Des questions subsistent, cependant :

  • Pourquoi M. Ghannouchi n’a-t-il eu aucun empressement pour dissoudre le RCD, pour remplacer les hauts fonctionnaires -suppôts et piliers à la fois de l’ancien régime- ?

    Ces gens qui ont tout intérêt à tout faire capoter, pour que tout cela soit réellement provisoire ne le dissimulaient guère : Ils se jetaient sur tous les micros pour le dire, et les caméras des TV.

  • Pourquoi n’a-t-il pas demandé la dissolution des deux chambres qui ne représentaient personne ? et qui viennent, comble de l’ignominie ! de condamner Kadhafi et ses mercenaires ! eux qui étaient la voix de leur maître, comme dit une certaine publicité d’une bête élégante et fidèle !
  • Pourquoi ne pas avoir opposé une fin de non-recevoir aux demandes salariales intempestives de ceux qui avaient un travail et qui étaient poussés par des irresponsables ou manipulés par ceux qui voulaient tout faire capoter ? Les chômeurs, leurs proches –cela fait du monde !- auraient été derrière lui et tous les démocrates.
  • De tout cela on croit avoir les réponses.

    Mais M. l’ex-Premier Ministre, dans votre allocution de tout à l’heure, vous avez dit trop ou pas assez :

  • Vous avez dit d’abord que vous démissionnez « en tant que premier ministre ». C’est curieux. Vous a-t-on promis d’autre portefeuille ? Vous en êtes-vous réservé ?
  • Cela n’est pas très important, on verra plus tard.

  • Vous dites aussi que les semeurs de troubles n’ont rien à faire des revendications de ceux de la Kasba et rien à voir avec eux. Vous parlez du monsieur qui circulait en voiture à Kasserine avec 90.000 dinars, salaires des incendiaires.
  • Cela est très grave et qui d’autre que vous est habilité à donner la réponse ?

    Nous savions tous, monsieur le premier ministre, que les opposants qui viennent de sortir des vos prisons et les exilés de vos gouvernements qui viennent de rentrer au pays sont désargentés, que l’opposition de l’intérieur –je ne parle pas de la bénaliste- peine à trouver un local pour se réunir … Le secret de Polichinelle, qui est le Tunisien qui l’ignore ?

    Mais il nous importait de vous entendre vous qui avez répudié le RCD, après son naufrage sans gloire, de nous donner des noms, de désigner les coupables. C’eût été une preuve de sincère repentir. Oui de repentir, car vous étiez le premier à savoir ce que faisaient toutes les mafias de ce parti, qui, aujourd’hui, achètent des malfaiteurs pour semer la terreur et mettre le pays à feu et à sang, comme ils l’avaient fait à la fuite du dictateur.

    Cependant, nous n’allons bouder notre plaisir, surtout que, comme les trains fantômes, une démission peut, non pas en cacher mais s’accompagner d’une autre. Nous attendons celle de la dame de l’air pas cher, des copains et des coquins, qui survolait les morts et faisait des affaires en bonne compagnie d’assassins et de voleurs, une « grande amie » de notre pays, disait un ministre acariâtre et éphémère.

    Votre départ annonce la fin du rafistolage d’un système irréparable. Il devra déboucher normalement sur une Constituante que beaucoup attendent, que vous avez combattue, et d’autres avec vous, au nom d’une continuité aussi factice que dangereuse, une continuité de compromissions peuplée de revanchards embusqués dans deux assemblées, dans les officines du RCD, dans les hautes sphères de la justice, du patronat, de l’Administration, et non pas celle de l’État, comme les vendeurs de l’ancien régime vont le répètent du matin au soir et du soir au matin.