Par Wafa Khlif.

Si tout était à refaire, je prendrais le temps d’imaginer une zone ou des femmes, des hommes, des enfants, des vieux, des malades, des moches, des embryons, etc. se rencontrent et décident de vivre ensemble. Ma première pensée va à un ami qui dénonce la peur. La peur de soi et de l’autre qui a faussé, pendant des siècles, cette rencontre et à réguler un vivre ensemble immature, dans le conflit permanent et surtout dans la négation de la réalité.

La peur est un sentiment de détresse, qui place des certitudes dans nos démarches. «Cet état est normal et même positif lorsqu’il nous conduit à réagir en évitant ou en surmontant ce danger. En revanche lorsque la peur est la conséquence de phobies ou d’un état chronique d’anxiété sans objet, elle prend un tour pathologique ». C’est exactement cette deuxième peur et ceux qui militent pour la créer que je dénonce.

Et si on arrêtait d’avoir peur :

De soi : les voyages internes sont constructeurs de l’eternel. Nous sommes chacun un tout permanent et relatif et l’exigence de la sérénité intérieur suppose l’harmonie de ce tout. Nous ne sommes pas des têtes intelligentes qui construisent une réalité approximative. Nous ne sommes pas non plus des sens qui traduisent des instincts collectifs (pour ne pas dire animalier). Nous sommes juste le croisement de ces deux composantes essentielles à notre être. La peur vient de l’hégémonie de l’une de ces composantes sur l’autre.

De l’autre : car il représente une menace par sa différence. La peur nourrit la volonté à la similarité, à la similitude, à la proximité (culturelle, biologique, naturelle, etc.). Les hommes ont peur des femmes, les blancs ont peur des moins blancs, les sfaxiens ont peur des jerbiens, les petits ont peurs des grands, etc. L’autre est souvent synonyme de danger et est même chargé négativement. L’autre est taxé de tous les maux, puisqu’il échappe à un soi frileux. Il se définit souvent en opposition à un soi. Alors que l’autre n’attend qu’un pas souriant.

L’humanité porte en elle le fruit de l’anxiété imposée par la nature. Au lieu de coexister et de vivre en harmonie avec elle, elle a tout essayé pour la « maitriser » en voulant l’asservir. C’est là ou réside notre erreur ! De même, au lieu de vivre en harmonie avec les autres, on essaye de les maitriser, de les dominer ou encore, de les anéantir (même raisonnement que pour la nature). Aucun n’a ce droit naturel d’éliminer l’autre. Aucun sinon ceux qui se déclarent supérieur de fait ou, encore plus légitimes (car en apparence moins pédants), des représentants « officiels» d’un Dieu. Ce pouvoir qui les anime (et qui prend racine dans cette peur) crée juste un sentiment de prépotence et une volonté d’imposer sa raison, son être et ses sentiments sur l’autre.

Pourquoi persister à vouloir comprendre la politique par la définition grecque d’un « art ou une manière de gouverner » ou il s’agit principalement d’organiser le pouvoir dans un collectif humain se proclamant supérieur. Cette compréhension a été révoquée par l’article premier de la déclaration universelles des droits de l’homme : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits”. Plus pervers encore, ces prétendants défenseurs des valeurs universelles assoient leur pouvoir par la simple création et maintien de cette sacrée peur. Plus ils nourrissent nos esprits et sens par des peurs (généralement fictives, la peur d’un Dieu étant la première) et plus on les supplierait presque de nous gouverner pour nous réconforter et nous protéger.

Pourquoi devrais je être taxée d’irréaliste et de pauvre idéaliste si je veux vivre dans un société qui réfléchi l’humain dans sa totalité harmonieuse. Pourquoi devrait on passer la peur pour vivre ensemble ? La religion était une étape importante dans la maitrise de la peur, mais n’a pas suffit à l’éliminer. Elle l’a juste transférée. Il est temps de nous prendre en charge, en tant qu’humain et croiser la réflexion et le sens pour aboutir à cette euphonie de la vie.

Pourquoi ne peut/veut on pas évoluer vers une compréhension du pouvoir serviteur. Ou « celui qui sert le peuple est son maitre », un proverbe bien de chez nous. Des humains élus pour servir la cause du collectif et non pour exercer un pouvoir, se servir et sévir. Des humains dévoués seulement à anéantir cette peur par une éducation, une spiritualité et une justice (d’autres l’ont déjà fait).

Et si nous, peuple tunisien, œuvrons pour mettre en avant cette compréhension, par notre action civile ? Si on imposait une adhésion à cette valeur centrale du public servis par les politiciens…

Ironiquement, on pourrait être surpris de voir plusieurs personnes attelées à cette course du pouvoir quitter la scène rapidement?