Monsieur le Président de la République Française :

L’Ulysse de ces temps-ci est, inéluctablement, tunisien. Et la tragédie est bel et bien tunisienne. Mais, à la différence de l’Odyssée d’Homère, l’héros n’est pas un individu seul mais 25 000 rescapés et des dizaines de faux-espoirs gisant au fond de la méditerranée !!!

Monsieur le Président de la République Française :

L’histoire de ces jeunes, longtemps occultée par un pouvoir hideux trop soucieux de soigner son image que de leur avenir, émerge de nos jours … dérangeante et choquante. Elle se résume, je vous l’assure, en trois mots : chômage, misère et … mirage.

N’attendant pas les fruits de la révolution de la dignité, pourtant la leur, ces jeunes se sont “inscrits” dans une folle entreprise aux conséquences incertaines. Candidats à l’émigration clandestine, ils ont confié leurs “âmes” et toutes leurs économies à ces diables de marchands de rêves … ces passeurs sans scrupules.

En catimini, ils ont pris une mer, souvent hostile, navigant dans des embarcations de fortune et laissant, derrière eux, des êtres chers terriblement inquiets. Leur point de mire la petite île italienne de Lampedusa, le premier rocher de la citadelle Europe et la porte d’entrée au vieux continent riche et accueillant, leur a-t-on raconté…

Leur voyage, périlleux, s’il arrive à terme, n’aura pris qu’une vingtaine d’heures et les voilà arrivés dans leur Eldorado. Leur “Ouf” de soulagement, en accostant la terre ferme, ne sera que de courte durée. Très vite, ils se sont rendus compte qu’ils n’étaient pas les bienvenus. Ce rappel amer à la réalité a, violemment, secoué ces réfugiés économiques. Et le doute alla, crescendo, s’installer…

Monsieur le Président de la République Française :

Pris en charge par les carabiniers, ils sont emmenés vers leur premier point d’ancrage italien : le centre de secours et d’accueil rouvert pour l’occasion. Les conditions d’hébergement y sont  inhumaines. Ils seront transférés, par la suite, sur le continent dans des centres de rétention. Mais, la quasi totalité de ces “clandestins”, n’ont pas l’intention d’y demeurer. Ils clament haut et fort leur intention de rejoindre la France, terre d’accueil et pays des droits de l’Homme avec lequel des liens historiques et “culturels” ont été tissés au fil des temps.

Monsieur le Président de la République Française :

Mais, la réponse de votre pays ne se fait pas attendre … directe et sèche à la limite de la xénophobie tels les propos tenus par Mme Chantal Brunel, députée de votre famille politique, qui suggère de les “remettre dans les bateaux” ??!!!

Monsieur le Président de la République Française :

La Tunisie et l’Italie ont conclu un accord stipulant la régularisation de 22.000 Tunisiens en situation irrégulière en leur accordant des titres de séjour leur permettant de circuler librement dans les pays de l’espace Schengen. Vous y étiez opposé. Votre véto s’est fait retentir brutalement.

Et, les instructions du ministère de l’Intérieur pour limiter l’impact de cette éventuelle arrivée y vont dans le même sens. Elles illustrent, en imposant cinq conditions quasi impossibles à honorer par nos émigrés, une insouciance au sort de ces milliers de victimes* et une envie pressante de se débarrasser de ce “fléau”.

Monsieur le Président de la République Française :

Nous apprenons, chaque jour, par les médias, des informations alarmantes sur la situation de nos frères tunisiens sur votre territoire. Ils y sont persécutés, au mieux, confinés, comme des bêtes sauvages, dans des squares…

Leur condition de vie est si précaire qu’elle nécessite encadrement accompagnement social et sanitaire.

Monsieur le Président de la République Française :

Je sais que la France ne peut pas “accueillir toute la misère du monde” mais, face à cette situation exceptionnelle, des solutions inédites devraient être trouvées.

Pourquoi ,comme le proposait le Parti Socialiste Français, ne vous appliqueriez pas  la directive européenne de protection temporaire, qui a été créée pendant la guerre des Balkans, et “qui prévoit, dans des circonstances exceptionnelles, un accueil solidaire au sein de l’UE de populations fuyant des troubles.”??

Ou bien, vous, occidentaux, qui avez créé, il y a des années, le droit, très controversé, “à l’ingérence humanitaire” et puis, en version 2, le “Droit de défendre la population civile”, ne pourriez-vous pas inventé le “Droit d’accueil humanitaire”???

Monsieur le Président de la République Française :

Je sais que le moment “choisi” par ces jeunes tunisiens constitue une aubaine, pour vous personnellement, dans votre quête des voix de l’électorat de l’extrême droite.

Je sais que les sondages des présidentielles ne vous sont pas favorables et que, par votre position, vous espérez inverser les tendances.

Il est évident que vous agissiez selon un agenda électoral mais ces rescapés ne méritent pas des surenchères politiciennes. Ce sont des cas humains en détresse.

Le Général De Gaules, dont vous réclamez l’héritage politique, aurait-il agi de cette manière?? Je ne le pense pas !!!

Tunis le 2 Mai 2011

 

*http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/110407-circulaire-gueant.pdf