Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Je me souviens d’un séjour de 2 jours au mois de mai 1979 sur le site archéologique de Gightis. Le site n’était pas gardé à l’époque et tout autour il y avait de rares végétations dont quelques arbustes suffisamment hauts pour abriter du regard un camping.

Nous étions huit amis que l’Islam militant de l’époque avait rassemblés dans une quête d’idéal pour le progrès de notre société décolonisée et depuis peu de temps instruite. Un idéal de reconstruction !

On a vécu 2 jours d’isolement religieux très amical avec une plage suffisamment tempérée pour s’y baigner entre prières et prêches (halakats).

La Tunisie de l’époque avec l’indépendance a commencé à explorer son avenir et son histoire après une colonisation assez longue qui a suivi une ère appelée par Malek Bennabi l’ère post-Almoahides (ahd ma baada al Mouahhidin).

L’origine des Mouhhidoun remonte a Ibn Toumert.

Banni, en1120, pour ses critiques du mode vie libéral de la dynastie finissante des Mourabitoun (Almoravides), Ibn Toumert s’est réfugié dans les hauteurs quasi inaccessibles de l’Atlas Marocain en face de Marrakech.

Il a vécu isolé du monde avec ses disciples, prêché le rigorisme et l’ascétisme, et consolidé son clan qui finira, après le décès de Ibn Toumert, à prendre la ville de Marrakech.

C’est le début de la dynastie des Mouahhidoun (Almohaides).

D’Année en année, la rencontre du pouvoir, des conquêtes territoriales et du rigorisme moral a fini dans l’intransigeance faciale et les commodités de la puissance. La chasse au libéralisme des Mourabitoun était le prétexte à la mise en ordre strict de toute pensée.

Foi et convictions sont imposées d’une autorité uniforme et unique. Toute vérité ou enseignement réel prend mille enveloppes pour s’exprimer.

Le recul puis la rupture du savoir à transmettre vers les générations aboutit à l’étouffement de la pensée.

La conséquence de cette dictature progressive est le processus de désertification mentale qu’a décrit Malek Bennani dans plusieurs écrits dont son livre « Vocation de l’Islam ».

La désertification intellectuelle s’est bien entendu poursuivie au-delà du règne des Mouahhidouns comme le désigne Malek Bennabi sous le terme « postAlmohides ».

Ce qui a abouti en Afrique du nord a des entités colonisables : La « colonisabilité » (kabiliyyet el Istiimar : un autre terme de Malek Bennabi).

Cette « colonisabilité » est simplement une immaturité et une régression sociale stabilisées par le temps qui dure. Elle imprègne peu à peu indélébilement et profondément les habitudes tout en anesthésiant l’esprit critique qui aurait pu la conte-balancer.

Une telle empreinte pourra durer tant qu’une rupture, sous forme de révolution par exemple, ne vienne profondément mettre en cause ce que l’on croit être des vérités immuables.

Elle durera tant que l’humanité, l’esprit et la liberté n’ont pas pris le dessus sur l’autorité et tant qu’ils n’ont pas encadrés cette autorité dans l’intérêt collectif et l’épanouissement individuel dans ce monde de plus en plus complexe mais visible et palpable.

La maturité humaine, tunisienne, arabe ou musulmane en particulier, peut accepter et digérer la variété et la contradiction à condition que l’autorité, quelle qu’en soit la forme ou la substance, ne soit le tuteur et le maître des sens et des consciences.