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Répression de manifestations dans la violence, bain de sang dans le Bassin minier, censure, atermoiements juridiques. Tel est le bilan de l’après-Ben Ali. Et, pourtant, les partis politiques semblent être déconnectés d’une réalité qui fait de plus en plus peur.

Que l’officier de police, Samir Feriani, risque d’être jugé devant un tribunal militaire ou que les journalistes soient tabassés et les locaux de leurs journaux saccagés, rien ne semble susciter la moindre forme d’indignation chez nos politiques.

Plongés dans les “logiques” électorales, les partis déçoivent. Avant le 14 janvier, à la moindre dérive, on criait scandale. Aujourd’hui, quand les droits de l’Homme sont bafoués, preuves à l’appui, les réactions se font aussi rares que dérisoires.

Le lobby des défenseurs des libertés, très présent dans les quelques partis politiques, reconnus et interdits sous la dictature, ainsi que dans le milieux des avocats, semble avoir lâché prise.

A Metlaoui, outre le mutisme complice du gouvernement, les partis politiques ont laissé faire, se contentant, dans les meilleurs des cas, à des communiqués futiles portant des dénonciations on ne peut plus laconiques. Du déjà vu. D’autant plus que les temps ont changé. A 14 morts, du jamais vu dans nos murs, hors période de soulèvement, l’immobilisme irresponsable des partis politiques est flagrant.

Tapis rouges pour Messieurs

Sombrant dans un populisme radical, vantant leurs épopées, parfois exagérées et même erronées, seuls les meetings populaires et les bains de foule les intéressent.
On croyait naïvement que seul le défunt RCD pouvait oser faire dans l’immoral. Mais, voilà les figures de proue de la lutte anti-Ben Ali imiter le parti unique, payant la foule et mettant à sa disposition des bus pour des déplacements aussi bien “politisés” que “politisants”.

Sur la toile, pas de scrupules même si l’on achète des pages ou des blogs assez sollicités “pour la bonne cause”. La leur. Pourquoi rougir des pseudonymes si c’est pour achever un détracteur. Bref, on n’est pas sorti de l’auberge.

Des affichages à l’effigie des “conquérants” qui n’ont rien à envier à ceux de Ben Ali sont de retour sur nos auto-routes et sur les principales artères des grandes villes. Décidément.

Débats houleux pour la Saint-glinglin

Dans de telles circonstances, il serait, donc, absurde de s’attendre à des miracles. Le débat politique se résume aux manœuvres pré-électorales. La dualité Islamisme/Laïcité reprend de plus belle, causant des dégâts quasiment irréparables, sans pour autant marquer le moindre tournant ou la moindre avancée. Loin s’en faut.
Pendant ce temps, les caciques de Ben Ali dissimulent les quatre vérités qui ont fait de la Tunisie, 23 ans durant, un pays claquemuré, une coupole pour chefs mafieux. Un non-Etat.

Le cas Samir Feriani

Les pièces à conviction sont, donc, inaccessibles. Et, même quand on ose crier haut et fort qu’on veut tout cracher, il y a non-lieu. Pis, des représailles. Tel est le cas de Samir Feriani.

Cette affaire est si grave que Human Rights Watch avait averti que “le gouvernement provisoire devrait encourager ceux qui tirent la sonnette d’alarme, et non pas utiliser les lois discréditées du gouvernement déchu pour les emprisonner.” Seuls les inoxydables Mohamed Abbou et Samir Ben Amor, avocats de “l’accusé” ont tiré la sonnette d’alarme.

Bouées de sauvetage pour les juges de Ben Ali

Pendant ce temps, la justice tunisienne vit un semblant d’assainissement. Mais, rien d’innocent. En effet, les juges corrompus sous Ben Ali bénéficient du gel de leurs activités, une procédure illégale, en fait. Car, un gel présuppose un argument. L’argument étant la corruption, cela exige le jugement. Le gel devient, donc, une aubaine pour les symboles de la corruption des cours de Ben Ali qui échapperont au procès.

La demission qui en dit long

Même situation ou presque au sein de la Commission nationale d’établissement des faits sur les affaires de malversation et de corruption. La démission de Sadok Ben M’Henni en protestation contre un projet d’amnistie des personnes qui se présenteraient devant la Commission et avoueront des faits. Là, encore, aucune réaction de nos partis politiques. Peu d’échos, également, dans la presse la place.

Les pro-Abdallah toujours aux commandes

Car, faut-il avancer que nos médias n’ont pas encore cassé la voix. Les décideurs sont toujours les mêmes. A l’exception de Abdel Aziz Jeridi, aucun sbire de la machine de propagande de Ben Ali ne s’est senti menacé par d’éventuelles poursuites judiciaires.

Les partis politiques ne s’en soucient pas, en tous cas. Ce qui les importe, c’est d’être présent dans les médias. Peu importe les médias, bien entendu. Qu’ils soient heritiers de Cactus Productions ou téléguidés par d’anciens proches d’Abdel Wahab Abdallah, l’essentiel c’est la Une, les titres principaux et le prime time. Et, tant pis pour l’éthique et la déontologie.

Partis ou personnes ?

Mais, faut-il tant exiger de nos partis politiques ? Sous Ben Ali, j’insistais sur le terme “forces de protestation” plutôt que partis politiques. Cela ne touchait en rien leurs sacrifices et militantismes mais les situait mieux sous une dictature politiquement intolérante. Le vrai faux départ des formations politiques émanerait, justement, de ce lent passage de la protestation à l’exercice politique. Autrement dit, entre la dissidence et la participation effective il y aurait des années-lumière à traverser. Il y va de l’intérêt de tous. Mais, pour ce faire, force serait de dé-sacraliser le leadership des partis et de consolider en leur sein de vraies et solides pratiques démocratiques. Ce que Tunisiennes et Tunisiens avaient presque accompli, au lendemain du 14 janvier. Aux partis politiques, maintenant, de faire leurs propres révolutions respectives.

Sur le blog de Bassam Bounenni