Une représentation de Dieu qui suscite la polémique en Tunisie.

Quelqu’un peut m’expliquer pourquoi est ce qu’on accorde autant d’attention a ce dessin animé ? Ca devient lassant à la fin, nous allons voter le 23 Octobre pour une Assemblée Constituante ! On va voter pour notre prochaine Constitution, on va voter pour nos prochaines conditions de vie. J’ai vraiment l’impression que ça arrange beaucoup de personnes tout ce remue-ménage ! Maintenant à savoir qui, a vous de choisir.

Maintenant à savoir si effectivement Nessma a fait preuve de beaucoup d’intelligence en produisant ce dessin animé pile en période électorale, bon la je ne sais pas, mais est ce que cela est mal en soi? Non.. Encore une fois, nous voulons une démocratie ! Alors il faut l’accepter comme telle, elle n’est pas a géométrie variable, elle n’est la pas uniquement quand ça nous arrange. Non mesdames, messieurs, la liberté d’expression, de pensée et de conscience est à respecter même si cela peut gêner certaines croyances privées. Encore une fois vous voyez la distinction entre un dessin animé : Public, et des croyances spirituelles : Privées !

On peut parler diffamation, on peut parler de l’adéquation d’un dessin animé qui porterait atteinte à certains fondamentaux dans une société dont l’ancrage islamique est évident, mais on peut retourner le problème dans tous ses sens, il n’en reste pas moins que, Persepolis ne reste qu’un dessin animé. S’il ne plait pas à certains, il suffit, mes chers amis, de changer de chaine. Ce n’est pas compliqué, ce n’est pas agréable certes, mais c’est la Liberté. Si certaines personnes veulent censurer la chaine ou le dessin animé : sachez que la vous allez affronter plus d’un problème, autre problème que celui de la censure, l’élévation intellectuelle, le droit de s’interroger et de réfléchir au sens de la vie et tout simplement d’accéder la Culture. Je vois que ce dernier point ne fait pas couler beaucoup d’encre, et pourtant ! J’ai cru comprendre que ce dessin animé a obtenu le prix du jury au Festival de Cannes pour sa version longue en 2007. Il obtient également le Cesar du meilleur premier film en 2008 ainsi que celui de la meilleure adaptation.

De plus son caractère autobiographique et historique joue un rôle important dans l’acceptation de l’autre, la compréhension du caractère ambivalent d’un récit historique subjectif et enfin la réflexion qu’il engendre sur une probable crise d’identité de son “auteur” est intéressante. En terme de dessin uniquement, on appréciera le jeu du noir et du blanc et de compréhension de son histoire à travers les couleurs. Ainsi, l’analyse des couleurs et du jeu du dessinateur peut être intéressant pour toutes les personnes dont les compétences en art permet la compréhension. La Culture, surtout dans cette période cruciale pour l’avenir de la Tunisie est essentielle. Il ne s’agit pas de se sentir au dessus d’une oeuvre artistique, les peuples n’ont évolué que grâce à ce moyen, et l’Histoire montre que le passé et l’analyse artistique permet de mieux comprendre son présent, d’analyser les mouvances et de réfléchir à partir de la, pour mieux envisager notre futur. L’oeuvre artistique ne peut être censurée, en aucun cas, elle peut certes être critiquée, tout comme la chaine Nessma peut l’être de part son choix de calendrier de publication, mais si l’on censure l’Art, c’est la réflexion qui se voit ainsi amoindrie et c’est l’évolution de la Tunisie son ouverture d’esprit et sa capacité d’adaptation au monde qui l’entoure qui en pâtira.

Maintenant si nous devions analyser le dessin animé en lui même qui se découpe donc en 4 tomes, nous pourrions arriver à ce type de conclusion, certes subjective, mais n’est ce pas le sens même de la démocratie et de l’accès à la Culture, cette possibilité pour chacun de créer sa propre opinion ?

Le premier tome commence en 1979, Marjane a 8 ans, le contexte s’implante à travers une vision très politisée de l’avant Révolution islamique Iranienne. Elle évolue dans un contexte très difficile car elle doit accepté deux mouvances au sein de sa société et de sa propre famille, ce qui explique une certaine forme de crise identitaire qu’elle incarne et qui semble vouloir représenter la société de l’époque. Elle se veut leader mais elle se veut également torturée par toutes ses crises qui l’entourent et qu’elle ne comprend pas forcement. Elle serait métaphoriquement représentative de l’Iran : entre ses problèmes internes et externes, elle doit s’adapter et subir les nouveaux événements indépendants de sa volonté.

Le deuxième tome débute par une rupture, celle qui unie l’Iran et les Etats-Unis. La Culture est un élément central de ce second volet, en effet Marjane voit les universités fermer, une sorte de sonnette d’alarme tirée par l’auteur, qui veut montrer par la l’importance de la Culture et sa condamnation quant à la Censure collective ! Ensuite le coté très autobiographique et donc subjectif du dessin animé prend tout son sens, l’auteur dénonce pendant les 8 années de guerres l’endoctrinement et l’aveuglement de la jeunesse, mais cela n’appartient qu’a lui de l’avoir ressenti comme tel, encore une fois, c’est une oeuvre autobiographique. Marjane souffre alors véritablement de la censure, de l’interdiction et de sa difficulté à s’affirmer en tant que jeune femme et de se positionner par rapport à la société et à sa propre famille.

Le troisième tome focalise sur la construction de l’identité de la jeune femme, elle doit s’adapter face aux différentes épreuves qui rythment son quotidien et façonne son identité. On est en 1984, le contexte social de la Vienne contemporaine est disons le, plutôt fervente du laisser aller collectif, on découvre une jeune femme en proie a des doutes quant à sa personne, à ses capacités et à la recherche de ses propres limites. La crise identitaire est alors à son apogée, et le fait que l’auteur ait choisi ce moment pour inciter Marjane a retrouver un semblant de foi est décisif, il veut montrer l’ambivalence du caratere religieux, entre fondement de la personne et limite de son influence sur cette dernière.

Le quatrième tome amène un nouveau contexte, une sorte de décalage, c’est la fin de la guerre, les conséquences de celle ci sont manifestes. La construction de la jeune femme est alors presque tracée, elle semble s’être accommodée de son passé et de pouvoir à présent affronter sa société, elle semble vouloir la faire évoluer comme elle l’a elle même fait, bien que cela soit difficile elle tente de s’adapter aux moeurs et se recherche dans une société qui n’est plus la sienne. Se sentant trop loin de son Iran natale elle quitte alors son pays pour la France en 1994.

L’analyse complète mériterait beaucoup plus d’encre, mais une esquisse étant possible, il semble que cette jeune femme est une véritable métonymie. Elle incarne en elle toute la société, elle se construit à travers elle et tente de l’adapter à sa personne mais ne réussi pas a s’en sortir et fuit. Ce dessin animé présente l’échec d’une société a accepter l’ensemble de sa propre population. Les troubles, les doutes, les épreuves et les réflexion de Marjane force l’analyse et l’admiration, ce dessin animé apportera à chacun une autre vision des choses nécessaires à l’ouverture d’esprit de chacun. L’élévation intellectuelle étant le but de chaque homme, ce dessin animé sans être le summum de ce qu’on peut relayer une bande dessinée est en tout cas une passerelle pour chacun afin d’atteindre d’autres niveaux d’acceptation.

Enfin et à présent, pour revenir a la responsabilité de la chaine de télévision Nessma Tv, on peut voir que Nabil Karoui s’est exprimé sur les ondes de Radio Monastir, sur les intentions de son équipe qui n’étaient selon lui pas du tout mauvaises et que c’était en toute bonne foi qu’ils avaient visionné le passage en question, mais que les rêves de la petite fille ne sont que banaux. Ainsi en diffusant ce film, NessmaTV na jamais cherché a toucher au sacré insiste le patron de la chaine. Partant de cette déclaration, la chaine a peut être eu de bonnes intentions, mais a peut être aussi voulu accaparer une part d’audience considérable juste avant les élections, est ce que la recherche du profit est-elle toujours légitime ? A vous d’en juger..

Le ministère des affaires religieuses s’est quant à lui également exprimé a ce sujet en appelant tous les tunisiens ainsi que tous les médias audiovisuels et écrits à respecter les croyances et tout ce qui relève du sacré et de préserver la paix sociale pour faciliter la transition démocratique. Est ce que cela est démocratique ? Le fait de demander habilement a tous de s’auto-censurer n’est pas ce qui est des plus démocratique. Maintenant appeler a maintenir le calme jusqu’au élections, parait juste. Ce dilemme doit être résolu par la prise de position envers le type de régime voulu par le peuple, si la démocratie est voulue, alors a nous de comporter comme tel.

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