Le parti Ettakatol, présent sous Ben Ali, bien que mineur, faisait parti de l’opposition. Il acquiert, désormais, à ce titre ses lettres de noblesses en ces temps difficiles, d’incertitudes et d’espoir. Cependant, une analyse approfondie des tenants et aboutissants du programme actuellement défendu est nécessaire afin de pouvoir voter pour un parti fiable. Ce parti présente un programme bien ancré à gauche de l’échiquier politique. Il se veut défenseur des opprimés, certes, mais cela se fera-t-il au détriment de l’économie du pays ?

Programme pour la constituante

Le parti Ettakatol défend une « deuxième République fondée sur une nouvelle Constitution qui conserve les acquis et rompt avec la dictature » ainsi la Tunisie est un « Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’islam, et sa langue l’arabe et son régime la République », cette dernière devra séparer « le champ politique du champ religieux », elle devra garantir « la séparation et l’équilibre des pouvoirs ». La République tunisienne défendra les « libertés individuelles et publiques ». Elle devra également instaurer « un Etat de droits » et « des mécanismes effectifs de contrôles des différents pouvoirs ». Le Président de la République sera élu au « suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois » et il « nommera son premier ministre au sein de la majorité parlementaire ». « Le parlement partagera avec le gouvernement l’initiative des lois ». Il s’agira également pour le parti de « réduire la fracture régionale par la participation politique du citoyen à travers des structures régionales et locales élues et à travers des mécanismes de communication appropriées ».

Ettakatol garantira également « la liberté et la diversité des médias » élément essentiel d’une future Constitution juste, car le quatrième pouvoir et seul véritable indépendant capable d’assumer le rôle de contre-pouvoir. L’armée qui fut pourtant opprimée sous Ben Ali, sera mise en avant par le FTDL, qui souhaite « renforcer le rôle de l’armée comme pilier républicain de la défense de la nation ». Le programme politique étant clair et construit il montre que l’Etat devra préserver « l’identité du peuple et garantir la liberté de croyance ». La parité point fondamental pour un parti démocrate est assuré, en effet, le parti mettra en œuvre « les principes d’égalité entre l’homme et la femme ». On apprécie l’introduction dans la Constitution de valeurs écologiques tel que : « garantir comme droit fondamental celui de vivre dans un environnement sain, équilibré et durable ».

Un programme en 100 points, qui n’en est finalement pas un…

La critique dont le parti Ettakatol va à présent faire l’objet se retrouve, malheureusement, au sein de plusieurs partis aujourd’hui en course pour les élections du 23 Octobre. Le manque de précision quant aux données chiffrées et de présentation de mesures concrètes, se ressent à la lecture des 100 points.

L’aspect politique tout d’abord, le parti ne donne que de grandes lignes, une sorte de feuille de route : « des mécanismes effectifs de contrôles des différents pouvoirs », très bien lesquels ? Les phrases du type : « séparer le champ politique du champ religieux » sont également des plus vagues. « Garantir l’indépendance de la justice », comment ?

Les points économiques sont quant à eux les plus flous : « nous rattraperons la dynamique mondiale autour des énergies renouvelables », comment ? « Nous créerons un nouveau cadre pour le secteur du commerce », lequel ? Le développement même du point n’est en soi pas une réponse : « Nous réviserons la réglementation du secteur de commerce pour un meilleur équilibre entre les petits commerçants et les grands distributeurs ». « Nous moderniserons l’administration des impôts en simplifiant la norme fiscale », de quelle manière ? Une multitude de points qui auraient mérité beaucoup plus d’investissement, car le programme aborde chacun des points essentiels à la société mais n’en approfondi aucun.

Programme économique qui paraît très inquiétant pour ceux qui veulent voir plus loin…

Le 23 Octobre nous voterons effectivement pour une constitution et non pour un programme économique, cependant, l’économie d’un pays est essentiel et celui qui se chargera de gouverner le pays, ne serait ce que pendant une courte période, se retrouvera confronté a des questions économiques. Afin de ne pas être prit de court, il s’agit tout de même de jeter un œil aux propositions économiques du parti Ettakatol qui sont pour le moins anti-libérales : « nous redonnerons a l’Etat son rôle régulateur garantissant la cohésion sociale et la croissance durable ». D’un point de vue économique, la mise en place d’une Contribution de Solidarité (CDS) qui sera financée par « l’imposition des transferts des dividendes, le relèvement de l’imposition des plus values immobilières et d’autres taxes sur les activités agrées (grande distribution, opérateurs télécom, concessions automobiles, banques et assurances » est une catastrophe en terme de financement, premièrement parce que … et deuxièmement parce qu’il paraît évident que dans un contexte de crise économique international ces impôts et prélèvements sur les milieux privés se ressentiront sur les prix, immanquablement les prix augmenteront pour l’ensemble des citoyens tunisiens. Même si le CDS paraît être une bonne initiative en théorie, la pratique n’en est pas actuellement envisageable.

Définition du populisme et mise en perspective :

Le populisme comme son nom l’indique est une tendance politique démagogique qu’adopte un parti, visant à défendre les intérêts du peuple.
En ce sens, la non-prise de position est presque devenue caractéristique du parti Ettakatol, ce qui est un véritable point négatif qui se retrouve sur plusieurs sujets.

Pour n’en citer que certains, nous reviendrons sur l’entrée dans le gouvernement de Ghannouchi au lendemain de la Révolution puis de sa sortie face aux réactions et avis négatifs du peuple.

La position du parti par rapport aux partis extrémistes, ces dites positions étant non tranchées et pleines de sous-entendues Le président na que trop rarement et a demi mot exclu une alliance avec les dits partis. Invité de Naoufel Ouertani, au cours de l’émission ‘’Labess’’ sur la chaine Ettounsiya, Mustapha Ben Jaafer n’a pas exclu une alliance avec le parti Ennahda après les élections. Ne sollicitant ni ne refusant l’alliance, il laisse la porte ouverte à toutes opportunités.

On peut également revenir sur la polémique concernant la vidéo interview de Mustapha Ben Jaafer (tunisia talks), ou le fondateur du parti aurait adopté une position intransigeante par rapport à la censure des sites a caractère pornographiques. D’autre part, le docteur était aussi contre l’inscription du droit à une connexion Internet dans la Constitution. Propos desquels pourtant, Mustapha Ben Jaafer s’éloignera, voyant la vive réaction des internautes encore traumatisés par Ammar 404. C’est Omezzine Khalifa, Tunis II qui précisera lors d’une conférence sur la place de la culture que le FTDL est contre toute forme de censure.

Un parti porteur d’espoirs ?

Dans un contexte fragile ou la force d’un parti est sa capacité à unir, à mobiliser autour d’une même idée, le sentiment d’identité commune renforcée par cet enracinement dans les valeurs arabo-musulmanes ou « l’Etat veille à l’ancrage et au rayonnement de la langue arabe » est un point des plus positifs. La ou le parti semble être en accord total avec la société est sur la restructuration de l’enseignement secondaire qui s’articulera sur deux principales filières : « l’enseignement général et l’enseignement technologique, reliées par des passerelles. L’enseignement technologique sera basé sur les filières à fortes employabilités. Il permettra d’accéder à différents niveaux de qualifications diplômantes pouvant aussi conduire à l’enseignement supérieur ». Ce dernier montre une analyse très juste des besoins en terme d’emplois, la société tunisienne souffre d’un manque de jeunes formés à la vie pratique ce qui constituera à terme soit un manque flagrant s’il n’est pas comblé soit une véritable force créatrice d’emploi si ces filières technologiques sont mises en avant par le ministère de l’éducation. Cela favorisera sans conteste l’ascenseur social, principale revendication au cours de la Révolution.

Cependant deux questions restent en suspens, quels sont les secteurs a fort taux d’employabilité ? Et comment allez vous aider nos jeunes diplômés ? J’entends par la, de manière concrète et à court terme.

« Un dilemme est une proposition philosophique dont l’énoncé fait jouir les belles consciences et l’application périr les démocraties », Faizant.

Le programme repose sur une série de mesures sociales (au financement plus que douteux, voire impossible) qui saura ravir ceux pour qui l’économie n’est pas la priorité. Tout d’abord, la semaine à 5 jours car connaissant pour avoir vu son application dans d’autres économies : les dommages et les conséquences à long terme, la semaine a 40h n’est pas envisageable pour une économie en pleine reconstruction. Le congé parental rallongé et la mise en place d’aides sociales, paraissent être des mesures très audacieuses en ces temps difficiles. La question est : Ou se procureront-ils l’argent ? La taxation des plus riches semble être la réponse le plus logique. Mais la réforme fiscale proposée sera-t-elle en mesure de colmater les brèches de tous les secteurs en plus des réformes sociales proposées ? L’autre point abordé par le parti est la récupération des biens mal acquis de Ben Ali, chose qui juridiquement prendrait au moins une dizaine d’années et le montant maximal espéré en retour serait de 3 à 4 % des biens. Ce dernier point ne constitue en rien un futur financement. Autrement dit, le parti semble prendre des positions qu’il ne peut assumer sans faire couler (économiquement et financièrement) le pays. Que faut-il en déduire ? Une politique de gauche en temps de crise saura-t-elle répondre à l’immensité de la demande ? Le parti en est-il conscient ? Une démagogie à outrance ne sera pas en mesure d’assurer à la Tunisie nouvelle un avenir meilleur.

Suivez Sophie-Alexandra Aiachi sur twitter : @aiachiA