Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.
Un groupe de manifestants à la Kasbah brandissant une banderole demandant "une assemblé constituante pour changer la constitution"

La Tunisie ayant massivement voté, réussissant le premier cap de sa reconstruction démocratique, le plus dur commence maintenant avec l’entrée en scène du véritable pouvoir représentatif du peuple qu’est la nouvelle Assemblée constituante.

Quelle que soit sa couleur et nonobstant les inévitables imperfections qui ont fatalement entaché sa mise en place dans ce qui reste, malgré tout, une première (car comme pour toute nouvelle entreprise, les imperfections ne pouvaient manquer), il urge maintenant aux nouveaux élus d’agir dans le bon sens en veillant à quelques sages règles de bonne conduite pour honorer la confiance que le peuple a placée en eux et pour mener à bon port l’entreprise périlleuse, mais exaltante, vers la modernité.

Il appartient, bien évidemment, à la seule Assemblée constituante, seule maîtresse de son action et forte de sa légitimité, de déterminer ces normes. Nous nous permettrons, cependant, de signaler trois règles d’or qui devraient figurer, à notre sens, au côté de celles qui seront arrêtées par les nouveaux élus du peuple s’ils veulent assurer toutes les chances de succès à leur noble mission.

D’abord, émettre un fort signe en direction du peuple par une action se situant aussi bien sur le plan interne qu’international pour l’assurer que l’assemblée qu’il a élue croit en sa maturité et ne doute nullement de son profond sens politique de la chose publique qui a toujours fait de lui un pionnier de la modernité en terre arabe.

Sur le plan interne, et nous avons eu déjà l’occasion d’y appeler ici même (http://wp.me/p16NIR-2xu), l’Assemblée constituante, en se chargeant de la désignation des futures autorités exécutives, doit leur assigner, entre autres missions impératives et urgentes, l’information du public sur tous les détails restés obscurs ou occultés concernant ce que j’ai appelé le Coup du peuple dans cet article, sa révolution saluée par le monde entier. Car, le peuple a le droit de tout savoir sur ce qu’il a contribué à faire advenir en payant le prix fort, la vie des siens.

Sur le plan international, et toujours dans le sens de répondre à l’exigence du peuple — notamment les plus jeunes parmi ses membres — au respect de ce qu’il est ainsi que de ses droits fondamentaux, dont surtout la liberté d’aller et venir, l’Assemblée doit exiger du futur gouvernement de la nouvelle Tunisie de mettre au coeur de son action diplomatique, et ce au nom du peuple tunisien, le principe de la demande de levée du visa exigé des Tunisiens dans leur déplacement à l’étranger, notamment par les pays avec lesquels la Tunisie entretient des liens étroits. Nous y avons déjà appelé ici (http://wp.me/p16NIR-2ff) et aussi dès le début du Coup de peuple dans une lettre ouverte au ministre des Affaires étrangères (http://wp.me/p16NIR-1W3). Il ne s’agit nullement de quémander une faveur, mais du rappel d’un principe d’action politique raisonnée qu’impose l’entrée réussie de la Tunisie dans la modernité politique, en ce que cela répond objectivement à la nécessité pour tous les acteurs politiques majeurs de la scène internationale, et surtout ceux de la sphère géopolitique de la Tunsie, de consolider cette transition, la liberté de mouvement pour les jeunes Tunisiens étant de nature à donner un souffle nouveau à l’économie de leur pays, lui éviter l’étouffement, outre le salut à leur mérite de dignité et de modernité.

Au reste, cela ne fera que contribuer à faire bouger les conceptions archaïques des relations internationales encore fondées sur un monde qui a disparu, car une telle initiative ne sera point sans retombées positives pour les pays concernés en démontrant l’absurdité de leur politique de lutte contre la clandestinité migratoire. En effet, grâce à l’expérience que permettrait le nombre réduit de la communauté tunisienne sur leur territoire, telle politique révélera sa nature dépassée, contre-productive et sans nul fondement rationnel, sinon de purs calculs contraires aux valeurs dont se réclament les États modernes, si bassement électoraux.

Enfin, la troisième règle dont nous pensons l’adoption absolument catégorique est l’entente rapide des différentes sensibilités de l’assemblée constituante concernant l’essence même du régime politique qu’ils ont la haute mission de mettre en place.

Or, au vu de la place éminente qui semble revenir à la tendance religieuse du nouveau corps politique tunisien, une pareille question revient, pour l’essentiel, à la détermination de la place de la religion dans le nouvel État tunisien. Aussi nous permettrons-nous de suggérer aux nouveaux élus du peuple une formulation consensuelle, non pas comme un texte définitif, mais bien plus en une formule susceptible d’inspirer leurs futurs travaux, l’essentiel étant d’éviter les querelles et les divergences sans nul sens sur la nature laïque ou théologique de l’État, puisque ces querelles, nécessairement byzantines, doivent être dépassées par une volonté honnête et un esprit sincèrement dévoué au service de ce peuple tunisien qui mérite une élite à la hauteur de son génie.

Comme nous avons eu l’occasion de le préciser ici (http://wp.me/p16NIR-2CR), il ne doit y avoir, pour un homme politique arabe sincère et respectueux de son électorat et de la réalité sociologique de son pays, aucun cas de conscience à se réclamer de la laïcité tout en s’attachant aux valeurs islamiques dans laquelle baigne son peuple. Ainsi, la Tunisie serait-elle, encore une fois, à la proue de l’innovation en promouvant une nouvelle alliance du sabre et du goupillon, en démontrant que tout le monde peut s’y réclamer de la laïcité sainement comprise !

Aussi, proposons-nous à la réflexion des hommes de la Constituante, en ciblant notamment ceux affichant des valeurs dites traditionalistes, le texte suivant pouvant inspirer leur future formulation de ce qui pourrait être la nouvelle rédaction de l’article premier de la constitution défunte, qui a semblé — faut-il le noter — rallier finalement les diverses tendances de l’échiquier politique.

Voici notre proposition :

« La Tunisie est un État de droit, libre et indépendant, ayant la république pour régime politique et les droits de l’Homme pour credo idéologique, et garantissant à ses citoyens toutes les libertés fondamentales, dont notamment celles de conviction et d’opinion. Sa souveraineté appartient à son peuple majoritairement de langue arabe et ayant pour religion l’islam dont l’humanisme éminent inspire les valeurs et l’action de la classe politique au service du peuple tout entier sans aucune distinction entre ses membres. »

« تونس دولة قانون، حرة ومستقلة، تعتمد الجمهورية كنظام سياسي وحقوق الإنسان كمبدأ مذهبي؛ وهي تضمن لمواطنيها جميع الحريات الأساسية، وبخاصة منها حرية المعتقد والرأي. وسيادتها تكمن في شعبها، وغالبيته لغتها العربية ودينها الإسلام الذي تلهم نزعته الإنسانية السامية قيم النخبة السياسية ونشاطها؛ وهي، في عملها، في خدمة الشعب بأسره بلا أية تفرقة بين أعضائه. »

Ces trois règles nous semblent primordiales pour assurer un avenir apaisé et en conformité avec les attentes du peuple. Certes, elles ne seront pas les seules dans les exigences légitimes des masses populaires, comme de voir ses élus trouver le consensus nécessaire pour bien travailler et l’intelligence de répondre aux attentes du peuple en veillant à doter l’exécutif, appelé à être en charge de ses intérêts légitimes, d’un réel gouvernement de salut national.

Toutefois, elles synthétisent le profond désir de dignité et de liberté de ce peuple au point que nous pensons être en droit, nous basant sur une observation sans relâche des réalités de ce peuple, de prédire que la satisfaction de pareilles exigences sera de nature à désamorcer les autres problèmes, notamment ceux de nature économique, ce peuple au sens si aigu de la chose politique sachant alors faire la balance entre ses priorités en voyant ses dirigeants s’engager dans le bon sens, donnant la preuve tangible de leur détermination à être à la hauteur du génie de leurs électeurs.

Car il ne faut jamais négliger l’importance du symbolique dans toute oeuvre, notamment politique, et qui plus est, se voulant à portée durable et prometteuse !