Après des mois d’attente, de propagande électoraliste, et de matraquage médiatique, el nahdha semble remporter la majorité aux élections de la constituante. La gauche jusque là, très divisée, l’est encore plus aujourd’hui et doit dès à présent se remettre en question. Hier, j’ai fait un petit tour d’horizon des tendances de vote dans mon entourage. Coupée de la réalité du terrain puisque que je vis en grande partie à Tunis, j’ai vu avec effarement mes proches voter el nahdha. Je leur ai demandé pourquoi ? ils m’ont dit que c’est le seul parti qu’ils connaissent avec le CPR. Vous ne connaissez ni el kotb ? ni le POCT ? ni Ettakatol ? ni le PDP ? C’est qui ça ? qu’ils m’ont dit. Indépendamment des moyens faramineux dont dispose el nahdha, ce parti a fait un travail de proximité très important. Je ne reviens pas sur le populisme, l’appât d’une classe populaire grâce à l’argent et la promesse d’un avenir religieux meilleur. J’ai toujours condamné ces agissements, mais force est de constater qu’ils ont fait un travail très professionnel en matière d’occupation du terrain. Nos voisins ont reçu la visite des membres de ce parti qui appelaient à voter pour eux, des tracts ont été distribués, etc. Ils ont occupé le terrain à un moment où la gauche, élitiste, s’occupait de meetings, de rassemblements et de manifestations… Pour réussir en politique, il faut aller voir les gens, et non attendre que les gens viennent vers nous. Il faut se faire connaitre, envoyer des bénévoles, comprendre les attentes du peuple et essayer d’y répondre. Il faut apprendre à exister dans les régions, dans les villages et non s’entourer d’une élite et fonctionner uniquement avec elle.

 

Les gens à qui j’ai parlé hier, ne m’ont pas parlé de conviction en votant el nahdha, ni du fait que ce parti promettait monts et merveilles, ils ont tous souligné le manque de connaissance des autres partis. Ils m’ont dit “si tu nous avait demandé de voter pour un autre on l’aurait fait, mais nous on savait pas”. Un seul m’a dit qu’il avait lu leur programme et qu’il en était convaincu, sans comprendre pour autant le modèle sociétal que ce parti offrait. Aujourd’hui la division en partis semble révolue, celle de rassembler des tendance conservatrices etd’autres plus progressistes semble plus à même d’expliquer la réalité du terrain dans une Tunisie qui se cherche encore et qui croit se retrouver dans un repli identitaire panarabiqueet islamique qui apparaît comme une réaction à la souffrance et les exactions commises des années durant par l’Occident. Qu’on ne vienne pas nous faire la morale aujourd’hui en Tunisie quand l’Otan et la France ont ouvert à nos portes le péril islamiste le plus dangereux qui soit. Qu’on ne vienne pas aujourd’hui critiquer un islamisme parvenu grâce aux urnes, quand pour du pétrole, on facilite la mise en place d’un nouvel AQMI. Des reporters de TF1 étaient venus nous voir la semaine dernière pour nous demander si nous craignons el nahdha et les islamistes. (C’est à la mode en ce moment…) Nous avions répondu que nous respectons ce parti qui a sa place sur l’échiquier politique, s’il respecte à son tour le jeu de la démocratie d’autant plus qu’il sera élu démocratiquement. La réponse ne leur a pas plu apparemment, ils ont rajouté, “de quelle Tunisie rêvez vous, avec ou sans les islamistes?, nous avions répondu “tout le monde a sa place ici, nous rêvons d’une Tunisie plurielle et pour tous”. Tout cela a été coupé au montage. La présentatrice vers la fin disait en plus :” les tunisiens redoutent la montée des islamistes”. Les médias occidentaux ne valent pas mieux que AL Jazira dans leur populisme.

 

Enfin le mode de répartition des sièges au sein de la constituante est fait de telle sorte que il n’y aura pas de parti majoritaire grâce à la proportionnelle. De plus les alliances entre les partis seront déterminantes par la suite. Respectons le vote de chacun et ne cédons pas à la psychose. La Tunisie a réussi avec brio ses premières élections. La démocratie c’est aussi accepter que l’autre gagne. Le peuple a voté, ainsi soit-il…