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Claude Guéant, ministre de l’intérieur de la République française

À propos des propos du ministre français de l’Intérieur déclarant « toutes les civilisations ne se valaient pas ».

Monsieur le Ministre,

Vous ne pouvez savoir à quel point vos propos blessent tous les Français de coeur, dont je suis, et le nombre d’amoureux de l’esprit français; mais vous n’en êtes pas, malheureusement! Comme n’est pas du véritable esprit musulman cet islam que vos propos vilipendent, le désignant sans le nommer. Cet islam — dont ce qui est présenté de par le monde n’est qu’une caricature — a produit une civilisation, mieux : une culture universaliste, se voulant même relever de la haute scientificité ! Cette civilisation n’a pas été à l’origine de la pire turpitude humaine que fut l’Holocauste.

Hier, pour avoir qualifié de détail cet épisode honteux de la civilisation que vous portez aux nues, un parangon du racisme a eu maille à partir avec la justice ; vous n’êtes pas raciste, bien évidemment, mais vos propos ravissent les racistes ! Et vous n’êtes pas passible des tribunaux des humains ; mais le tribunal de l’histoire condamnera des propos xénophobes au moment où l’humanité entre dans un cycle nouveau ayant pour maître mot la fraternité au sens de cette loi des Frères que le sociologue Michel Maffesoli qualifie si justement d’affrérement pour exprimer le lien profond, affectuel liant les humains entre eux. Car ce qui définit scientifiquement l’être humain c’est d’être le miroir de son semblable, l’Homme n’étant vraiment homme que lorsqu’il prend conscience de son semblable, faisant l’effort sérieux de le connaître; or, étymologiquement, connaître, c’est naître avec (con-naître) !

Monsieur le Ministre,

En ce Monde Nouveau qui se profile, la politique se fera autrement, les valeurs auxquelles l’on s’attache étant valorisées, et non dénigrées, par un comportement adéquat rappelant la morale chrétienne de tendre l’autre joue au premier soufflet. Cela s’appelle la culture des sentiments que les personnalités publiques, ne serait-ce que pour la vertu de l’exemple, sont les premières à devoir pratiquer.

Or, cet islam que vous vouez aux gémonies, aujourd’hui, est en train de se refaire peau neuve en retrouvant ses nobles sources en Tunisie contre la volonté de la France; pourtant, combien j’aurais aimé qu’elle y prenne une part plus active qu’elle ne l’a fait et ne le fait encore, insultant l’avenir, ses intérêts y compris !

Cet islam est le premier à reconnaître la relativité des choses, la loi inéluctable du dépérissement des cultures, toutes les cultures, y compris la sienne propre, si évoluées qu’elles furent un temps, et dont le summum d’épanouissement équivaut fatalement au début de leur déclin. Ainsi un dire avéré du prophète — référence suprême après le Texte sacré — n’hésite-t-il pas à prédire une fin à venir pour l’islam.

Mais ce jour, à vous écouter, est bien loin grâce à l’expérience tunisienne où l’islam, aussi bien dans sa pensée que dans sa pratique, est en train de se régénérer après sa longue sclérose ; et à entendre vos propos qui sont le reflet d’un état général de pensée en Europe, il est symptomatique que la culture occidentale, qui fut le porte-drapeau jusqu’ici de si nobles valeurs, entame son déclin à voir comment elle abdique si facilement ses valeurs pour le gain d’une élection politique.

Monsieur le Ministre,

L’honneur d’un politique est de reconnaître ses erreurs, surtout quand ses propos, médités ou non, en disent long sur le non-dit chez lui, l’impensé, levant le voile — et ce même pour ses propres yeux étonnés — de la conscience subitement en face de ses horreurs cachées, refoulées. Je ne vous demanderai pas de reconnaître avoir eu votre pensée dépassée par la portée de vos propos, la pratique du politiquement correct voulant que le politique ne se dédie jamais, mais celui-ci demeurant un oxymore sur pattes (selon la formule maffesolienne appliquée à votre mentor), ayant toujours le droit de dire dans le même temps une chose et son contraire, je vous demanderai juste d’en rectifier le tir par la meilleure façon qui soit et ce en engageant la seule réflexion digne de retombées futures positives et durables, à savoir l’évaluation pour sa reconsidération de la politique migratoire européenne actuelle fondée sur une fermeture absurde, sinon suicidaire, des frontières. Alors, enfin, vous vous situerez dans le sens de l’histoire et de votre bévue sortira la sagesse !