Bien que faisant référence à des notions différentes – l’une se rapportant à un concept d’évolution historique relié à un espace géographique et culturel, et l’autre à une doctrine religieuse ayant marqué l’histoire de plusieurs peuples, en particulier celle des Arabes –, la modernité et l’islam sont souvent vus comme deux modèles incompatibles, voire antinomiques, de l’organisation sociale et politique des sociétés. Les débats idéologiques et les enjeux politiques, en alimentant cette vision, mettent en exergue les positions discordantes des uns et des autres. Mais une lecture plus sereine, loin des arbitraires, ne révèle-t-elle pas une autre réalité ?
La modernité et ses attributs
Le concept de modernité désigne essentiellement un projet d’émancipation des individus, d’affirmation de l’égalité et de promotion de la liberté. En tant que représentation philosophique, la modernité exprime l’idée d’abolition de l’arbitraire et d’instauration de la raison comme norme supérieure de régulation sociale.
Fruit des Lumières européennes et du triomphe de la raison dans son sens philosophique grec antique, la modernité a provoqué un bouleversement par rapport au passé et une rupture par rapport aux repères traditionnels, sociaux et religieux, faisant ainsi naître de nouvelles aspirations individuelles et collectives.
Cette modernité a engendré un ensemble de traits politiques et sociaux ayant graduellement eu pour conséquences une sécularisation de l’État et des institutions, la transformation et la primauté du droit et, finalement, la consécration de la liberté et de la démocratie en tant que valeurs fondamentales universalisables. En d’autres termes, le développement des sociétés modernes et de l’État séculier.
Les fondements de l’islam face aux attributs de la modernité
Faisant l’objet de lectures et d’interprétations diverses, selon les courants théologiques, les époques, la politique et autres considérations sociales, historiques et idéologiques, le Coran, vulgate de l’islam, demeure à ce jour source de désaccords et de spéculations. Non seulement à cause de l’ambiguïté de certains passages et l’abrogation de certains versets, mais aussi en raison de la subtilité et de la richesse de la langue arabe, dans laquelle les mots peuvent avoir un sens très proche mais somme toute différent selon le contexte. Contexte qui, dans le Coran, est le plus souvent une donnée inconnue. D’autant plus que les apports linguistiques du syriaque, de l’araméen et du himyarite à la langue arabe antique peuvent engendrer une lecture confuse, voire une compréhension erronée de certains passages du Coran.
Par ailleurs, le Coran est souvent pris dans sa globalité pour tenter d’expliquer les problèmes du moment alors qu’une bonne partie est intimement reliée à des situations spécifiques, qui s’inscrivent dans le contexte historique dans lequel il s’est développé, notamment les sourates dites de Madina.
Cette référence, partiale parce que temporelle, remplace l’islam – en tant que foi et ensemble de valeurs –, par l’islam politique – désigné par le terme d’islamisme –, que certains voudraient imposer en tant que système de gouvernement immuable englobant toutes les sphères de la vie individuelle et collective.
Si l’on s’éloigne de cette lecture bridée pour revenir au message initial, si l’on se tient loin des interprétations idéologiques et politiques, et bien qu’elle puisse paraître à première vue hasardeuse, une comparaison conceptuelle entre la modernité et ses attributs et les préceptes fondamentaux de la foi islamique trouve avec évidence sa raison d’être.
Aux sources de la doctrine
Dès son arrivée en Arabie centrale, selon l’historiographie religieuse officielle, la prédication islamique – destinée à priori aux tribus mecquoises – s’est voulu un projet de libération et d’humanisme à portée universelle. Elle a voulu rompre avec les traditions tribales en promouvant un nouveau projet égalitaire qui ne faisait pas de distinction entre tribus ou entre individus, une composante fondamentale de la nouvelle croyance contre tout repli tribal, ethnique ou identitaire. Selon les sources religieuses, les premiers temps de l’islam à la Mecque, fortement dominés par la foi en un seul dieu et par l’égalité de tous les individus, hommes ou femmes, laissent à penser que la promotion de l’égalité était dès le départ une valeur fondamentale de ce courant.
Il suffit de lire les courts versets mecquois qui ne traitent que de foi, de spiritualité, d’égalité et de solidarité entre individus, dans un style imagé, pour discerner le changement induit à cette époque par rapport à l’état social prédominant dans cette région. Ce changement s’inscrit dans la continuité du message christique universel libérateur des humains à maints égards et en rupture avec les contingences de la tradition, en faisant l’éloge du choix individuel. Il semble dès lors que, initialement, l’islam n’avait pas pour vocation de répondre à des impératifs politiques collectifs ou à une stratégie de pouvoir et qu’il était séculier dans son essence fondamentale, sans évoquer ni proposer aux croyants une forme de gouvernance ou des pratiques et des comportements spécifiques. De plus, il acceptait la diversité religieuse et respectait la liberté de conscience tout en appelant les hommes à rechercher leur salut individuel dans la nouvelle foi en ayant recours à la rhétorique et à la force des mots. Ce, même après la constitution à Yathrib d’un noyau de gouvernance locale obéissant à un pacte civil laïc rassemblant toutes les franges de la société multiconfessionnelle de la future Madina.
Finalement, la condamnation par l’islam de toute forme de magie, de superstition et de recours aux procédés divinatoires comme modes d’explication ou d’anticipation des phénomènes, ainsi que l’incitation à la réflexion et à l’apprentissage indiquent que la raison, appuyée en son temps par la foi, a voulu remplacer les contingences de la tradition et effectuer une rupture avec l’arbitraire.
D’après ce contexte, la foi islamique semble comprendre dans sa conception fondamentale les mêmes valeurs attribuées à la modernité. Avant que cette croyance ne subisse plus tard des transformations majeures, qui l’ont convertie en une idéologie de pouvoir politique conquérant et autosuffisant qui englobe toutes les sphères de la vie. Avant d’être submergée par les traditions bédouines, les divers substrats culturels, les superstitions et les décrets à caractère législatif énoncés par les hommes. Et surtout avant de subir l’influence radicale d’une lecture et d’une interprétation de type talmudique normative et la codification, au IXe siècle, d’une Chariâa façonnée par les hommes, qui a figé la pensée religieuse et condamné l’islam à être une simple exégèse monopolisée par quelques-uns et un ensemble de règles et de normes, parfois très superficielles, à respecter scrupuleusement.
Si l’on retourne aux sources fondamentales de l’islam, l’existence d’éléments communs avec la modernité est donc incontestable. Ces éléments sont cependant éclipsés par le déchaînement d’un certain fanatisme et l’apparition d’un islam politique, dont l’interprétation étroite et étriquée de la religion, son rattachement automatique à la sphère du pouvoir et à la réglementation de tous les détails de la vie quotidienne, ainsi que sa standardisation comme un « prêt-à-penser » islamique, la rend radicalement incompatible avec son message originel, et donc avec les traits et fins de la modernité. Cela fait de cet islam une doctrine étouffante car une société où le divin est imposé partout et où le religieux règle tous les aspects de la vie ne peut accorder une place aux individus et à leurs aspirations, ni à leur capacité de raisonnement et de jugement.
Remonter aux sources
Certains procèdent par une lecture et une interprétation de la religion superficielles, négatives et contraires aux valeurs et principes originels, et réussissent à faire adhérer plusieurs à leurs visions plutôt obscurantistes en voulant à tout prix métamorphoser l’islam en un projet politique collectif entraînant la disparition des aspirations individuelles. Il est pourtant possible de remonter à la source de l’islam et à ses principes fondamentaux universels pour retrouver une voie plus prometteuse.
Une lecture – ou relecture – de l’islam à la lumière des réalités actuelles est nécessaire afin de renouer avec le message originel intemporel dans son intention libératrice de l’individu vis-à-vis de la tradition et au-delà de toute configuration collective, à partir de ses propres textes fondateurs ; il faut surtout ne pas l’abandonner entre les mains de groupes sectaires nihilistes, et encore moins l’utiliser comme un vecteur permanent de réaction vis-à-vis d’une politique ou d’une situation particulière ou l’avancer comme une solution potentielle à tous les maux en évoquant sa trajectoire historique.
La fidélité aux origines et la pérennité de la doctrine exigent que les véritables courants modernistes, qu’ils soient séculiers ou réformistes religieux, conquièrent les esprits et toutes les sphères de la vie publique, afin de conduire à ce qu’il est convenu d’appeler la « sortie du religieux », c’est-à-dire l’émancipation totale du politique et de la sphère publique vis-à-vis de toute confession et de tout dogme religieux et le confinement de la foi à la sphère privée.
Les attributs de la modernité, l’affirmation de l’individu et l’égalité des personnes et conséquemment la démocratie, la sécularité, s’imposent graduellement à toutes les sociétés humaines et le rôle de la religion dans les affaires publiques devient de plus en plus marginal. Les Arabes et les musulmans ne peuvent plus se soustraire au modèle de la modernité contemporaine qui s’épanouit un peu partout dans le monde.
Remémorer un passé arabe et islamique brillant et raffiné à Damas, Bagdad ou Cordoue, en omettant qu’il a atteint son apogée grâce à son ouverture aux autres cultures et à un pluralisme qu’il a su intégrer pour en formuler une synthèse fructueuse et originale, serait non seulement déformer l’histoire de la civilisation arabe, mais aussi un mensonge intellectuel. La marche de l’humanité, par définition, ne s’arrête jamais. Le monde arabe est aussi en chemin.
Le probleme ce n’est pas la religion, mais les soi-disant religieux.
Il en est de meme pour toutes les relgions, que ceux qui crient le plus fort ce sont ceux qui les suivent de facon hypocrite et contradictoire.
Alors, aucune contradiction entre Islam et modernite, mais grande contradiction entre islamisme malhonnete et modernite, ainsi que chretianisme fondamental et modernite.
@Didi: C’est exactement ce que l’article soutient…
Salutations,
Je me répète inlassablement ici et là mais allons-y encore une fois…
Pour commencer, il est tout à fait normal que des similitudes soient relevées entre l’Islam de l’époque et la modernité en général, car l’Islam était une “étrangeté”. Une étrangeté du fait des valeurs citées tout au long du billet qui sont devenues une “norme” pour tout état se présentant comme respectueux de l’humanité.
Quant à la politique, sachez que n’importe quel être humain représentant d’autres êtres humains ou servant leurs intérêts, fait automatiquement de la politique. Parce qu’il a des comptes à leur rendre et parce qu’il doit agir convenablement avec ceux qu’il ne représente pas afin de garantir une paix relative.
Le prophète des Musulmans (PBSL) était tout à la fois, et parmi ses nombreux rôles, il y avait la politique. Ce sont ceux qui lui ont succédé qui ont continué à en faire autant et à servir l’intérêt de la communauté, avec les incidents que nous connaissons et qui sont légion en politique.
Dire qu’il y a obscurantisme quand on fait un lien entre l’Islam et la politique est un non sens. Vous pourrez tourner vos phrases dans n’importe quel sens, tout être humain représentant d’autres êtres humains est voué à faire de la politique.
Quand la sécularité a été abordée dans le billet et où il était précisé qu’à l’avènement de l’Islam et pendant son essor, tout le monde était libre de conscience, ce n’est pas tout à fait vrai de dire cela. Car d’une part, les gens de l’époque étaient généralement croyants et donc, une certaine tolérance existait mais d’autre part, le polythéisme (shirk) a été et est toujours le plus grand des péchés pour Dieu. Alors l’athéisme n’en parlons même pas…
Vous ne ferez croire à personne que l’Islam est séculier. Non, l’Islam est tolérant certes et l’a toujours été, mais comme pour toute chose, certaines limites ont été fixées par Dieu. On peut en effet estimer et à juste titre, que Dieu jugera ses créatures, mais il ne faut pas non plus attribuer à l’Islam des valeurs qu’il renie. Car il s’agit de valeurs contraires au message divin et en situation de force, les adeptes de l’incroyance et de l’association s’associeraient contre l’Islam.
Comment cela serait possible dans un état civilisé ?
Par la politique bien entendu, les armes détruisent et dévastent pendant un temps, les dégâts causés par l’inculture, l’ignorance, le repli sur soi, le déraisonnable, la peur d’assumer ses origines au point de renier ses origines et ses valeurs, l’assimilation globale et identitaire peuvent être irréversibles.
Et pour finir, une citation du Saint Coran, où il est question de l’importance de l’unicité de Dieu face aux associateurs. Mais aussi les politiciens qui désavoueront ceux qui adhéraient à leurs idées et surtout, l’invitation à la raison plutôt qu’à la superstition.
Avec mes salutations ;
Sourate 2 – La vache :
163. Et votre Divinité est une divinité unique. Pas de divinité à part lui, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
164. Certes la création des cieux et de la terre, dans l’alternance de la nuit et du jour, dans le navire qui vogue en mer chargé de choses profitables aux gens, dans l’eau qu’Allah fait descendre du ciel, par laquelle Il rend la vie à la terre une fois morte et y répand des bêtes de toute espèce, dans la variation des vents, et dans les nuages soumis entre le ciel et la terre, en tout cela il y a des signes, pour un peuple qui raisonne.
165. Parmi les hommes, il en est qui prennent, en dehors d’Allah, des égaux à Lui, en les aimant comme on aime Allah. Or les croyants sont les plus ardents en l’amour d’Allah. Quand les injustes verront le châtiment, ils sauront que la force tout entière est à Allah et qu’Allah est dur en châtiment!
166. Quand les meneurs désavoueront le suiveurs à la vue du châtiment, les liens entre eux seront bien brisés !
Si l islam est moderne pourquoi ne reconnait il pas le darwinism,pourquoi avoir attendu 1970 pour que el Azhar reconnaisse les theories de galile,pourquoi la femme a t elle un statut inferieur meme dans la mort,pourquoi l islam accepte l esclavage,pourquoi accepte t il les amputations,pourquoi n accepet il pas la chirurgie esthetique,les recherches sur l embryon,les manipulations genetiques?????????????A part ca l islam est tres moderne bien sur.Cet article c est ce qui s appelle faire le tres grand ecart……
@fabiie
Je te croyais experte dans un domaine autre que l’analyse et la critique de l’Islam comme religion…
Voir commentaires, dans: “Filtrage des sites pornographiques : un test clé pour la liberté d’Internet en Tunisie”
@FABILE, bonjour,
pour l’info, la terre est ronde chez les musulmans et ça depuis quinze siècles , ouvre le coran et lit le bien ( je veux dire scientifiquement) avant de nous bassiner toi et ton chikh d’al azhar avec votre ignorance . j’en suis sure et certain ( vu tes commentaires) que tu ne connait de l’islam que ce que tu lit sur les blogs !!
Bonjour, Monsieur.
Ton raisonnement est débile.
Les fondements de l’Islam ne sont pas mobiles.
L’Islam corrigé après le prophète est toujours en fête.
Peu importe les esthètes et les sultans en tête.
Dans toutes les régions et tous les continents.
Allah est grand et clément.
Ton regard historique est dément.
Ta philosophie est du vent.
L’Islam politique est une solide rhétorique.
La modernité est un monstre chimérique.
L’islam est forcement politique.
Pour toute gestion étatique.
« Sourate de la vache »bonne réplique.
Pour ceux qui n’ont rien compris à la politique.
As-tu compris la technique et le sens des notes de musique ?
@taco
merci de me lire,je sais maintenant que j ai au moins un lecteur assidu
Trés importante et intéréssante question!!!
Un auteur musulman français a ecrit la plus magistrale réponse à cette question dans un livre explosif: De l’idéologie islamique française éloge d’une insoumission à la modernité de Aïssam Ait Yahya, un livre dont personne ne parle sauf les américains à l’université de Columbia. L’auteur explique ce qu’est la Modernité et ce qu’est l’Islam, deux chemins, deux vision, deux méthodes, deux esprits complétement différents, les arguments et les preuves sont irréfutables.