Karim Mejri, ex-conseiller auprès du ministre de l’emploi Saïd Aïdi, apporte sa contribution au débat national autour de l’emploi dans une série de 9 articles publiés par Nawaat.org. Dans ce neuvième et dernier article, il aborde la question de la restructuration des organismes de l’Etat, notamment le ministère de l’emploi et celui de l’enseignement supérieur.
De la nécessaire restructuration de l’appareil de l’Etat pour éradiquer le chômage
Les attributions du Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi ont été fixées par un décret[1] stipulant que sa mission générale est « d’assurer l’élaboration de la politique du gouvernement dans le domaine de l’emploi, ainsi que de veiller à sa mise en œuvre et à l’évaluation de ses résultats ». Ce ministère, dont le nom a changé plusieurs fois depuis sa création il y a plus de vingt ans, gère plusieurs structures sous-tutelle dont[2] :
· L’Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant (ANETI), gérant les Bureaux de l’Emploi et du Travail Indépendant (BETI) et assurant l’exécution des programmes de l’emploi,
· Des services centraux comme la Direction Générale de la Promotion de l’Emploi, représentant un bureau de conception des programmes de l’emploi, ou encore l’Observatoire National de l’Emploi et des Qualifications (ONEQ), pour les études et les statistiques,
· Les Directions Régionales, représentations du ministère dans les gouvernorats.
Cette organisation a été pensée, comme toujours, du niveau central vers le niveau régional et à la fin le niveau local. Cette approche ne manque pas de démontrer ses limites dans la vie quotidienne du ministère. Ainsi, un Directeur Régional, premier responsable à l’échelle du gouvernorat, se retrouve sans véritables prérogatives, coincé entre des Chefs de BETI de sa région (qui dépendent du Directeur Général de l’ANETI), des Directeurs de centres de formation (qui dépendent du Directeur Général de la formation professionnelle) d’un côté, et entre sa hiérarchie directe (ministre ou chef de cabinet). Sans compter qu’à l’échelle du gouvernorat, le Directeur Régional doit composer avec le Gouverneur et autres responsables régionaux. Cette organisation inefficace devrait être revue pour réserver la place centrale au directeur régional, qui, en application des directives de son ministre, devrait avoir toutes les prérogatives nécessaires dans sa région, y compris une autorité hiérarchique sur les bureaux de l’emploi.
Le rôle du ministère de l’emploi devrait également être réformé dans sa relation avec les autres ministères. En effet, comment « assurer l’élaboration de la politique du gouvernement dans le domaine de l’emploi » si l’on ne gère concrètement que les programmes de l’emploi ? Les secteurs où les emplois sont créés sont très éloignés du ministère de l’emploi. L’investissement public transite par des ministères comme les finances, la planification, le développement, etc. Les investisseurs privés ne croisent pas sur leur chemin de démarches administratives des représentants du ministère de l’emploi. Jusqu’aux concours de recrutement de 2011, le ministère n’intervenait même pas dans les concours de la fonction publique, budgétisés par le ministère des finances et gérés par chaque ministère concerné, en accord avec le Premier ministère.
Une nouvelle organisation des structures en charge de l’emploi devra aussi permettre de conduire la nécessaire réforme de l’enseignement supérieur, afin de ne plus avoir ces contingents de diplômés chômeurs chaque année. Une des raisons principales du chômage de masse réside dans l’inadaptation du système de l’Enseignement Supérieur : certaines filières universitaires forment essentiellement des chômeurs et il faudrait les fermer sur le court terme. D’autres forment des diplômés au-delà de la capacité du marché de l’emploi. A contrario, certaines spécialités sont très demandées par les employeurs. De façon qualitative, il faut également s’assurer que notre système universitaire forme les étudiants avec le bon dosage d’enseignements théoriques et pratiques.
Aujourd’hui, nous constatons que les frontières entre ministères sont étanches. Toute collaboration entre un ministère et un autre doit être approuvée par un haut responsable, souvent le ministre en personne. Ceci affecte directement l’efficacité du travail de l’administration et, en conséquence, celui du gouvernement. C’est pour cela qu’il faut, au lieu de fragmenter les ministères, (ce qui ne fait que multiplier le nombre d’îlots isolés) regrouper au maximum les différents secteurs sous l’autorité d’un seul ministre ou « super ministre ». Ce rapprochement permettra d’appliquer une approche systémique de tous les domaines en interaction. En vue d’opérer une transformation profonde de notre système de qualification et d’insertion professionnelle, les prochains gouvernements devront donc réfléchir à rapprocher les départements ministériels qui s’occupent des ressources humaines, à savoir : l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, la formation professionnelle, la formation continue, l’emploi, le travail[3], auxquels doivent se rajouter la formation complémentaire destinée à la reconversion des diplômés du supérieur.
Ainsi, un seul ministre, avec éventuellement deux ou trois secrétaires d’état, pourra conduire une réforme sur une période transitoire de 3 ou 4 ans permettant d’éviter d’avoir autant de chômeurs à l’avenir. A la fin de la période transitoire nous pourrions revenir à une configuration plus conventionnelle avec des ministères distincts, mais qui continuent néanmoins à collaborer et à être à l’écoute des besoins du marché (secteur public, secteur privé, employeurs potentiels à l’étranger, etc.).
De façon plus générale, les grands choix permettant de résorber le chômage doivent faire l’objet d’un consensus entre les différentes forces politiques du pays, puisque ces choix engagent l’avenir du pays tout entier et ne peuvent être appliqués que sur plusieurs années, donc éventuellement par plusieurs gouvernements. Bien que consciente de l’ampleur du problème, la classe politique semble manquer aujourd’hui de solutions concrètes, alors que les objectifs affichés avant les élections étaient ambitieux. A titre d’exemple, Ennahdha annonçait dans son programme électoral la création de 590.000 emplois en 5 ans (2012-2016), ce qui réduirait le chômage de moitié (de 19% à 8,5%). Pourtant, aujourd’hui encore nous ne savons pas comment atteindre cet objectif…
[1] Décret n° 2007-1717 du 5 juillet 2007, fixant les attributions du ministère de l’emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes.
[2] D’autres structures existent, notamment dans le domaine de la formation (professionnelle et continue) que je n’évoque pas dans cet article.
[3] Le département du travail est en charge de veiller à la bonne application du code du travail et aux relations avec les partenaires sociaux. Aujourd’hui, ces prérogatives sont du ressort du ministère des affaires sociales.
Lire dans le même dossier :
[Part1]: Qu’est-ce qu’un chômeur ?
[Part2] : Le secteur public, objet de toutes les convoitises
[Part3] : Le rôle déterminant du secteur privé
[Part4] : Pour une nouvelle génération d’entrepreneurs
[Part5] : Les autres pistes pour promouvoir l’emploi : société civile, PPP, émigration…
[Part6] : Communiquer sur le chômage, une confiance à reconquérir
[Part7] : Communiquer sur le chômage, une confiance à reconquérir
[Part8] : Associations de chômeurs, pour dépasser le syndicalisme revendicatif
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Unfortunately, the 9 articles do nothing but say over and over again what everyone knows! We all understand what is happening! We all converged to the same diagnostic and painful truth! What remains to be conceived by Minister’s advisers and implemented by the said Ministers are SOLUTIONS!!! As a matter of fact the previous Minister and his team were unable to come up with the least idea let alone innovative ones; as a matter of fact they got us in further troubles! In fact, without out-of-the-box thinking we will remain and even amplify our crisis; for Einstein said that old problems can’t be solved with the same ideas that helped creating them! … last but not least, I do appreciate and encourage such analysis (as long as it doesn’t get us into permanent paralysis) and exchanges, for that is the only way out of our situation! Power to the People of Free Tunisia.
Le chômage, une maladie du système libéral.
L’état en Tunisie à mon sens à besoin d’être à nouveau refonder et non uniquement reformé.
On ne peut combattre et démanteler les mécanismes de la dictature, de la spoliation, de la bureaucratie, des mécanismes administratifs qui se chevauchent et qui ne se croisent pas. On ne sait pas qui fait quoi et qui commande qui et une demande dépend de plusieurs organes de réponse qui elles ne dépendront pas d’une unique institution tutelle (voila, la complexité parfaite). Le simple citoyen qui souhaite entreprendre, les parcours administratifs le fatigue avant qu’il commence son projet, idem pour l’investisseur étranger, le chômeur en Tunisie sa situation en terme de parcours d’insertion est plus que compliqué, vous l’avez bien expliqué.
Pour ne pas aller par deux ou plusieurs portes, je dirai que la Tunisie a besoin d’être décentralisée.
– une décentralisation qui allège l’état,
– une décentralisation qui simplifie les parcours administratifs en matière d’investissement et d’insertion,
– une décentralisation qui ne met pas une échelle de collectivité territoriale contre une autre, mais solidarité et complémentarité, – une décentralisation qui ne met pas les territoires (les collectivités territoriales contre l’état, éclaircissement des rôles et des moyens,
– une décentralisation qui ne pas uniforme sur tout le territoire national, il faut permettre la naissance des grandes régions et d’autres forme d’agglomérations (petite et grandes intercommunalités), tout dépend de la pertinence de ces nouveaux unions administratives, c’est agir par la cohérence et non pas par le kif kif partout sous prétexte de la recherche de l’équilibre. Il faut permettre la dynamique, la proximité, le partenariat. la Tunisie ne peut pas attendre la réalisation des grands projets d’infra structure routiers et autoroutiers pour réaliser au plutôt possible une décentralisation par le biais de la cohérence. C’est notre salut, politique, car ça permettra à plusieurs nouveaux acteurs de trouver leurs places et gagner des espaces d’activité, et ça permettra au citoyen éloigné de la politique de s’investir par le fait de la proximité de l’échelle territoriale et il trouvera un sens à son engagement par la facilité d’exercer le contrôle démocratique à travers les conseils territoriaux.
Toute reforme de l’état en dehors d’une décentralisation par le biais de la cohérence, sera comme une nouvelle complication et une autre forme de fardo pour l’usager et pour les services. Il ne sujet en Tunisie d’une nouvelle et bonne gouvernance que dans le cadre d’une décentralisation. En plus toute reforme dans l’actuel forme administrative de l’état sera un véritable gâchis, car reformer c’est très couteux et l’argent il faut mieux l’engager dans du sûr et du moderne. Par le biais de décentralisation Tunisie comme état pourra être considérai comme un état moderne administrativement. En matière de gestion des affaires politique et administratives les tunisiens ont besoin de changer de culture de faire, de gérer de gouverner, ce changement souhaité ne peut pas être appris à l’école, il faut changer l’espace du travail et les référentiels. L’état restera l’état dans ces grandes missions régaliennes et au-delà, comme le garant des libertés fondamentales et d’une justice sociale pour toutes et tous.
– dans la nouvelle constitution espérant lire entre autre : la Tunisie est un pays décentralisé.
– l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, la formation professionnelle, la formation continue, l’emploi, le travail, l’insertion professionnelle, la recherche scientifique et des nouvelles technologies : tous ces ministères et pôles d’activités au niveau du gouvernement, seront réunies dans un grand ministère comme vous l’avez proposé, je peux l’appeler : le ministère du savoir, de l’emploi et de la promotion. Bien sur avec plusieurs secrétaires d’états, ainsi en évitera tous les zigs zags et on gagnera en efficacité et en temps, en visibilité et lisibilité. C’est le vrai investissement sur l’avenir et sur l’humain que la Tunisie de la révolution est amenée à le réaliser. Ben Ali harab. Mandhouj Tarek.