Après la chute du dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011, la Tunisie a connu un changement considérable sur tous les plans. Après les gouvernements provisoires de Ghannouchi et d’Essebsi, les élections du 23 octobre ont abouti à la mise en place de la deuxième Assemblée Constituante chargée principalement d’écrire une nouvelle Constitution pour la Tunisie. Le 22 décembre 2011, le nouveau chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali nomme Nourredine Bhiri, ancien partisan du MTI (Mouvement de la tendance islamique) depuis 1977 et avocat à la Cour de Cassation, ministre de la Justice.

Noureddine Bhiri, ministre de la Justice

crédit photo: plus216.com

Dans l’une de ses premières interviews datant du mois de janvier 2012, le nouveau ministre déclare sur la chaîne Hannibal TV.

Dans ce ministère j’ai constaté deux choses contradictoires : J’ai trouvé des hommes et des femmes fidèles à la Tunisie qui ont résisté avec honneur […] et les dégâts importants dus à Ben Ali. […] Il s’est concentré avec une politique étudiée … dont le but était de détruire le moral de ceux qui travaillent dans ce secteur, avec des pressions financières et morales, en changeant des lois afin de les rendre plus répressives, en corrompant ceux qui le suivent, en recourant au média et à la société civile … Sauf que la magistrature n’a jamais été vidée d’éléments qui ont illuminé l’obscurité du chemin, des hommes et des femmes qui ont dit « Non », et là j’évoque précisément, le premier d’entre eux, mon ami et frère le juge Mokhtar Yahyaoui quand Ben Ali était à l’apogée de sa force.

Dans ses discours, le ministre ne rate presque jamais l’occasion de rappeler la nécessité d’une justice indépendante. Le défi à relever n’est pas d’ordre de la volonté politique puisque, selon lui elle y est, mais plutôt d’ordre matériel. Il signale que la réforme en cours nécessite beaucoup d’argent, d’effort et surtout de compétences nationales et de formations pour les gens du métier : juges, avocats, procureurs…

On veut un pouvoir judiciaire indépendant et des juges libérés de toutes pressions, qu’elles soient financières ou morales. Ceci demande de grands moyens budgétaires, des compétences nationales … Le budget programmé pour cette période très difficile est de 250 Millions dt, alors que plusieurs tribunaux ont été incendiés, 17 prisons brûlées… Ce budget est limité et ne peut même pas couvrir les dégâts des prisons et la reconstruction des tribunaux.

Le problème des dégâts, survenus dans des circonstances encore obscures suite au soulèvement populaire, a touché plusieurs établissements pénitenciers et des dizaines de tribunaux en Tunisie. L’organisation TunisiaWatch a dénombré 14 tribunaux incendiés à peine deux semaine après la chute de Ben Ali. Le 11 juin 2012, le Tribunal de Première instance de Tunis 2 à Sijoumi subit le même sort lors d’une nuit agitée par des attaques d’extrémistes religieux dans le grand Tunis.

Le pouvoir judiciaire encore sous la tutelle de l’exécutif

Dans son Programme d’action du ministère de la Justice 2012-2016, l’une des priorités au niveau du cadre légal concerne l’adoption d’une loi sur la création d’une Instance judiciaire transitoire remplaçant l’ancien Conseil Supérieur de la Magistrature assurant pas là le principe de séparation des pouvoirs et garantissant l’indépendance au secteur judiciaire pour échapper surtout à la « politique des instructions et des intérêts partisans »

En effet, conformément à la loi relative à l’organisation des pouvoirs, dans l’article 22 du chapitre Chapitre V : Le Pouvoir Judiciaire, il est stipulé que

Le pouvoir judiciaire exerce ses prérogatives en totale indépendance. Après concertation avec les magistrats, l’Assemblée Nationale Constituante adopte une loi organique, créant une instance représentative provisoire, fixant sa composition, ses attributions et les mécanismes de sa création. Ladite instance sera chargée de superviser la justice judiciaire et sera substituée au Conseil Supérieur de la Magistrature.

L’Assemblée Nationale Constituante adopte des lois organiques afin de réorganiser la justice, de restructurer les conseils juridictionnels supérieurs judiciaires, administratifs et financiers et afin de fixer les bases de la réforme du système judiciaire conformément aux critères internationaux de l’indépendance de la justice.

Pourtant, après plus de onze mois de travail à l’ANC (Assemblée Nationale Constituante), la loi, relative à l’Instance qui devait se charger de superviser la justice judiciaire remplaçant par là l’ancien Conseil Supérieur de la Magistrature, n’a toujours pas été adoptée. En plus, contrairement à l’AMT et au SMT qui ont déposé leurs propositions de loi pour cette Instance aux mois de février et mars 2012, le gouvernement Jebali ne l’a fait qu’au mois de juin 2012, un retard bien significatif selon le juge de l’AMT (Association des Magistrats Tunisiens) Hammadi Rahmani.

La commission à l’Assemblée Constituante, présidée par Fadhel Moussa (Commission des juridictions judiciaire, administrative, financière et constitutionnelle), qui s’est chargée d’étudier les projets de loi reçus du gouvernement Jebali ainsi que les propositions de l’Association des Magistrats Tunisiens et du Syndicat des Magistrats Tunisiens, a proposé finalement un projet qui n’a finalement pas été retenu.

Le parti Ennahdha refuse l’indépendance administrative et financière de l’Instance

Le mardi 31 juillet, dès le début de la séance plénière, le député d’Ennahdha Habib Khedhr a explicitement demandé qu’on échange l’adjectif “indépendante” par “représentative“.

Passant au vote, ceux qui soutiennent l’Indépendance de l’Instance n’ont pas eu gain de cause. Car, la majorité absolue-109 voix qu’exige chaque vote pour une loi organique- n’a pas été atteinte. Avec 101 voix seulement, tout le projet tombe à l’eau.

Le blocage au niveau du vote pour l’indépendance de cette instance provisoire de l’ordre judiciaire était déjà annoncé dans un autre texte qui lui a précédé, celui de la Loi constituante n° 2011-6 du 16 décembre 2011, relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics. En effet, dans le chapitre 5 relatif au pouvoir judiciaire, l’appellation de cette instance était déjà définie dans l’article 22 : “instance représentative provisoire“.

En conséquent, on peut induire que le bloc parlementaire d’Ennahdha poursuit, sans relâche son plan et conformément à une vision bien claire, de ce qu’il a déjà imposé dans la loi relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics. Car, dans ce même article 22, il faut le rappeler, le texte était limpide, il s’agit de “pouvoir judiciaire [qui] exerce ses prérogatives en totale indépendance.” et donc, il n’est nullement question d’indépendance imputée à l’Instance mais plutôt au pouvoir judiciaire, ce qui rend la formulation assez vague.

Rappelons également qu’en décembre 2011, soit sept mois plus tôt , la commission chargée de la rédaction de la « petite Constitution » ( loi de l’organisation provisoire des pouvoirs publics), a été présidée par ce même Habib Khedhr.

Nominations et révocations des juges par le pouvoir exécutif

En parallèle, le ministère de la Justice, a annoncé le 7 mars, de nouvelles nominations dans le corps des magistrats, chose qui a déplu à l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT).

Le 14 avril, lors de son Assemblée Nationale, l’AMT a soulevé plusieurs points de divergence avec le pouvoir exécutif, notamment l’absence de concertation entre le ministère de la Justice et les juges.

Après plusieurs négociations et rencontres où l’association a expliqué l’urgence de la promulgation de lois régissant cette instance provisoire qui supervisera les magistrats, le gouvernement, l’Assemblée Constituante et le ministère de la Justice n’ont toujours pas réagi aux revendications des juges.

Les membres de l’association ont désigné cette attitude de “procrastination” entravant le cours de la réforme de la justice.

De son côté, le bureau exécutif du Syndicat des Magistrats Tunisiens (SMT) a publié au mois d’avril 2012 un communiqué appelant

La nécessité d’accélérer la promulgation de la loi pour une instance provisoire qui remplacera le Conseil Suprême de la Magistrature (CSM) et faire de cela l’une des principales priorités soulevées dans le travail de l’Assemblée nationale constituante

Il est important de signaler que contrairement à l’AMT (Présidée actuellement par la juge Kalthoum Kennou ) qui existe depuis des années et qui s’est retrouvée à plusieurs reprises face à la répression du régime autoritaire de Ben Ali, le SMT (Présidée par la juge Raoudha Labidi) n’a été crée qu’ après le 14 Janvier par Mohamed Nabil Naccache, l’un des juges accusés par l’AMT en 2005 d’avoir fomenté un putsch au sein de l’Association des Magistrats.

Le 26 mai, Nourredine Bhiri annonce la révocation de 82 juges qui seraient concernés par des transgressions nuisant- selon le communiqué du ministère- au citoyen en indiquant que ce n’est qu’une première liste. Le ministre a fait savoir également dans une émission télévisée intitulée « Saraha Raha » sur Hannibal TV, que cette décision a été le fruit de quatre mois de travail. Les révocations se baseraient sur des documents qui impliquent les juges mis hors circuit à partir du lundi 28 mai avait-il dit.

Face à cela, le Syndicat des Magistrats Tunisiens a de suite observé une grève contestant ces révocations, ce que l’AMT n’a pas fait jugeant par contre que ces décisions du ministre Bhiri, qu’elles soient favorables ou défavorables aux juges, ne doivent nullement avoir lieu car le pouvoir politique doit être séparé du pouvoir judiciaire pour assurer l’indépendance des juges.
Le 30 mai, le SMT organise une conférence de presse annonçant les points qui ont été abordés avec le ministre de la Justice au cours de la journée. En effet, il a été décidé de mettre fin à la grève des juges.

Les magistrats ne sont pas au-dessus de la loi et le syndicat est attaché à ce que les magistrats fautifs rendent des comptes […] mais il y a certainement des injustices dans cette liste»», a dit Mme Laâbidi, Présidente du SMT.

En outre, toute personne se trouvant sur la liste des 82 révoqués pourra présenter, suite à l’accord fait avec le ministère, une réclamation auprès du ministère de la Justice dans un délai ne dépassant pas trois jours depuis la mise en application de la décision.

Les juges concernés peuvent également recourir au Tribunal Administratif aussi. Ceux qui sont contre la note de travail pour les nominations ou révocations ne se sont pas manifestés quand ça été fait sous le gouvernement précédent de Béji Caid Essebsi. Nous n’avons pas inventé de nouvelles mécaniques. On utilise d’anciennes lois, remontant même à l’époque de Bourguiba […] Maintenant, les lois en vigueur sont elles-mêmes anciennes, va-t-on s’arrêter d’appliquer le code pénal, les lois relatives au divorce, … ? avait déclaré M.Bhiri sur les ondes de la radio Mosaïque FM

Aux 82 juges révoqués, deux autres ont été rajoutés par le ministère pour malversation financière et manquement à la déontologie. Selon Fadhel Saihi, chargé de mission au cabinet du ministre de la Justice, neuf d’entre eux se sont opposés à cette décision ce qui a finalement réduit le nombre à 75.

Aucun détail n’a été donné au sujet de probables poursuites judiciaires contre les juges démis de leur fonction ou ceux qui auraient subi le sort d’être accusés à tort. On a contacté à plusieurs reprises le ministère de la Justice pour savoir si les juges révoqués seront traduits en justice ou pas, s’il y aurait d’autres listes de magistrats qui seront démis de leur fonction mais la secrétaire nous a prévenu qu’il n’y a pas d’attaché de presse actuellement. On a donc contacté M. Fadhel Saihi, mais il était à chaque fois indisponible.

Suivant le dossier de près, on a contacté également quelques juges des neuf rétablis en fonction après avoir eu leurs noms mis sur la liste des révoqués. L’un d’eux, le juge Ahmed Rouiss, nous a informé que ce qui s’est passé à été contraire aux procédures normales et que c’était une humiliation grave envers la magistrature.

On m’a sorti de mon bureau avec un scandale et on m’a remis d’une manière discrète. Avec un autre juge, Bachir Najah, nous avons contacté l’Assemblée Constituante pour exposer nos dossiers devant les élus du peuple. Je tiens à dire que la prérogative de révocation n’appartient pas au ministre de la Justice.

Quand je suis allé voir M.Fadhel Saihi, ce dernier m’a répondu ” Ce n’est pas nécessaire qu’il y ait une erreur pour que votre nom soit dans la liste des révoqués. Votre nom a été intégré par la commission selon des critères.”

Dépité, je suis allé donc voir le député Habib Ellouz d’Ennahdha et ce dernier a été très touché par mon cas. Il m’a demandé s’il y aurait moyen de résoudre ce problème et que mon nom soit retiré de cette liste sans que cela provoque une agitation…

Vous savez, j’ai voté pour Ennahdha mais pour les prochaines fois je ne le ferai pas car je sais que je ne pourrais avoir mon droit que lorsque ce gouvernement changera.

Le 29 octobre 2012, après avoir mené son enquête, l’organisation Human Rights Watch publie un article au sujet des licenciements en masse dans la magistrature

La révocation de 75 juges par le ministre tunisien de la Justice a été injuste et arbitraire. […] Les juges doivent faire face au licenciement seulement pour faute grave ou incompétence, et suite à une procédure équitable et impartiale, a déclaré Eric Goldstein, vice-Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. «Ces licenciements créent un précédent inquiétant et intimidant pour le système de la justice en Tunisie.

Le ministère de la Justice recourt à l’illégitime Conseil Supérieur de la magistrature

Le 13 septembre, le ministre de la Justice recourt au Conseil Supérieur de la Magistrature en se mettant à sa tête pour entériner le mouvement dans le corps des magistrats pour l’année 2012-2013.

Le mouvement de la magistrature qui a concerné environ 800 juges (771 tous degrés confondus, départ de 130 magistrats à la retraite et recrutement de 50 jeunes diplômés de l’Institut Supérieur de la Magistrature) a réalisé une satisfaction auprès de 90% des juges selon M. Bhiri.

Plusieurs magistrats privés de promotion pendant des années ont pu enfin en bénéficier suite à ce mouvement et beaucoup d’autres ont eu de nouvelles responsabilités non pas pour des raisons partisanes ou autres mais grâce à leur compétence.

Contrairement au SMT, l’Association des Magistrats Tunisiens a de nouveau contesté cette énième action du ministre affirmant que l’exécutif essaye de subordonner les magistrats. Le juge Hammadi Rahmani a fustigé ces nominations en déclarant que certaines de ces promotions ont concerné de surcroît des corrompus de l’ancien régime.

La Présidente de l’AMT Mme Kennou estime que le Conseil Supérieur des Magistrats qui aurait préparé ce mouvement, est illégitime voire illégal car les élections de ses membres n’ont pas été transparentes. En outre, certains de ses magistrats auraient été nommés par le Président déchu Zine El Abidine Ben Ali. Ce dernier était en effet à la tête de ce même conseil.

Selon les juges de l’AMT, deux avis du Tribunal Administratif ont été rendus respectivement en février et mars 2011, le premier annule les élections du CSM de 2007 et le second celui de 2005. Les mêmes irrégularités, notamment la non transparence, qui ont motivé ces décisions sont les mêmes constatées lors de la session de 2009 et les élections de 2010 où le CSM était encore présidé par le Président déchu.

Les membres de l’AMT, indignés, ont observé en conséquence un sit-in depuis 4 octobre dans leur local situé au Palais de Justice à Tunis. Selon M. Ahmed Rahmouni, le secteur judiciaire est en crise.

Quant au SMT, sa position au sujet du CSM et du mouvement de la Magistrature est clair. Dans une interview avec le journal Attounissia, la Présidente Raoudha Ladidi déclare

L’Association des Magistrats Tunisiens a proposé le gel du mouvement de la magistrature pour l’année 2012, notre syndicat et les juges ont rejeté cette proposition car nous tenons à souligner que les juges syndicaux refusent les notes de travail. (pour révoquer, nommer…)

On a contacté le juge Mokhtar Yahyaoui, l’un des rares qui a tenu tête au régime de Ben Ali alors qu’il état à l’apogée de sa force comme l’atteste le ministre de la justice lui-même. M.Yahyaoui nous a assuré que

Actuellement, on ne peut parler de justice indépendante ou pas en Tunisie. La raison en est simple : il n’y a aucune institution pour le pouvoir judiciaire. Par contre, il y a des juges indépendants.

Le moment qui m’a le plus marqué de cette année au sujet de la justice a été le jour où le projet proposé par la commission à l’Assemblée Constituante est tombé à l’eau car certains députés ont refusé l’indépendance de l’Instance. Le législatif n’a pas à décider de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Quant à votre question sur la réhabilitation du Conseil Supérieur de la Magistrature, sachez qu’il n’y en a jamais eu. Le ministère de la justice n’a pas réactivé un CSM… Ce CSM est par nature a toujours été mort.

Affaires de justice qui ont animé l’opinion publique

Face à ce bras de fer qui n’en finit pas entre le pouvoir exécutif et le corps associatif de la magistrature, l’année écoulée- depuis l’investiture du gouvernement Jebali au mois de décembre 2011- s’est illustrée par des scandales, entre autres ceux du journal Attounissia, la manifestation du 9 avril, l’affaire des artistes de Abdellia, Affaire des deux jeunes-ayant affirmé leur athéisme en publiant des caricatures ridiculisant le prophète des musulmans sur internent- condamnés à sept ans et huit mois de prisons, attaque de l’ambassade américaine à Tunis…

Affaire du journal Attounissia

Nasreddinne Ben Saïda, directeur général du journal Attounissia à été condamné le 8 mars 2012, selon le code pénal, à verser une amende de 1000 dinars et à détruire toutes les copies du numéro où on voit à sa Une la photo du footballeur Sami Khedhira et son amie mannequin dénudé Lena Gercke. Ceci est du à la non application des décrets lois 115 et 116 qui auraient pu éviter aux journalistes d’être traités comme des criminels par des lois répressives de l’ancien régime.

En sus, la rapidité avec laquelle s’est passée l’arrestation des journalistes d’Attounissia laisse planer le doute autour de la décision hâtive émanant du Procureur de la République.

Manifestation du 9 avril 2012

Contrairement à la rapidité avec laquelle a été arrêté le directeur du journal Attounissia, jusqu’à aujourd’hui, aucune personne n’a été poursuivie en justice pour “trouble à l’ordre public” suite à la manifestation du 9 avril où des dizaines de citoyens civils ont été tabassés par la police. La commission spéciale chargée de cette affaire à l’Assemblée Constituante, présidée par Zied Ladhari (Ennahdha), n’a publié jusqu’à aujourd’hui aucun rapport à ce sujet.

Affaire Abdellia: artistes accusés de trouble à l’ordre public

Mesurée, passée à la règle, à l’épreuve anthropométrique, l’artiste plasticienne Nadia Jela a été accusée au mois d’août dernier de trouble à l’ordre public pour avoir “osé” exposer les bustes de femmes voilées sur des cailloux évoquant une scène de lapidation. L’affaire, qui a suscité un grand tollé médiatique, a poussé le ministre de la culture qui a attaqué au début les artistes, à se mettre finalement de leur côté. Les poursuites judiciaires n’ont pas été closes jusqu’à aujourd’hui.

Affaire de Jabeur et Ghazi, condamnés à cause des caricatures

Deux jeunes tunisiens, Mejdi Jabeur et Ghazi Béji, se sont retrouvés condamnés à sept ans et huit mois de prison et 1200 dt d’amende. La Cour d’Appel de la ville de Monastir a jugé, le 25 juin 2012, que Ghazi et Jabeur avaient troublé l’ordre public et “causé préjudice à des tiers à travers les réseaux publics de communication” et “atteinte à la morale”.
Ainsi, ces jeunes sont condamnés à la lourde peine de sept ans et huit mois pour des caricatures que seulement une poignée de personnes auraient vues par contre, le numéro deux du groupe jihadiste Ansar al-Charia (Partisans de la loi islamique) en Tunisie, Abou Ayoub est condamné le 25 octobre à un an pour incitation à la violence suite à l’attaque de l’Ambassade américaine …

Affaire de l’attaque de l’ambassade américaine

Suite à l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis, quatre manifestants ont été tués et des dizaines d’extrémistes religieux ont été arrêtés. Lors d’une conférence de presse organisée le 12 octobre, le cheikh Imad Ben Salah, alias Abdallah Ettounsi, a fait état de cas de torture et d’applications abusives de la loi antiterroriste encore en application par la justice tunisienne.

Le ministre de la justice a annoncé au cours de ce mois à l’Assemblée Constituante qu’il présentera bientôt un projet pour moduler cette loi antiterroriste en démentant les accusations contre son ministère au sujet de la torture.

Cas de la femme violée

Le 3 septembre, une femme tunisienne s’est fait violer par des policiers, chose que ces derniers ont nié. Suite à l’enquête mené par notre journaliste Ramzi Bettaieb, il s’est avéré que l’analyse génétique appuie la version de la victime après l’identification du sperme des deux agents de police en question sur ses sous-vêtements. Nonobstant, c’est la victime qui s’est trouvée accusée “d’atteintes aux bonnes mœurs”.

La justice en Tunisie demeure donc dans un état très critique, et ce à cause de l’absence d’une infrastructure judiciaire qui puisse garantir l’application des lois et la protection des droits des citoyens. Entre temps, à l’Assemblée Constituante le projet de l’Instance de l’Ordre judiciaire, censé remplacer le Conseil Supérieur de la Magistrature, est encore en suspend face au blocage du bloc parlementaire d’Ennahdha qui refuse de lui imputer la caractéristique de l’indépendance financière et administrative.

Pour les juges, cette indépendance est une condition sine qua non pour établir un Etat de droit. Concernant ceux qui étaient corrompus du temps de Ben Ali, l’AMT avait déjà présenté dans son projet de loi de l’Instance une solution. En effet, d’après M.Rahmani, pour éviter que cette indépendance profite aux “mauvais juges”, les magistrats ont proposé des conditions claires où il sera interdit aux candidats de se présenter aux élections de l’Instance ceux qui ont soutenu le Président déchu ou exercé au sein du parti du RCD dissous, ou étaient membres des anciens conseils judiciaires, à l’exception de ceux qui ont pris des positions d’opposition, ceux qui ont participé à des procès d’opinion ou à des affaires qui ont bénéficié de l’amnistie générale et qui ont obtenu des promotions, sous l’ancien régime. (article 11)

Quand et comment cette Instance provisoire de l’ordre judiciaire sera-t-elle créée ? Telle est la question.