Par Amin Khechine
Le 20 décembre 2012, l’assemblée nationale constituante était appelée à voter sa confiance pour la nomination du nouveau ministre des finances, Mr. Elyes Fakhfakh, déjà ministre du tourisme par ailleurs.
Passons sur la confusion qui a eu lieu suite au premier vote effectué, où le ministre n’a eu la confiance que de 107 députés, soit moins que la majorité absolue requise de 109 votes, et qui a provoqué des réactions et commentaires effarants de la part de Sahbi Atig jugeant le vote inutile car il ne s’agit que d’un remaniement (sic !), puis de Mouldi Riahi jugeant que tous les députés n’étaient pas encore à leur place et que cela a faussé le vote (pourtant le quorum avait bien été vérifié… sic!) et enfin de divers élus jugeant qu’il y a eu des problèmes techniques lors du vote (comment peut-on autoriser la mise en place d’un système de vote s’il n’est pas encore assez fiable et robuste … sic !).
C’est tout de même troublant d’avoir recours à de tels arguments quand le résultat d’un vote n’est pas en sa faveur alors que nous sommes en pleine édification d’une démocratie !
C’est finalement un élu de l’opposition, Fadhel Moussa, qui dénouera la situation, jugeant que l’opération de vote n’était pas conforme au règlement intérieur et qu’il fallait au préalable que le chef du gouvernement présente son ministre avant de passer au vote et que cela soit ajouté à l’ordre du jour. C’est chose faite et un nouveau vote a lieu, où cette fois-ci, le ministre Elyes Fakhfakh arrive à avoir d’extrême justesse la confiance d’une très courte majorité, 112 députés en tout.
Qui sont ces 112 députés ?
Le travail effectué par l’équipe de marsad.tn permet de déterminer que sans surprise ce sont la quasi-totalité des députés de Nahdha, ainsi que tous les députés d’Ettakatol présents qui ont accordé leur confiance, soutenus en cela par une très grande majorité de députés de Wafa et certains du CPR. Des élus de l’opposition ont aussi donné leur confiance au nouveau ministre, notamment dans le groupe démocrate. En effet c’est le cas de 12 d’entre eux. Il s’agit essentiellement des députés appartenant au mouvement réformateur auxquels il faut rajouter Fadhel Moussa qui a permis ce deuxième vote, ainsi que les deux élus de Sfax Slaheddine Zahaf et Chokri Yaich. Solidarité sfaxienne avec le ministre Fakhfakh ?
Autres votes pouvant retenir l’attention, c’est d’abord celui de Mustapha Ben Jaafar, le président de l’assemblée. Fait assez rare puisqu’il ne vote pratiquement jamais, c’est en tout cas ce qui a été observé sur tous les votes retracés par marsad.tn, il n’y avait pas participé. Et c’est assez souvent le cas dans tous les parlements des pays démocratiques, par courtoisie le président ne vote pas sauf cas exceptionnel. Visiblement consterné par le résultat du premier vote et ne voulant prendre aucun risque, Mustapha Ben Jaafar a donc volé au secours de son ministre Takatollien en apportant son soutien par un vote positif.
Enfin, et c’est sans doute le plus polémique, le ministre de l’emploi et de la formation professionnelle Mr Abdelwaheb Maatar qui siégeait dans le bloc réservé au gouvernement au siège n°87 a également voté sa confiance au nouveau ministre selon le tableau d’affichage à l’ANC. Un petit rappel, Mr. Maatar fait partie de ces 6 ministres qui cumulent leur fonction exécutive de ministre et leur mandat législatif de député. Un cumul qui est un non-sens mais qui a été accordé par la loi de l’organisation provisoire des pouvoirs publics dans son article 16. Elle permet le cumul mais interdit aux ministres cumulards de voter quand il s’agit de la loi des finances ou de la motion de censure, mais pas un mot quand il s’agit d’un vote sur la confiance accordée au gouvernement ou à un nouveau ministre fraîchement nommé.
Alors qu’il est tout de même choquant qu’un député qui soit ministre, puisse voter la confiance du parlement à son collègue ministre ! C’est être juge et partie en même temps !
Un énième épisode qui vient nous rappeler encore une fois que ce cumul ne devrait en aucun cas être possible, et qu’il conviendrait d’amender la loi en énonçant que : « tout député devenant ministre est remplacé dans son mandat de député par la personne suivante sur sa liste, et que s’il perd son portefeuille, il puisse retrouver alors sa place de député. »
Ce vote nous a permis également de mettre en évidence que malgré ce nouveau système de vote par carte, il est toujours possible pour les élus de voter à partir de n’importe quel siège rendant encore plus compliqué le suivi de leur vote (il faudrait amender le règlement intérieur pour les obliger à voter de leur siège sauf pour les rapporteurs et président de commissions à qui se rapportent les textes votés), et que ce nouveau système de vote a été mis en place alors qu’il n’est visiblement pas à l’abri de pannes techniques assez nombreuses et sans que cela n’émeuve personne. A se demander si une vrai campagne de test a été menée ou pas ? Et ceci est aussi totalement inadmissible !
si tous les tunisiens volent au secours des uns et des autres, la Tunisie sera by khayr wa afiya. ben ali harab, bonnes fêtes de fin d’année. vive la révolution. ben ali harab. mandhouj tarek.