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Assemblée constituante. Crédit photo : Thierry Brésillon
Assemblée constituante. Crédit photo : Thierry Brésillon

Avec le crime odieux qui a ravi la vie à Chokri Belaïd, c’est à la démocratie qu’on a attenté et à la souveraineté populaire que l’on s’est pris, cherchant à museler le peuple, spolier sa liberté acquise de haute lutte.

Aussi est-il indispensable de rappeler haut et fort en Tunisie, et surtout au niveau de la légitimité électorale qu’est l’Assemblée Nationale Constituante, que la souveraineté en premier et en dernier lieu n’appartient qu’au peuple et qu’elle ne doit jamais lui être confisquée, même pour un temps.

La situation actuelle en Tunisie, plus que jamais, appelle à la démocratie directe en notre pays et tout patriote véritable ne peut qu’agir en ce sens, car le seul barrage à toutes les dérives de toutes sortes. Et nous situerons notre propos exclusivement au niveau du fonctionnement actuel de l’Assemblée des élus du peuple.

Or, avec le tourisme parlementaire, on semble avoir opté en notre pays pour le système de la liberté du député par rapport au parti grâce à l’investiture duquel il a été élu. Ce n’est pas le meilleur des systèmes pour une démocratie naissante, mais il n’est pas illégitime. Toutefois, le député qui s’est ainsi libéré de la tutelle partisane ne l’est pas pour autant de celle qui le soumet au peuple. Surtout qu’il est censé représenter tout le peuple dans son ensemble.

En représentant de tout le peuple, l’élu de l’Assemblée nationale constituante, ayant la prétention d’être une assemblée représentative de la Révolution, doit rendre des comptes au peuple. Or, une fâcheuse habitude s’est répandue dans les travées de l’ANC répétant à l’envi que l’Assemblée est sa propre maîtresse. Et il n’y a pas affirmation plus fausse, car l’ANC n’est maîtresse de rien, si elle ne se soumet pas régulièrement au peuple de qui elle son pouvoir par délégation, le peuple demeurant le vrai et seul maître en permanence.

Aussi doit-elle constamment lui rendre des comptes et requérir son assentiment. Et cela ne doit cependant pas être limité aux échéances électorales qui restent le moment privilégié pour ce faire, mais elles ne doivent pas être les seules dans une démocratie directe comme celle que nous souhaitons pour la Tunisie.

En effet, dans une démocratie véritable, le député doit être conscient qu’il est d’abord et avant tout le serviteur du peuple, étant à son service à tout instant et surtout ne devant pas chercher nullement à profiter de son mandat pour se servir.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui, en Tunisie. Passe encore que l’on se serve des traitements et des indemnités que l’état de pauvreté de l’écrasante majorité du peuple ne doit pas permettre! Mais sans compensation, on ajoute à l’indélicatesse du mépris. Il faut donc absolument une contrepartie à pareils privilèges et elle doit prendre la forme d’un contrôle régulier sur l’activité de l’élu du peuple, son rendement, et l’accomplissement au jour le jour de sa mission selon ses engagements.

Cette évidence ne semble toutefois pas convenir à nos élus qui rechignent à se plier aux exigences de l’OpenGov ou de la démocratie directe. On l’a vu avec les caprices de la vice-présidente de l’ANC limitant la liberté des journalistes et on le vérifie avec les difficultés rencontrées par l’association La Boussole pour rendre compte du travail à l’Assemblée.

Aussi est-il désormais urgent que nos élus, s’ils sont vraiment épris de l’esprit de la Révolution, comme ils l’assurent unanimement haut et fort, mettent à l’avant de leurs priorités un texte à voter toutes affaires cessantes soumettant l’élu du peuple au contrôle continu et de tout instant d’instances représentatives de la société civile comme l’association précitée Al Bawsala dont l’action doit être déclarée d’intérêt public.

L’histoire politique a déjà eu l’occasion de mettre les Arabes en tête d’un chapitre essentiel de la pensée et de l’aventure humaine; il est temps qu’avec le Coup du peuple tunisien s’écrive un nouveau chapitre de cette histoire et cette pensée. Cela passe par la prise en compte des progrès humains et non leur rejet. Or l’OpenGov, la démocratie directe est aujourd’hui un aspect essentiel du progrès de la pensée politique dans les démocraties du monde. Soyons parmi elles, adoptons au plus vite le texte ci-après ou un texte allant dans le même sens, faisant de notre pays une véritable démocratie directe.

Voici donc un texte que je propose à la perspicacité de nos élus et à leur sens de l’intérêt public à adopter en extrême urgence et qui s’ajoute aux dispositions de démocratie directe que j’ai déjà proposé de rajouter aux articles du projet de la Constitution dans le cadre des amendements nécessaires à apporter. (cf. mon article en arabe ici ). Et qu’ils décident de reprendre au plus l’activité pour laquelle ils ont été élus, chaque jour qui passe ajoutant à la confusion, aggravant la preuve de l’irresponsabilité désormais avérée de la plupart parmi eux !

Ces textes dans la formulation proposée, ou toute autre formulation de même inspiration quelle que soit la forme finale à lui donner, doivent faire l’objet d’insertion dans la Constitution. Il reste que le sens révolutionnaire commande d’adopter le texte relatif au député au plus vite, eu égard aux dérives actuelles :

Projet d’article sur le contrôle de l’activité de l’élu/député :

L’élu est le représentant de tout le peuple tunisien et a pour mission de le servir exclusivement.

Il lui rend compte régulièrement de la mission a lui confiée au vu de ses engagements électoraux.

Ce contrôle est exercé par des institutions indépendantes représentatives du peuple et de la société civile selon les modalités déterminées selon les conventions d’une démocratie directe.

Aucune restriction ne doit être apportée à l’activité de ces institutions dans l’exercice de leur activité d’intérêt général dans lequel elles doivent prévoir, au moins, un compte rendu mensuel public de l’activité factuelle de tout élu du peuple, notamment quant à son assiduité et à son rendement effectif à l’Assemblée eu égard à ses engagements devant le peuple.

La liste de ces institutions est dressée au débit de chaque année de la législature.

Les journalistes participent aussi à ce contrôle exercé sur la mission des élus du peuple dans l’intérêt général à la seule condition d’une information objective, basée sur les faits avérés.

Projet d’articles modifiés du Projet de la Constitution sur la démocratie directe en Tunisie :

Article 44 :

… référendum ou son droit, dans le cadre de la démocratie directe, de présenter des projets de lois et ce selon la procédure fixée par la loi selon les principes de cette constitution.

Article 49 :

… et sa banlieue et chaque centre de collectivité locale des gouvernorats du territoire de la République… et au Conseil de tenir nécessairement une réunion chaque année au siège de chacune de ces collectivités locales des gouvernorats de la République déterminée à tour de rôle dans le cadre de la répartition géographique des gouvernorats et selon les dispositions de la Constitution.

Article 55 (deuxième version) :

… au Président de la République… au Conseil et, dans le cadre du droit des citoyens à la démocratie directe, à un groupe de citoyens dont le nombre ne doit pas être en dessous d’un pourcentage de signatures déterminé par la loi, présentée sur une requête présentée à l’Assemblée du peuple proposant des projets de lois et des amendements de lois. Cette requête est présentée durant la réunion annuelle de l’assemblée du peuple au siège de l’une des collectivités locales des gouvernorats de la République. Toutefois, les requêtes présentées ne doivent pas se limiter aux citoyens dudit gouvernorat et sont ouvertes à tout le peuple.

Article 59 (version amendée) :

… tient… et dans le cas… et se réunit… un ordre du jour précis. Et l’Assemblée tient une fois par an au siège de l’une des collectivités locales une réunion durant laquelle sont exclusivement examinées les requêtes présentées par les citoyens. Et dans le cas d’absences de requêtes, les réunions sont consacrées au contact avec les citoyens de la région et au suivi de l’application des lois dans la région.

Farhat OTHMAN