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Le système d’assurance maladie un acquis social à préserver

La mise en place en 2007 du régime d’assurance maladie concrétisé par la création de la CNAM, avec ses 03 filières : publique (carnet bleu), de remboursement (carnet vert) et privée (carnet jaune), constitue l’un des plus important acquis social de la Tunisie indépendante.

Ceci est attesté par le grand nombre de bénéficiaires et l’importance des services rendus; Qu’on en juge : 3,3 millions de cartes de soins pour prés de 6,5 millions de bénéficiaires, plus de 600000 malades chroniques pris en charge, plus de 11000 prestataires de service conventionnés, dont 6000 médecins et presque toutes les pharmacies, et un budget qui dépasse les 1500 millions de dinars.

Ce système a permis de réaliser 02 objectifs importants :

  • Unifier les différents organismes publics intervenants dans la gestion et le financement de la santé en une structure unique complètement dédiée à cette mission,
  • Améliorer l’accessibilité des citoyens à la médecine libérale et sa meilleure qualité de services comparativement aux structures de soins publiques, engorgées, et à la productivité d’un autre âge (absence de norme de qualité, opacité de la gestion, matériel mal entretenu et souvent en panne, manque de motivation du personnel, conflits sociaux…).
  • Désormais, la CNAM fait partie du quotidien des citoyens, surtout ceux des classes moyenne et défavorisée, qui en sont devenus dépendants pour la prises en charge de leur santé, elle constitue indéniablement un important acquis social à préserver.

    Des défaillances à combler

    Mais ce succès relatif cache mal les nombreuses défaillances souvent originelles du système, dont les plus flagrantes sont :

    1. le déficit chronique de la CNAM dans sa branche assurance maladie, heureusement comblé par les autres rubriques, et qui est dû essentiellement au taux de cotisation faible limité à 6.75%, alors que la plupart des experts avaient dés le départ préconisé un minimum de 8,5 à 9% pour équilibrer le régime et l’améliorer. La révision à la hausse de ce taux est une décision que doit prendre impérativement le conseil national de l’assurance maladie où sont représentés tous les partenaires sociaux, et qui, comble de désintéressement n’ a siégé depuis la création de la CNAM qu’à 02 reprises (en 06 ans !).
    2. La complexité de la procédure d’accès aux soins selon ses 03 modalités de prise en charge (publique, privée et système de remboursement) dont les frontières sont souvent mal délimitées même pour les plus initiés.
    3. La couverture inégale des prestations d’une filière à l’autre au détriment du secteur privée, ainsi :
      • seuls 19 actes de chirurgie sont pris en charge dans le privé alors qu’ils le sont tous dans le public ;
      • le plafonnement des soins ambulatoire uniquement dans le privé (plafond non révisé depuis 6 ans)
      • l’absence de prise en charge des soins aux urgences publiques au ticket modérateur pour les affiliés de la filière privé, en dehors des horaires de travail des cabinets libéraux.

    
    CNAM et médecine privée, je t’aime moi non plus !

    La relation entre la CNAM et les médecins conventionnés n’a cessé de se dégrader surtout ces 02 dernières années, en témoigne les derniers développements en date, à savoir le gel unilatéral de l’application des tarifs conventionnel et le retour aux tarifs ordinaux appliqué par les médecins libéraux sur appel de leur syndicat le STML. Ce gel se répercutera négativement sur le cout de la consultation en cette période particulièrement délicate sur le plan social.

    Le nœud de discorde concerne 04 revendications principales du STML (syndicat tunisien des médecins libéraux) :

    • la révision des honoraires
    • l’extension de la liste des actes pris en charge et des APCI
    • l’accès aux urgences publiques des affiliés de la filière privée
    • et dernièrement l’applicabilité de l’avenant-7

    Pourquoi en est-on arrivé là ?

    Pourtant, la relation entre la CNAM et le STML, était au démarrage de la réforme de l’assurance maladie, qualifiée d’exemplaire, chacun des 02 partenaires y trouvant son compte, la CNAM en s’appuyant sur une structure syndicale jugée responsable et représentative pour encadrer et représenter les médecins conventionnés et dont l’apport est nécessaire pour mettre sur pied les différentes structures paritaires indispensables à la bonne marche du nouveau système, et le STML en espérant améliorer l’accessibilité au secteur libéral par la création des filières privée et de remboursement.

    Mais, au fil du temps et de la mise en place de la procédure, la CNAM, administration et infrastructure, montra ses limites :

    1/ Au niveau administratif :

    • Encombrement chronique des centres d’accueil, insuffisants en nombre et incapables de répondre convenablement à l’afflux pourtant prévisible des millions d’affiliés, d’autant plus que cet encombrement est accentué par la bureaucratie tatillonne et la multitude de formulaires cause de va et vient incessants des assurés sociaux, de frictions avec le personnel souvent dépassé, et de l’épuisement des médecins conventionnés qui consacrent plusieurs heures par semaines à remplir les différentes demandes souvent répétitives et à la limite inutiles (demande de renouvellement tous les 03 mois d’un traitement pourtant prescrit à vie (!), justificatifs aussi divers qu’ aberrants …)
    • Décisions fantaisistes comme celle de limiter les changements de filières ou de médecins de familles respectivement aux seuls mois de septembre et novembre,

    2/ Au niveau du système d’information :

    Les ratés du système informatique débutèrent dés le début comme le prouve l’incapacité devenue depuis persistante des services de la CNAM à payer les honoraires des prestataires de services dans les délais pourtant bien délimités dans les différentes conventions sectorielles.

    Il est navrant de constater qu’après plus de 05 années de la mise en place de la CNAM, il n’y a aucune structure de liaison et de coordination de l’information entre ses différents services et les prestataires conventionnés, surtout les médecins.

    
    Pourtant la mise en place d’un « intranet » spécifique pour relier les différents intervenants est peu couteuse et permettrait d’aplanir une grande partie des nombreux problèmes souvent dus à l’absence de communication.

    Rappelons que la CNAM s’est engagée conventionnellement depuis 2006, à mettre en place un système d’information et d’échange des données à l’instar de la carte à puce qui aurait permis une matérialisation effective des actes médicaux, et une meilleure gestion des filières avec suivi en temps réel du plafond.

    3/ Sur le plan médical :

    • Pour le contrôle médical c’est carrément, l’arbitraire, les médecins contrôleurs désignés de « médecins conseils » par la CNAM sont en nombre insuffisant (un peu plus d’une centaine pour plus de 6,5 millions de bénéficiaires) et malgré qu’ils n’ont pas de statut clair, sont dotés de tous les pouvoirs, avec absence de tout recours neutre en cas de litige pour les médecins conventionnés, le plus grave c’est qu’actuellement les contrôles médicaux se font «industriellement» par une application informatique mal paramétrée et sous aucun contrôle médicalisé comme le prouve les courriers de rejet sans justifications médicales claire et non signés par aucun médecin contrôleur, remis aux médecins conventionnés.
    • De même pour l’aspect préventif et médico-social, alors que le pays risque une hécatombe prochaine due aux complications des maladies cardio-vasculaires, les services de la CNAM n’ont pas trouvé mieux que de limiter l’accès aux soins à cette catégories particulièrement nombreuse et fragile de la population (85% des bénéficiaires d’APCI) en leur limitant les consultations de contrôle à…04 consultations par an (!), suivant une lecture répressive et à la limite criminelle, des dispositions de l’avenant-7.

    4/ Sur le plan conventionnel :

    Les négociations concernant les différentes revendications du STML (voir plus haut), ont débuté pratiquement depuis plus de 02 ans, et ont connu moult péripéties. Elles avaient été gelé unilatéralement dans un élan citoyen par le STML en 2011, vu la situation précaire du pays. En 2012, l’ancienne direction de la CNAM avait même présenté une contre proposition écrite pour les honoraires et leur révision allait être concrétisée dans le cadre d’un accord bilatéral engageant le STML par l’avenant-7 à rationaliser les dépenses de santé et à limiter quantitativement les consultations, et la CNAM à revaloriser les honoraires sur 03 ans. Malheureusement après que le STML ait honoré son engagement par la signature et l’adoption de cet avenant, on constata le revirement de la nouvelle direction de la CNAM, et son refus de tenir la promesse de ses prédécesseurs, en totale rupture avec les traditions de partenariat et de confiance bâtis au fil des ans entre les 02 structures. Et malgré les différentes tentatives du syndicat pour éviter la « confrontation » comme le montre les nombreux courriers envoyés aux différents intervenants: Mr le ministre des affaires sociales (courriers du 31/01 et du 21/02/2013), Mr le ministre de la santé (courrier du 21/02/2013), Mme la PDG de la CNAM (courriers du 31/01 et du 21/02/2013), la rupture fut consommée lors d’une ultime réunion en présence de Mr. le ministre des affaires sociales, où les représentants de l’administration envoyèrent cette révision pourtant prévue conventionnellement pour 2010 aux calendes grecques.
    
    Pourtant l’impact de cette augmentation, si elle était accordée, représenterait moins de 1% des dépenses totales de la CNAM, et serait totalement amortie par la baisse d’activité concédée par les praticiens du fait de l’avenant-7 (les médecins s’y engagent sous conditions à ne pas facturer de consultations espacées de moins de 03 mois dans les maladies chroniques et moins de 15 jours pour les maladies ordinaires).

    Bref, c’est l’impasse, osons espérer pour le bien de tous et en premier lieu des patients, que cette décision de gel ne soit que temporaire, et qu’elle sera annulée rapidement par une reprise des négociations et leur évolution favorable, car si le blocage persiste, ce pourrait alors être le prélude à la dénonciation pure et simple de la convention sectorielle par le STML et la fin de la filière privé de l’assurance maladie, par manque de confiance et rupture du partenariat, car au STML on a le sentiment d’avoir été trahis par la CNAM.