Le Campus du Manar est pris d’assaut depuis mercredi. Des miliers d’associations venues du monde entier se retrouvent jusqu’à ce soir pour échanger et débattre. Si des critiques ont pû être émises quant à l’organisation du forum il aura tout de même eu un effet inattendu : remonter le moral des Tunisiens.
Il suffit de passer le portail du campus du Manar pour constater que l’ambiance conviviale. Les participants comme les visiteurs se mélangent, qu’importe l’âge, qu’importe le pays. On trouve ainsi pêle-mêle des jeunes et d’adultes, des gens des quatre coins du monde, vêtus, pour certains, de tenues traditionnelles, un mélange comme on en a rarement vu en Tunisie. Ces visiteurs sont venus pour échanger, pour apprendre, il ne s’agit pas là de touristes venus bronzer à la plage. Le FSM est organisé pour la première fois dans un pays du monde arabe. Une première. Les organisateurs et les volontaires sont fiers. Et il n’y a pas qu’eux.
De nombreuses thématiques sont proposées : femmes, migration, écologie, économie, média… Dans la première zone du campus sur le premier amphi est accroché un immense drapeau de la Palestine, qui est une des principes cause défendue par ce FSM. L’ambiance est bonne donc, le temps est agréable, les gens discutent entre eux, se tendent des tracts, passent de stand en stand, un peu partout des tentes abritent des activités.
Mais à y regarder de plus prés si bon nombre des participants flânent et déambulent d’autres pressent le pas, regardent dans tous les sens dans l’espoir de trouver une indication et cherchent désespérément, programme à la main, une des salles où est sensée se tenir l’activité à laquelle ils souhaitent participer. Les soixante-deux pages d’activités du programme donnent l’impression de ne pas pouvoir se ménager un créneau de liberté, sauf que finalement un certain nombre du millier d’activités prévues est annulé ou déplacé, ne faisant qu’engendrer l’exaspération des visiteurs comme des personnes en charge d’atelier.
C’est ce dont témoigne Sihem Bouazza, de l’Association Tunisienne de Droit du Développement. Elle est installée à une table et sirote un thé en regardant passer la foule : « Le FSM est mal organisé. Nous devions donner une conférence. Jusqu’au jour où elle devait se tenir nous n’avions connaissance ni de la salle, ni de l’heure. Il n’y a pas de responsable qui puisse aider et on ne trouve aucune indication nulle part. »
Mais cela ne l’empêche pas de reconnaître l’effet positif du FSM : « Je pense que ce FSM draine du monde que c’est positif. Il y a un grand mélange de personnes, d’associations. C’est la première fois en Tunisie, depuis longtemps, qu’il y a une belle action mise en place avec des gens qui se rencontrent, dans une bonne ambiance, conviviale. C’est bien pour se remonter le moral, même si d’un point de vue consistance c’est pauvre. »
A l’intérieur de la faculté de Droit et Gestion, sur le parvis devant l’immense amphi Yossra Mellitti et une amie déambulent. Elle est étudiante en ingénierie du génie civile et n’a jamais vu autant d’effervescence sur le Campus :« C’est une belle occasion pour la Tunisie, c’est idéal ! J’aimerais qu’à l’avenir nous ayons plus d’événements comme celui-là. Cela permet de communiquer et d’échanger avec des étrangers. » Mais elle explique tout de même que l’activité de certains associations tunisiennes la dérange : « Il y a trop de politique. Les partis tunisiens exploitent l’occasion pour faire passer leur message politique et je n’apprécie pas. »
Et si elle ne veut plus entendre parler de politique c’est du fait de l’actualité récente en Tunisie : « Le FSM a cet effet positif : nous étions soumis à un stress énorme, avec un combat qui est entré au sein des familles. Les médias ne parlaient que de politique 24h/24 alors on peut vraiment dire que ce forum permet de changer d’humeur et d’atmosphère en Tunisie. »
Amine Letaïef, lui, ne flâne pas. Cet étudiant en droit se dirige d’un pas pressé vers une salle de conférence il réalise des sondages sur la participation des femmes et leur prise de parole lors des ateliers pour l’association des Femmes Tunisiens Universitaires pour la Recherche et le Développement. Il constate que les femmes sont massivement présentes dans le forum et trouve cela positif. Par ailleurs il tient à souligner les bienfaits pour les associations tunisiennes des échanges avec les associations étrangères plus expérimentées : « C’est un enrichissement pour les associations tunisiennes. »
Comme Yossra il témoigne de l’effet positif sur l’ambiance générale à Tunis de cet événement : « Avant-hier j’étais sur l’avenue Bourguiba et je regardais les festivités, hier sur le campus on voyait également des gens échanger dans une atmosphère festive. On peut dire que depuis le 6 février et l’assassinat de Chokri Belaid nous étions en deuil et aujourd’hui ce deuil est fini. Nous n’oublions pas et nous ne pardonnons pas à ses assassins mais nous renaissons de nos cendres. »
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