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Deux Tunisiennes devaient être à l’honneur lors d’un débat sur les droits de la femme et la fille, à Nantes, lors du Forum mondial des droits de l’Homme 2013. Si Zakia Dhifaoui n’a pas pu être présente, Amina Soussi elle a fait entendre sa voix.

Zakia Dhifaoui est une figure du militantisme pour les droits de l’Homme en Tunisie. En 2008, alors qu’elle se rend à Gafsa pour couvrir les événements du bassin minier, elle est arrêtée. En 2010, après avoir témoigné de la situation des droits de l’Homme en Tunisie, lors d’une édition du Forum mondial des Droits de l’homme à Nantes, elle est agressé. Son invitation, cette année, était donc un moment attendu. Zakia Dhifaoui devait témoigner de la situation post-révolutionnaire dans le pays. Le ministère de l’Education lui a refusé sa demande d’absence, au motif que les examens ont lieu en Tunisie. Un refus qui laisse amer les personnes présentes sur place et qui laisse renaître la question de la censure.

C’est que la question des droits de la femme en Tunisie est sensible. Amina Soussi, présidente de l’association La voix de la femme à Mahdia en a témoigné :

« La femme tunisienne est forte et elle est très présente dans la société civile. Heureusement car cette implication lui permet de défendre ses droits et acquis. Elle est attentive face à l’obscurantisme. »

Amina Soussi a d’abord dressé un tableau positif de la situation, rappelant que la femme tunisienne bénéficie d’une situation avancée par rapport à ses voisines du Maghreb : « En Tunisie Bourguiba a décidé que la femme devait être un membre actif dans la société. Son absence aurait bloqué l’avancé du pays. Avec le CSP Bourguiba a libéré la femme, lui a donné le droit de voter, l’accès à l’éducation pour les filles, pour que la Tunisienne ai accès au monde du travail. »

Elle a également rappelé le fait que la femme est présente dans tous les domaines d’activité, qu’elle travaille énormément dans l’éducation et forme les jeunes, que la femme rurale contribue au développement des familles et à l’enrichissement, elle qui est souvent le premier responsable de la famille.

L’accès au monde du travail est point important pour Amina Soussi qui a expliqué qu’il y a des lacunes à combler à ce niveau : « Dans le monde du travail elles sont plus touchées par le chômage. Dans les régions rurales la discrimination est forte. La femme travaille autant, voire plus, que l’homme, mais elle est moins payée qu’eux. Les filles doivent parfois quitter l’école plus tôt. Souvent elles sont placées dans des maisons en ville contre une rémunération minime… ce sont des injustices contre lequelles il faut lutter. »

Elle a expliqué que l’accès à des postes de décision dans les entreprises peut permettre d’améliorer la situation des femmes dans le travail, car, selon elle, la femme chef d’entreprise embauchera plus facilement une autre femme. L’accés des femmes à des postes politiques permet également de proposer des lois qui vont dans le bon sens.

Mais surtout, Amina Soussi dont l’association a vu le jour quelques mois après la révolution, a interpellé les hommes et leur nécessaire implication dans la lutte pour l’égalité :

« Quand l’homme ne verra plus le corps de la femme mais son esprit, là nous serons dans l’égalité. »

Un souhait qui ne semble pas facilement réalisable en ce moment en Tunisie comme en témoigne Md Soussi : entre mariage coutumier, proposition de congé maternité de 5 ans et article sur la complementarité, les acquis de la femme semblent remis en question depuis la révolution. Une situation étonnante pour elle  : « La femme était présente dans la révolution. Elle n’a pas pensé que ces acquis allaient être mis en cause, elle voulait simplement lutter pour la démocratie. »

C’est grâce à la mobilisation des femmes dans la rue que l’article de la Constitution, jugé discriminant, a été retiré. C’est grâce à l’engagement des femmes, explique Amina Soussi, qui prévient :

« La femme tunisienne ne se laissera pas faire. Nous sommes aux aguets ! »