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Pas de démocratie sans liberté d’information pour le Président de la République, Moncef Marzouki, venu hier matin ouvrir le séminaire Les défis du paysage médiatique en Tunisie, en période de transition. Un séminaire organisé par la Présidence de la République avec Konrad Adenauer Stifung mais qui a été boycotté par le SNJT et qui se tenait en comité restreint.

Lors de la première session de discussion du séminaire, qui s’est tenu hier à la Présidence, il a été question de la place faite à la liberté de la presse dans la Constitution, de la mise en place d’un nouveau système d’information et du principe d’autorégulation pour la presse écrite. Trois intervenants se sont succédé au pupitre.

Pour le Président de la République, qui a ouvert la discussion, la liberté de la presse et démocratie sont liées. Une liberté qui, pourtant, n’est pas complètement protégée dans la Constitution d’après lui. Les tournures de phrases laissent trop de place à l’interprétation et semblent « donner d’une main ce qu’elles reprennent de l’autre. »

Selon l’article 30 de la Constitution « Les libertés d’expression, d’information et de publication ne peuvent être limitées que par une loi qui protège les droits des tiers, leur réputation, leur sécurité et leur santé » rapporte Mustapha Beltaïef, professeur de Droit.

« `Le législateur établit des limites : la sécurité, la vie privée, les droits d’autrui… or ces notions sont imprécises et peuvent être élargies. Elles offrent de larges possibilités d’interprétation de la part des magistrats selon leur tendance. »

Une interprétation qui peut nuire à la liberté de la presse et à ses outils.

Pour le Président de la République la seule limite possible à cette liberté est la liberté des autres. Mais cette notion est toute aussi interprétable que celles que l’on trouve énumérées dans le projet de Constitution.

Mustapha Beltaïef a rappelé lors de son intervention que l’information a été un pilier du système dictatorial avant la révolution, et qu’il faut donc s’assurer que la liberté d’expression et de la presse sont garanties car ce sont des principes fondamentaux de la démocratie.

Pour que l’information et la presse soient des outils de développement démocratique il faut modifier le système d’information a expliqué Rachida Ennaifer, membre de la HAICA et professeur de droit.

« Auparavant le système disposait d’une force qui lui a permis d’avoir le contrôle sur l’information. Il y avait des femmes et hommes d’information mais le système été fait pour apprivoiser l’information, pour avoir une main mise sur elle. Cette question est éternelle car ceux qui ont le pouvoir ont toujours tendance à en abuser. »

Une affirmation qui se vérifie dans le fait que les constituants proposent, par le biais de l’article 122, de mettre en place une instance de contrôle de tout le domaine médiatique. Hichem Snoussi, lui aussi membre de la HAICA, l’explique bien quand il parle de cet article qui modifie les prérogatives de la HAICA, instance qui n’est censée s’occuper que de la communication audiovisuelle. « Nous avons pu observer des expériences d’auto-régulation pour la presse écrite et c’est ce qui prévaut dans les pays démocratiques. » Il a expliqué le rôle joué par des conseils de la presse ou des systèmes de médiation qui permettent de donner plus de crédibilité aux médias et de renforcer la confiance entre médias et citoyens.

Rachida Ennaifer a souligné la gravité de la possibilité de mettre en place une instance qui serait maîtresse dans tous les domaines des médias. Surtout que l’article 122 de la Constitution prévoit que les membres de cette instance soient élus par le Parlement et donc lui soient redevables :

« C’est sortir le ministère de l’Information par la porte pour faire rentrer le pouvoir législatif par la fenêtre »

a-t-elle déclaré.

Pour elle il est important d’éviter de reproduire le système passé, si bien qu’elle a demandé à ce qu’un travail d’ouverture des dossiers de l’ancien ministère de l’Information soit fait et qu’un comité travaille à étudier les méthodes utilisées « pour s’assurer qu’elles ne sont pas reproduites. »

Il est a noté que le SNJT a boycotté ce séminaire pour protester contre « la régression des libertés individuelle et publiques, notamment la liberté d’opinion et d’expression, la créativité soit à travers le projet de Constitution ou les procès à répétition inéquitables et les attaques contre les journalistes et les militants de la société civile ».

Le séminaire, organisé par la Présidence, a réuni un cercle fermé de participants. Alors que la Rachida Ennaifer appelait les dirigeants de médias à s’assurer de l’indépendance de leurs journalistes et des rédactions aucun de ceux présents dans la salle n’ont réagit, ni même amorcé un débat pour réfléchir à la mise en place de cette indépendance.

Par ailleurs le Président de la République a appelé les hommes politiques et les professionnels des médias à mutuellement changer de regard. Mais comment un tel changement peut-il avoir lieu si les principaux concernés ne sont pas réunis pour en discuter ?