Palais de Justice, Tribunal de première instance de Tunis. Crédit image : Malek Khadhraoui | nawaat.org

Mise à jour :31 juillet 2013
Mounir Baatour a été libéré ce mardi 30 juillet 2013 après avoir purgé sa peine de trois mois de prison et après que le jugement en appel a confirmé le jugement en première instance. Bien qu’il ait été avec un mineur dans un hôtel, la justice tunisienne n’a pas considéré cela comme un « attentat à la pudeur sur mineur ».
Le ministère des Affaires de la femme et de la famille, qui a promis de suivre de près cette affaire puisqu’elle concerne un mineur, n’a émis aucune déclaration à ce sujet.

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Le 30 mars 2013, Mounir Baatour, avocat à la Cour de cassation et président d’un parti politique, a été arrêté à l’hôtel Sheraton à Tunis pour « crime de sodomie ». Le 19 juin, il a été condamné à trois mois de prison. D’après Koutheir Boualeg, avocat de M. Baatour, le ministère public a fait appel à la dernière minute. Me Baatour, qui devait être libéré le 30 juin, reste donc en prison ; quant au jeune homme, il a été renvoyé devant le juge pour mineurs.

Incarcéré depuis le 30 mars 2013, Mounir Baatour a été condamné à 3 mois de prison le 19 juin pour « crime de sodomie », une condamnation qui donne l’impression d’être un écran de fumée étant donné que ce n’est pas une affaire de relations sexuelles entre adultes consentants mais entre un adulte et un mineur. En effet, le jeune homme en question, encore lycéen, n’avait que 17 ans et trois mois le jour de l’arrestation ; un mineur donc selon la loi tunisienne et la convention internationale pour la protection de l’enfant ratifiée par l’Etat tunisien.

Les médias qui ont traité cette affaire ont parlé d’une relation sexuelle avec un jeune de 20 ans, une intox relayée paraît-il par les agents de police qui ont arrêté M. Baatour.

Drôles de lois

Mounir Baatour a subi une loi datant de 1913 qui condamne l’homosexualité. D’après l’article 230 du Code pénal tunisien [1],

La sodomie, si elle ne rentre dans aucun des cas prévus aux articles précédents, est punie de l’emprisonnement pendant trois ans.

M. Baatour, âgé de 42 ans, en aura pour trois mois d’emprisonnement. Cependant, le jeune homme qui accompagnait M. Baatour n’avait que 17 ans et trois mois le jour de l’arrestation, à savoir le 30 mars 2013. Et d’après le Code de protection de l’enfant [2],

Art. 3. – Est enfant, aux effets du présent code, toute personne humaine âgée de moins de dix-huit ans et qui n’a pas encore atteint l’âge de la majorité par dispositions spéciales.

Par conséquent, le jeune homme était mineur ; pourquoi le juge n’a-t-il pas pris alors en considération le Code de protection de l’enfant, d’autant plus que selon l’article 25, il est explicite dans le texte que :

Est une exploitation sexuelle de l’enfant qu’il soit garçon ou fille, sa soumission à des actes de prostitution soit à titre onéreux ou gratuit, directement ou indirectement..

Le cas du jeune qui accompagnait Me Baatour, qui est de surcroît d’une banlieue pauvre de Tunis, ne s’applique-t-il pas à cet article ? Il semblerait aussi que depuis le 30 janvier 1992, la Tunisie ait ratifié la convention relative aux droits de l’Enfant [3], chose qui obligerait normalement les juges tunisiens à prendre en considération les droits des mineurs.

La question qui se pose donc est la suivante : pourquoi parle-t-on dans cette affaire de crime d’homosexualité et non pas d’ « attentat à la pudeur commis sans violence sur un mineur », tel que cela est présenté dans l’article 228 bis du Code pénal ?

L’attentat à la pudeur commis sans violence sur la personne d’un enfant âgé de moins de dix-huit ans accomplis, est puni de cinq ans d’emprisonnement. La tentative est punissable.

Le jeune homme était « actif », donc pas vraiment mineur !

D’après l’avocat Ahmed Mselmi de la LTDH (Ligue tunisienne des droits de l’homme), cette affaire a été considérée comme un crime de « sodomie » et non pas « d’atteinte à la pudeur sur mineur » car le jeune homme en question aurait été « actif ». Toujours émanant de la culture du pays, un mineur homosexuel « actif » serait donc moins innocent qu’un mineur « passif ».

On désigne par le terme « actif » celui qui pénètre, et par le terme « passif » celui qui se fait pénétrer. Ainsi, notre loi prend en considération ce genre de détails, donnant au mineur le statut d’adulte quand il est actif et ne le protégeant pas comme il se doit selon le Code tunisien de la protection de l’enfant. Les poursuites contre le partenaire mineur de Me Baatour ont été abandonnées. Quant à l’avocat incriminé, le juge de première instance l’a condamné à trois mois de prison, ce qui équivaudrait à le voir bientôt libre puisqu’il a déjà consommé sa peine, échappant au risque d’être radié du barreau des avocats.

Le ministère public fait appel

D’après Koutheir Boualeg, avocat de M. Baatour, à la dernière minute, samedi 29 juin 2013, soit dix jours après l’annonce du verdict, le ministère public a fait appel. Me Baatour, qui devait être libéré aujourd’hui, reste donc en prison jusqu’à ce que la Cour d’appel décide de son sort. Quant au jeune homme, il a été renvoyé devant le juge des mineurs. Sami Yahyaoui, sous-directeur à la protection de l’enfance du ministère des Affaires de la femme et de la famille, a promis de suivre de près cette affaire puisqu’elle concerne un mineur.

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[Notes]

[1] Code pénal tunisien, cliquez ici pour le lire.
[2] Code de protection de l’enfant, cliquez ici pour le lire.
[3] Convention relative aux droits de l’enfant, cliquez ici pour la lire.