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C’est bel et bien la fin de l’islam politique. A l’instar des soulèvements de 2011, les dictatures islamistes qui se sont substituées aux dictatures militaires vont tomber comme un jeu de cartes. C’est l’Egypte, « mère du monde », qui a lancé le coup d’envoi. Hier au Caire, une marée humaine, soutenue par l’armée égyptienne, a destitué le représentant des Frères musulmans, dont le « règne » n’aura duré que 12 mois.

Pour l’œil aiguisé qui suit l’évolution de la situation en Egypte, cette fin était inéluctable. Jamais auparavant l’Egypte n’avait enregistré tant de cas de viols en public, jamais les Coptes ne se sont sentis, et n’ont concrètement été, autant menacés que depuis l’accession au pouvoir des Frères musulmans. Le quotidien des Egyptiens a empiré : plus d’accès aux ressources naturelles, la fréquentation touristique du pays a chuté en provoquant une chute libre de l’économie, et une montée du népotisme a été enregistrée. Les Egyptiens, hébétés, ne cessaient de répéter cette phrase :

Moubarak a mis 30 ans pour nous convaincre que les Frères musulmans étaient une menace pour l’Egypte, les Frères musulmans ont eu besoin d’une seule année pour nous convaincre qu’ils sont bel et bien une menace pour l’Egypte.

En France, beaucoup d’orientalistes nous ont martelés avec la thèse du « retour à la source » proférée sur un ton savant, selon laquelle les peuples arabes privés de pratiquer un islam rigoureux et désireux d’instaurer la Charia étaient revenus vers la source dès que les dictatures, qui servaient de façades et qui étaient, selon eux, les marionnettes des Etats-Unis, avaient disparu. La rue égyptienne a pulvérisé cette thèse hier.

En Syrie, la destitution de Morsi démolit la thèse selon laquelle les Printemps arabes se sont transformés en automnes, voire en hivers islamistes, avec l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir. Les partisans du despote Bachar Al-Assad ne cessaient de répéter que malgré « tout » (et on entend par là les exactions, la torture, les bombardements par des missiles Scud de villages syriens et libanais par l’armée syrienne), « ce régime avait su pendant des décennies préserver les droits des minorités, protéger les chrétiens et garantir la diversité et la liberté de culte ». De même que la précédente, cette thèse tombe aujourd’hui à l’eau. Après la chute inexorable du despote de Damas, ce ne sera pas un régime islamiste qui lui succédera, mais la volonté du peuple syrien. En guise de soutien symbolique à la lutte du peuple syrien, le peuple égyptien a renvoyé, jeudi 4 juillet, le correspondant de la télévision du régime syrien de la place Tahrir en scandant les slogans d’Ibrahim Kashoush, ce chanteur dont les cordes vocales ont été arrachées et la gorge tranchée par les sbires de Bachar Al-Assad.

Le peuple arabe n’a pas encore atteint la maturité politique, trop passionnel dans ses choix, analphabète en grande partie ; ce sont ces mêmes raisons qui ont ouvert la porte aux partis islamistes pour accéder au pouvoir. Convaincre les plus simples de voter pour ceux qui vont « protéger les mœurs » et « protéger Dieu ». Mais ces mêmes simplets ne le sont plus, leur instinct de survie a été plus fort. Affamé et malmené par le parti islamiste, le peuple l’a dégagé du pouvoir comme il l’a installé un jour, il y a 12 mois à peine.

La fin de Morsi signe la fin de l’islam politique et la fin de la soumission ad vitam aeternam du peuple arabe à un être unique. Peuple arabe qui n’a pas encore atteint la maturité politique certes, mais qui commence, lentement mais sûrement, à faire des petits pas sur le chemin de la démocratie. Du Yémen jusqu’au Maroc, en passant par la Syrie, que la volonté du peuple arabe soit ! A bon entendeur.