Le ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou.

« Je n’ai que deux gardes du corps qui m’accompagnent, et si [des terroristes] veulent m’assassiner, ils le feront. »

Dans un entretien exclusif avec Mosaique FM, ce lundi 30 juillet, le ministre de l’Intérieur a annoncé vouloir démissionner du gouvernement et a admis par ailleurs ne pas être à même d’assurer la sécurité de toutes les personnalités publiques, à commencer par la sienne propre.

Lotfi Ben Jeddou souhaite démissionner

Bien que tenté de remettre sa démission, Lotfi Ben Jeddou déclare ne pouvoir mettre son souhait à exécution pour le moment, se sentant investi avec les cadres de son ministère — dont plusieurs seraient également tentés de se désister — de la responsabilité de protéger la Tunisie. Selon le ministre, au regard de la gravité de la situation en Tunisie, le sujet serait en discussion au sein du ministère de l’Intérieur.

« Je ne m’accroche pas à mon poste, je crains seulement que le contrat social et sécuritaire en Tunisie ne parte en lambeaux et que les Tunisiens ne s’entretuent. »

Menaces de mort envers plusieurs personnalités tunisiennes

Faisant part des menaces de mort que certaines personnalités publiques tunisiennes ont subies (artistes, journalistes, députés et hommes politiques), le ministre de l’Intérieur a admis :

« Nous ne pouvons pas assurer une protection à tout le monde. »

Des risques d’attentats aux ceintures explosives, menaçant notamment certains membres du gouvernement, ont été mentionnés par le ministre, qui a tenu à assurer qu’une protection avait été fournie à toute personne qui en avait fait la demande.

Certaines de ces personnalités ont bénéficié d’une protection, consistant en une garde rapprochée de 9 à 13 agents autour de leur résidence et de leur entourage. Lotfi Ben Jeddou a par ailleurs déclaré être lui-même sous le coup de menaces, notamment de la part d’Abou lyadh.

« Un gouvernement de salut national ou d’union nationale doit être formé pour sortir la Tunisie de cette impasse. »

Un gouvernement d’union nationale pour sauver la Tunisie

La formation d’un gouvernement d’union nationale ou de salut national, seule alternative capable de sauver la Tunisie d’après lui, serait à même de le pousser à présenter officiellement sa démission et à laisser sa place. Il souligne par ailleurs que le projet pourrait être mis en place d’ici à une ou deux semaines.

Excuses aux députés tabassés lors du sit-in au Bardo

En préambule de son interview, Lotfi Ben Jeddou a également tenu à présenter ses excuses aux députés de l’opposition Noômane Fehri et Mongi Rahoui, ainsi qu’aux personnes agressées lors du sit-in du Bardo. Les deux membres de l’Assemblée ont, par ailleurs, été officiellement convoqués pour déposer leurs témoignages.

Des forces de l’ordre sous pression

Tentant d’apaiser les esprits, le ministre a argué que les forces de l’ordre étaient elles-mêmes sous pression, et précisé que toutes les directives qui leur avaient étaient transmises l’avaient été par écrit, et donc étaient donc vérifiables. Une enquête aurait d’ailleurs été ouverte. Ben Jeddou a souligné que les forces de l’ordre avaient bel et bien reçu comme consignes strictes de protéger tous les manifestants au Bardo, sans discrimination, mais a ajouté que des affrontements entre les deux camps auraient contraint les policiers à user des gaz lacrymogènes. Il a par ailleurs révélé que des menaces d’attentats à la bombe sur le sit-in au Bardo avaient été reçues par ses services.

Insistant sur la difficulté du métier de policier, il ajoute par ailleurs :

« L’institution sécuritaire est prise pour cible. »

Enquêtes sur les assassinats de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi

Plus de temps. Voilà ce dont auraient besoin les forces de l’ordre dans le cadre des affaires sur les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Les unités d’enquête auraient cependant déjà récolté des informations et des preuves solides grâce à un dispositif sans précédent mis en place par le ministère de l’Intérieur.

S’il ne confirme pas une implication étrangère dans les assassinats politiques, le ministre réitère néanmoins son assurance qu’en aucun cas :

« [l’institution sécuritaire] ne protégera pas les assassins. »

L’infiltration de l’appareil sécuritaire par des salafistes confirmée

Aux déclarations faites par le syndicat de la sécurité républicaine, selon lesquelles des dirigeants sécuritaires auraient été liés au mouvement Ennahdha et auraient reçu leurs ordres directement de ses responsables, le ministre répond ne pas être au courant de l’affaire. Il affirme cependant avoir fermement réagi à l’affaire de l’infiltration de la sécurité de l’aéroport, en changeant quatre responsables sans attendre de preuves. La douane tunisienne aurait également subi des changements comparables.

« Il n’y a pas de sécurité parallèle »

déclare, inébranlable, le ministre de l’Intérieur, bien qu’il reconnaisse d’autre part qu’une infiltration de certains agents des forces de l’ordre par différents partis politiques et par des salafistes a bien eu lieu.

Appel à s’unir contre le terrorisme

Le ministre de l’Intérieur lance enfin un appel à tous les partis politiques à revenir au dialogue, en laissant les intérêts individuels de côté, afin de s’unir contre l’ennemi commun à tous les Tunisiens : le terrorisme.