Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.
Image: MoujaHed Modjo
Image : MoujaHed Modjo

Nous y voilà. On rentre dans un nouveau « machin » censé « sauver la Tunisie » (et ils sont nombreux les « docteur Folamour » qui se penchent sur le cadavre qui bouge encore), et on commence par dissoudre le Front populaire en réclamant de ses militants de « ne brandir  que l’unique étendard », celui qui clamera notre « patriotisme » indéfectible. A cette occasion, il nous faut, et c’est une injonction montrée clairement, « l’image d’un peuple soudé et uni »…

Toujours dans les symboles, unis comme un « seul homme ou femme », nous devons « envoyer un message fort de rassemblement autour d’un même objectif » : dissolution de l’ANC, formation « d’un gouvernement de salut », et rédaction de manière consensuelle d’une « constitution ». Cela en préalable de la préparation et de l’organisation d’élections dans « de bonnes conditions ».

Foin de révolution !

Foin de révolution, foin de réalisation d’objectifs de celle-ci, et en premier lieu l’emploi du million de chômeurs restés sur le carreau ; foin des mobilisations qui se déroulent en ce moment même et qui « dégagent » les préfets, les responsables locaux, qui « dégagent » les ministres de leur ministère, qui « dégagent » les politicards de tout poil.

Foin de nos deux martyrs assassinés par balles et que nos « ennemis » achèvent une deuxième fois en leur accolant un pseudo martyr, ayant trouvé la mort dans une échauffourée quasi tribale, au propre et au figuré : nous avons nommé l’ancien RCDiste Lotfi Nagdh. De même Ennahdha, à l’occasion de sa contre-manifestation, a brandi la photo d’un simple agent de police mort dans l’exercice de sa fonction répressive, et que les militants nahdhaouis voulaient auréoler du titre de « martyr ».

Il y a donc « leurs martyrs » et les « nôtres », et aucune confusion n’est permise.

Foin de la dénonciation de la mort, à Gafsa, suite à un tir tendu des forces de répression, d’un camarade, Mohamed El Mofti, mort pour rien…
Foin des milliers de grèves, sit-in, occupations pour qu’enfin au sein des entreprises, des usines, des administrations les travailleurs, les ouvriers, les employés puissent travailler dignement et avec des garanties constitutionnelles de stabilité de rémunération, de couverture sociale et de retraites. De même pour les chômeurs avec ou sans diplômes, qu’ils puissent disposer de minima sociaux et de couverture médicale universelle.

« Union nationale ? »

Non, la voie est toute tracée pour se congratuler en une « union nationale » indéfectible, se faire photographier en compagnie du nonagénaire Essebsi, tout sourire, avec l’étendard national comme unique symbole, se faisant des bisbilles partout.

Unis dans ce « machin » censé garantir « un peuple uni et soudé », nous nous dirigerons de manière apaisée, dans une seconde étape, vers des élections où les « petits soldats » seront appelés à battre le pavé pour une joute électorale de bon aloi, où s’affronteront des « programmes » rédigés par des « experts maison » ayant, seuls, les clés de compréhension des réformes structurelles  à mettre en œuvre pour relever le pays de la crise dans laquelle l’aurait enfoncé Ennahdha.

Suite à quoi chacun pourra compter calmement les voix obtenues grâce à l’argent « délavé » qui aura coulé à flot, ainsi que les médias privés gendarmés pour délimiter « démocratiquement » le champ de chaque « camp ».

Après quoi tout ce beau monde se retrouvera en une assemblée nettoyée de la « vermine » nahdhaouie (ou reléguée à une petite formation d’opposition), appliquant une loi fondamentale rédigée toujours de manière « démocratique » par des « experts constitutionnalistes » triés sur le volet.

Ultra-libéralisme ou anti-libéralisme ?

Question bête et méchante : comment une alliance faite de bric et de broc pourra-t-elle faire mieux que la Troïka ?

Qu’est-ce qui garantit que des ultra-libéraux bourguibistes et benalistes qui ont échoué après un demi-siècle de gouvernance dictatoriale — en approfondissant les inégalités sociales comme jamais, en creusant la faille entre une région côtière limitée à quelques grandes villes et détenant 90% des richesses et le reste du pays qui se partage les 10% restant, en écrabouillant sous leur domination l’expression des divergences les plus élémentaires et en embastillant des centaines de milliers de personnes, enfin en mettant à l’abri, dans les paradis fiscaux par le vol et la rapine, des sommes colossales (estimées à l’équivalent de la dette de notre pays) et qui manquent cruellement aujourd’hui au budget de celui-ci —, qu’est-ce qui garantit que ces mêmes ectoplasmes changeront subitement de comportement, deviendront « patriotes », ayant enfin un réel désir de participer au grand chantier de rénovation ?

« Tout sauf Ennahdha » ou le remake d’un mauvais polar

« Tout sauf Ennahdha » : tel est le cri du cœur de tous ceux qui ne veulent tirer aucune leçon de notre histoire récente, ni même regarder ce qui se passe chez nos voisins égyptiens. Ils s’aveuglent en rejouant sous la forme d’une farce la question de l’ « unité nationale ».

Et voilà à Paris les mêmes petites « baronnies » associatives et politiques qui, comme à l’accoutumé, se réunissent à quelques-unes pour nous annoncer de manière tonitruante la fondation d’un « Front de salut national » (FSN). Et toujours les mêmes méthodes, et les mêmes « combines » en coulisses entre « barons » et « baronnes ». Sans craindre le ridicule, ils s’affirment à eux seuls (les mêmes à chaque énième « Appel ») les représentants de la diaspora tunisienne. Aujourd’hui, ils s’accoquinent avec quelques formations composant le Front populaire.

Pourtant, au 1er-Mai, les mêmes avaient poussé des cris d’orfraies et s’étaient répandus en jérémiades contre le Front populaire et ses militants, parce ces derniers avaient scandé le mot d’ordre qui a fait la singularité de cette formation au sein du spectre politique : « La Desstera oula Khaounjia Thaouritna Thaoura Chaabia ».

Question bête et méchante à nos partenaires au sein du Front qui ont accepté de signer, en leur nom, l’adhésion au FSN : qu’est-ce qui, fondamentalement, a changé pour faire en sorte que ceux que nous traitions d’v«ennemis » au 1er-Mai soient, comme par enchantement, devenus des « alliés ».

Certains nous rétorquent que la donne a changé et que l’histoire s’accélère. En Mai 68, on disait : « l’histoire nous mord la nuque, camarades ». Mais admettons qu’elle s’accélère. N’y a-t-il que l’alliance avec « nos ennemis » comme possible ?

Et comment se battre demain sur notre plate-forme, qui comporte dans ses grandes lignes une politique de rupture avec le libéralisme, et donc une offensive contre nos « ennemis » devenus « amis » dans la séquence dissolution de l’ANC, renvoie de son gouvernement et son président ?

Si on commence aujourd’hui à « enlever le haut », on finira, avec cette politique de trahison de ce pour quoi nous avons fondé la maison commune : le Front Populaire, par « enlever la bas » pour apparaître dans toute la nudité qui sied aux opportunistes, aux populistes et à tous ceux, « toujours pressés », qui se font toujours balayer pour finir toujours dans les poubelles de l’histoire.