FMI-ANC

Via son site officiel, le ministère des Finances vient d’annoncer qu’Elyes Fakhfakh, ministre des Finances, avait reçu une délégation du Fonds monétaire international (FMI) en mission à Tunis pour examiner la feuille de route de mise en œuvre du programme relatif à l’accord qui a été validé par le conseil d’administration du FMI le 7 juin dernier… et pas encore validé par l’ANC.

Le 24 mai 2013, Elyes Fakhfakh, ministre des Finances, et Chedly Ayari, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, ont envoyé au FMI une lettre préalablement publiée sous forme de document fuité sur Nawaat. Ils y exprimaient leurs intentions de mettre en oeuvre une série de réformes structurelles en contrepartie d’un prêt d’une valeur de 1,7 milliards de dollars américains (plus exactement 400 % de la quote-part de la Tunisie au FMI).

Chedly Ayari et Elyes Fakhfakh avaient au début (avant la publication des documents) nié le fait que le prêt était conditionné par des réformes. Ils ont ensuite fini par publier le calendrier des réformes liées au prêt : un programme publié à deux reprises sur Nawaat (la première version en français, et la deuxième version mise à jour en arabe), également sous forme de documents fuités. Mais ils refusent toujours d’admettre l’existence de commissions additionnelles, qui élèvent le taux d’intérêt global à plus de 3,5 %. Pourtant, dans d’autres documents présentés lors d’une réunion ministérielle et publiés sur Nawaat, on cite bien ces commissions additionnelles. Jusqu’à la fin du mois de mai, le gouvernement et le FMI ne cessaient de répéter que l’accord avec le FMI était à titre de précaution, et que les fonds de ce prêt n’allaient être décaissés qu’en cas de chocs exogènes impactant l’économie tunisienne. Nous verrons que la première tranche a été versée juste après la validation de l’accord par le FMI.

Dans un article précédent
, nous expliquions comment cet accord avait été établi d’une façon qui enfreint la mini-constitution, en rappelant que des députés, de différentes orientations politiques et idéologiques, avaient exigé, via une pétition, que l’accord soit soumis au vote de l’ANC, comme l’avait promis Fakhfakh lors de ses déclarations sur Express FM.

En réaction à la publication de cet article, Karima Souid nous a contacté pour nous accorder un témoignage sur ce qui s’était passé après le dépôt de la pétition au bureau de l’ANC, organe décisionnel dont la députée Karima Souid est membre en tant qu’assesseur du président de l’ANC. Selon la députée, Mustapha Ben Jaafar lui avait déclaré, en réunion du bureau, que “cette pétition n’a[vait] plus lieu d’être car l’accord a[vait] été signé entre le gouvernement et le FMI ”, et qu’il allait “l’envoyer au Chef du gouvernement pour information”. Étant également signataire de la pétition, Karima Souid s’était indignée avec sa collègue Samira Merai. Mais Ben Jaafar n’avait rien voulu faire. Elle nous avait également déclaré que, d’après elle, Mustapha Ben Jaafar n’était pas neutre parce que cette affaire concernait le ministre des Finances Elyes Fakhfakh, qui est aussi membre de son parti politique. Est-ce que Ben Jaafar irait jusqu’à refuser de soumettre aux députés un accord aussi important, uniquement pour des raisons partisanes ?

Aujourd’hui, avec la crise politique actuelle et avec le gel de ses activités par Mustapha Ben Jaafar, l’action du gouvernement est libre et sans aucun contrôle, et ce depuis plus d’un mois. Il n’y a donc pas de moyen de bloquer l’accord avec le FMI, ni de le valider légalement.

Par contre, si le rôle législatif de l’ANC est légué à l’exécutif, comme le proposent certains acteurs de la scène politique, l’accord avec le FMI pourrait être validé. Cela permettra également d’accélérer la mise en place des réformes exigées par le FMI, vu qu’elles ne seront pas discutées ni en commission ni en plénière, mais juste à huis-clos à la Kasba.

Le gouvernement qui sera mis en place pourra également choisir de bloquer le processus. Mais il devra résister à la pression des institutions financières internationales et des pays présents au G8 de Deauville.

Par ailleurs, selon un article publié le 29 août 2013 sous le titre “FMI, BM et UE veulent aussi un remaniement”, le Maghreb Confidentiel, dans le nº 1075 du 29 août 2013 (voir ci-dessous), rapporte les intentions de Ridha Saïdi de faire passer le nouveau cadre juridique des partenariats public-privé (PPP) sous forme de décret, afin d’honorer ses promesses aux bailleurs de fonds, dont l’Union européenne. Le média rapporte également que l’un des principaux points de discorde entre Tunis et les représentants de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) est le projet de refonte du Code de l’investissement. Le projet de loi, pas encore déposé à l’ANC, a déjà été présenté par Ben Jaafar devant l’Assemblée nationale française, et en présence des hauts cadres du gouvernement français et des institutions financières internationales.

Si l’on suit le calendrier des échéances annoncées au mois de juin prochain, la deuxième réunion du conseil d’administration du FMI sur l’accord avec le FMI se tiendra au début du mois de septembre. Qu’en sortira-il ? Entre-temps, les fonctionnaires du FMI occupent toujours les locaux de la Banque centrale de Tunisie.

maghreb-confidentiel-29aout2013