Le 5 septembre 2013, à l’issue de la phase préparatoire du procès de Mourad Meherzi et de Nasreddine Shili, le juge de la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis a accepté la demande de mise en liberté de Mourad Meherzi. Ce dernier, accusé d’avoir filmé et diffusé les images d’un jet d’œuf sur le ministre de la Culture le 16 août dernier, a été remis en liberté dans la soirée après trois semaines de détention. Sa libération reste cependant provisoire. Les charges retenues contre le cameraman d’Astrolabe TV n’ont en effet pas été abandonnées. La prochaine audience a été fixée au 23 septembre prochain. Nasreddine Shili, dont il est accusé d’être le complice, reste quant à lui en détention préventive.
Reporters sans frontières, présente à l’audience du 5 septembre au tribunal de Bab Bnet, est soulagée par cette libération, mais réitère sa demande d’abandon des charges retenues contre Mourad Meherzi. Par ailleurs, tout comme les avocats des prévenus, l’organisation dénonce les nombreux vices de procédure dans cette affaire.
D’après les informations et documents recueillis par Reporters sans frontières, le procureur ne fait aucune distinction entre le dossier du journaliste et celui de Nasreddine Shili. La demande de placement en détention préventive, datée du 23 août 2013, stipule qu’ils sont tous deux poursuivis pour :
– Complot formé pour commettre des violences contre les fonctionnaires (art.120 du code pénal),
– Atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole (art.226 bis du code pénal),
– Diffamation (art 245 et 247 du code pénal),
– Ivresse et infraction relative à la sûreté ou à la tranquillité publique (art 315, 316 et 317 du code pénal),
– Avoir nuit sciemment aux tiers ou perturber leur quiétude à travers les réseaux publics de télécommunication (art 86 du code des télecommunications).
Concernant les vices de forme, les avocats estiment que :
Le recours au code pénal est injustifié. Dans cette affaire, les dispositions du code de la presse, entré en vigueur le 2 novembre 2011, auraient dû être privilégiées par les autorités judiciaires, et ce, d’autant plus que Mourad Meherzi dispose d’un ordre de mission. En outre, le nouveau code de la presse dispose dans son article 79 que sont abolies “tous les textes précédents en contradiction avec le présent code, à compter de la date d’entrée en vigueur du code de la presse”. Reporters sans frontières demande l’application exclusive de ce code dans toutes les affaires relatives à la liberté de la presse et d’expression.
Le placement en détention préventive de Mourad Meherzi sur ordre du procureur est contestable. Une lecture stricte du code de procédure pénale, dans une logique répressive, peut donner raison au procureur. Mais Reporters sans frontières et les avocats de la défense considèrent que la décision est disproportionnée par rapport à la faute présumée et relève d’un abus de prérogatives.
Le délai de maintien en détention préventive et la date de comparution au procès ont été dépassés d’une semaine.
La légalité du procès verbal apparaissant dans le dossier est gravement mise en cause par les avocats de Mourad Meherzi. Le procès verbal a été rédigé par la police sans tenir compte des déclarations de Mourad Meherzi qui a refusé de le signer.
Aucune confrontation opposant les accusés aux trois témoins (dont deux sont employés par le ministère de la Culture et accusant les prévenus de connivence) n’a encore été organisée.
Au cours de la phase préparatoire du procès, les avocats du ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk ont annoncé leur volonté de ne pas engager leur action civile contre Mourad Meherzi.
Reporters sans frontières
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