A 5 jours de la date initialement prévue par la feuille de route pour la démission du gouvernement Larayedh, c’est l’inextricable blocage qui prévaut sur le dialogue national. Le grand public est toujours tenu à l’écart des nouvelles tractations en vue de trouver cette messianique figure d’un Premier ministre qui fasse l’unanimité. Face à cette mission impossible, aller au clash semble devenir une option.

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Lobbying décomplexé

La semaine politique s’ouvrait le 4 novembre sur la convocation et, fait inédit, l’apparition au grand jour de l’homme d’affaires Kamel Letaïef, figure de l’ombre à l’influence romancée pour les uns, encore largement effective pour les autres, accusé de complot contre la sûreté de l’Etat.

Pour les plaignants, « sortir Letaïef de sa tanière » est en soi une victoire, d’autant qu’il apparait devant les caméras encadré par plusieurs membres du bureau politique Nidaa Tounes, dont l’avocat Ridha Belhaj qui assure sa défense ainsi que Noureddine Ben Ticha.

Pour ce dernier, poser le matin avec le milliardaire et le soir aux côtés de Hamma Hammami, cela tient du grand écart idéologique et dénote un certain pragmatisme électoraliste affiché au sein du Front du salut national.

Quant aux avocats de Letaief, débouter le juge d’instruction au profit du Tribunal de cassation c’est déjà avoir obtenu gain de cause. Silencieux et sous bonne escorte, leur client parait encore intouchable.

Fiasco retentissant des négociations

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C’est tard dans la nuit du 4 au 5 novembre que l’on apprend via une conférence de presse aux allures de règlements de compte que « le dialogue national est suspendu par le quartet ». Faute d’accord sur un Premier ministrable, les deux processus gouvernemental et constitutionnel ne peuvent d’ores et déjà plus être corrélés dans le temps.

Passées les accusations mutuelles entre chefs de partis, les principaux candidats en lice sortent de leur silence en distillant quelques interventions médiatiques. Handicapé par la signature de l’appel de Béji Caïd Essebsi dès 2012, Mohammed Ennaceur refuse pour autant de se contenter d’un hypothétique poste de vice-Premier ministre d’Ahmed Mestiri.

Confiant, ce dernier dit ne pas être concerné par la politisation des candidatures et assure qu’il « n’entend pas se dérober au devoir qui lui incombe ». Rester dans les annales de l’Histoire comme l’homme du parachèvement de la transition démocratique représente sans doute un couronnement attrayant pour cette génération d’hommes politiques, malgré les vives critiques en rapport avec leur âge avancé.

En appuyant ardemment la carte Mestiri, l’argumentation de la troïka a quelque chose d’imparable : cela permet en effet de pointer du doigt les contradictions des détracteurs de l’âge d’un Mestiri souvent indulgents avec l’âge ostensiblement égal de Béji Caïd Essebsi, celui-là même qui avait pu piloter une étape dont les impératifs sont similaires à l’actuelle phase.

Vers un inévitable bras de fer dans la rue ?

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Jeudi 7 novembre, Ettakatol sort tardivement de ses gonds à l’issue de la réunion de son bureau politique : le bloc parlementaire du parti annonce son retrait de l’Assemblée jusqu’à ce que les élus reviennent sur les amendements controversés du règlement intérieur qui retiraient l’essentiel des prérogatives de Mustapha Ben Jaâfar.

Pour Lobna Jribi, il faut

« garantir les droits de l’opposition dans la Constitution ».

Si ce boycott constitue une première pour un membre de la troïka au pouvoir, les représailles d’Ettakatol sont d’une importance toute relative : l’entente cordiale prime dans les rangs de la coalition gouvernementale, et une fois les amendements incriminés révisés, les élus dissidents retourneront sur les bancs de l’ANC avec leurs homologues de l’opposition dont le sit-in paralyse de toute façon l’hémicycle pour les mêmes raisons.

Samedi 9 novembre, les dissidents posent 2 conditions à ce retour qui va de pair avec la reprise du dialogue : se mettre d’accord au préalable sur le futur chef du gouvernement et renoncer aux amendements des articles 36 et 79. Mais le recours à répétition au Tribunal administratif est de plus en plus contesté par les juristes pour ce type de contentieux.

Le retour à la case rue est donc, à en croire l’opposition, incontournable : elle appelle à manifester à partir de la semaine prochaine avec pour point d’orgue le 15 novembre.

Plusieurs éléments ne laissent pas augurer d’une quelconque détente à court terme :

Depuis Paris où il était en visite officielle mardi et où il retourne dans moins d’un mois, le président Marzouki est suspecté de torpiller le dialogue de concert avec un CPR en embuscade.

Pensé comme une entité « anti manœuvres putchistes », le nouveau bloc « la souveraineté au peuple » (CPR + Wafa + divers indépendants), officialisé vendredi, laisse la porte ouverte à de nouveaux ralliements. Avec 36 élus, il est en deçà du nombre escompté, mais suffisamment puissant pour entraver certains votes à venir, alors que pointe la loi des finances 2014 déjà polémique, affublée de son lot de prêts de la Banque Mondiale.

Une grève des diplomates et une sortie de l’IRVA le 7 novembre accablant l’exécutif dans l’assassinat de Chokri Belaïd achèvent d’exacerber les tensions entre ailes dures à droite comme à gauche. Autant dire que le bout du tunnel n’est pas pour demain.