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Au lendemain de l’avènement de la constitution le 26 janvier 2014 doublée de la nomination d’un nouveau chef de gouvernement indépendant le jour même en la personne de Medhi Jomaa, les « youyous » stridents de nos députés ont laissé place à un flux de louanges dans la presse francophone internationale sans commune mesure.

Vu d’Europe

Dans la presse francophone européenne, l’euphorie à été de rigueur.

Tous ont repris le fil de cette journée mémorable aux yeux de nombreux Tunisiens alliant nouvelle constitution et nouveau gouvernement comme un double succès consensuel historique.
Que ce soit pour Le Monde, le Nouvel Observateur, l’Humanité, l’Express, le Point,que Courrier International, les adjectifs fleuris n’ont pas manqués.

Le Figaro quant à lui reprend les félicitations du Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki Moon en qualifiant cette « étape d’historique ».

Le quotidien Suisse La Liberté qui malgré l’ampleur de la tâche accomplie reste réaliste quant à l’avenir du pays.

Les médias Belges et Luxembourgeois tel que La Libre et la RTBF et Le Quotidien Luxembourgeois se bornent eux à reprendre les dépêches AFP.

Par ailleurs, même certains quotidiens régionaux voir locaux tel que Le Parisien qui revient sur le chemin sinueux avant la survenance de cette étape historique, le Progrès et Nice matin mettent en lumière ce moment d’histoire.

Tous tressent unanimement dans un premier temps moult louanges à cette première constitution de la deuxième république tunisienne ainsi qu’à la nomination d’un chef de gouvernement indépendant, saluant au passage une sortie de crise concertée fruit d’un consensus large, dans le sillage duquel se trouve principalement le parti d’Ennahda comme l’explique le Journal Du Dimanche.

Une fois la couronne de laurier posée sur la tête de tout un chacun, une première analyse de ces événements émerge, démontrant d’un coté les avancées posées dans cette constitution, de l’autre les défis attendant le nouveau gouvernement.

L’Humanité y dresse une liste non exhaustive des points sur lesquels le gouvernement Jomaa devra porter attention.

Tel est le cas aussi du Point qui reprend la phrase de la députée Maherzia Laabidi : « C’est maintenant la vraie révolution !! » en y posant une synthèse des concessions effectuées afin d’arriver à cette constitution. Idem pour le journal Libération.

Le journal en ligne lyoncapitale.fr est allé lui à la rencontre du Consul de Tunisie à Lyon, Adel Ben Lagha qui salue cette constitution, « facteur d’unité » pour tout un peuple.

Sur rfi.fr, Ferhat Horchani, le président de l’Association Tunisienne de Droit Constitutionnel (ATDC), loue le travaille consensuel des partis politiques mais surtout de la société civile dans l’élaboration d’une constitution « en rupture par rapport au monde musulman et arabe ».

Cependant rare sont ceux qui jusqu’à aujourd’hui pointent directement du doigt les carences de cette constitution préférant en laisser le soin à des personnalités diverses et variées mettre en avant l’absence de clarté de certaines dispositions voir parfois à se laisser à de simples et légères critiques pas toujours fondées.
Pierre Vermeren, professeur à l’Université Paris 1 et spécialiste du Maghreb met en exergue la nuance entre le texte constitutionnel et son application dans le journal français l’Express.

Le journal Libération a quant lui interviewé une superviseuse privilégiée des nombreux soubresauts rencontrés depuis le début des travaux de l’Assemblée Nationale Constituante et ce jusqu’à son adoption. Amira Yahyaoui dont l’ONG El Bawsala a œuvré pour la transparence et la vulgarisation de ce qui se trame au sein de cette Assemblée, y livre un regard mitigé sur cette constitution.

La Tribune de Genève, journal Suisse, prends quant à lui l’avis de l’ex Femen tunisienne Amina Sboui qui pointe l’hypocrisie de cette nouvelle constitution.

Enfin Christophe Decroix rédacteur en chef du service étranger sur RTL revient sur cette constitution en y posant une critique implicite essentielle à savoir la future conformité des lois à la Constitution.

Vu d’Afrique

La presse africaine francophone a été elle beaucoup plus lisse et avare en mots sur ces événements, la majorité des médias se contentant de reprendre le contenu de la dépêche AFP en y apportant quelques variantes. Certaines dictatures n’y ont sciemment fait aucune référence.

Le site aujourdhuimaroc.ma se contente d’une brève mise en contexte de l’adoption de la constitution.

Le journal en ligne aufaitmaroc.com parle de « l’euphorie » et du « soulagement » à la suite de l’adoption de cette constitution ainsi que de la nomination du nouveau chef du gouvernement Mehdi Jomaa.

Menara.ma, autre site d’information en ligne marocain reprends lui les mots du président de leur chambre des représentants en rappelant que le « Royaume du Maroc partage avec la Tunisie la joie de la victoire ».

La presse algérienne, au vu de l’histoire du pays, de leur proximité géographique et des liens fraternels unissant l’Algérie à la Tunisie, a été beaucoup plus complète et nuancée que la plupart de ses confrères et ce au prix d’une expérience douloureuse. Le journal algérien El Watan est l’un des principaux si ce n’est l’un des seuls journaux accordant une place particulière à l’adoption de la nouvelle constitution mais aussi au nouveau gouvernement, analysant, décortiquant et présentant différents sons de cloches dans une sphère médiatique monophonique sur le sujet . Il met en lumière la députée Karima Souid député d’El Massar qui affirme que la constitution marque : « l’échec de l’Islam politique », même s’il reste « prudent » bien qu’il « partage et savoure la victoire » du peuple tunisien.

Par ailleurs, El Watan revient sur la nomination de Mehdi Jomaa, de ses ambitions, son programme de sortie de crise ainsi que les difficultés qu’il sera amené à rencontrer.
De même les principales dispositions de la constitution y sont décortiquées non sans esprit critique.

Le quotidien d’information Liberté Algérie dresse lui aussi une lecture nuancée de cette nouvelle constitution qui peut « laisser place à diverses interprétations », « l’Islam (politique) y figurant en filigrane dans les principales dispositions ».

Enfin le site lematindz.net reprend la dépêche de l’AFP tout en caricaturant au propre comme au figuré sa portée.

En Mauritanie, peu de choses circulent sur cette nouvelle constitution. Seul le site cridem.org reprend un communiqué de leur parti d’opposition « Hatem » qui place la Tunisie comme « un exemple à suivre ».

Au Bénin, le site actubenin.com reprends l’article de rfi.fr à ce sujet rappelant simplement l’adoption d’une nouvelle constitution et la formation d’un nouveau gouvernement. Idem au Mali où le même article de RFI à été repris par le quotidien d’informations l’Essor.

En République Démocratique du Congo, l’Agence Congolaise de Presse reprend quant à elle l’AFP et parle de « sortie de crise ».

Enfin au Burkina Faso, news.aouaga.com journal burkinabé en ligne reprend Jeune Afrique dans le déroulement de la journée du 26 janvier dernier.

Vu par le reste du monde

L’Orient-Le Jour, quotidien en ligne libanais fait état des différentes étapes d’adoption de la constitution et propose une lecture intéressante de l’article 1 er de celle ci.

Il mentionne par ailleurs la formation du gouvernement de Mehdi Jomaa tout en posant les défis que lui-même souhaite relever.

La presse Canadienne elle reprend à l’unisson les articles de l’AFP. Tel est le cas du site d’information ledevoir.com et du site lapresse.ca relatifs à la l’adoption de la nouvelle constitution mais aussi de la nomination de Mehdi Jomaa en tant que nouveau chef de gouvernement.

Enfin la version française du site chinois xihuanet fait état de l’adoption de la constitution Tunisienne avant de reprendre les félicitations adressées par le Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki Moon.
Enfin une étude de ce processus de transition aboutie y est menée.

Il est indéniable que le laboratoire démocratique qu’a représenté la Tunisie durant sa phase de transition n’a pas laissé insensible l’ensemble de la scène médiatique en générale et francophone en particulier. Cependant à la suite de la sortie de crise se combinant de l’adoption de la constitution et de la constitution d’un gouvernement de “technocrates indépendants”, les réactions ont été sommes toutes surprenantes s’expliquant d’un coté par les liens les unissant à la Tunisie, et de l’autre par leurs liens avec le sujet de réussite de cette transition.

Ainsi, face à l’euphorie de la presse européenne et particulièrement française à peine timorée par des figures médiatiques tunisiennes, et face à la quasi indifférence des organes de presse officiels de bon nombre d’Etats africains, seul notre voisin Algérien pose les vrais jalons à des critiques possibles à ce processus démocratique, principalement concernant les zones d’ombres de notre chère constitution.