Au terme des travaux du 5ème Conseil national de Nidaa Tounes, la montagne accouche d’une souris. Si l’on considère cependant la séquence consistant en la convocation de législatives antérieures aux présidentielles, décidée au dialogue national, conjuguée à la réaffirmation de la candidature de Béji Caïd Essebsi à la fonction suprême, c’est un authentique partage du pouvoir, à peine dissimulé, qui vient d’avoir lieu en amont cette semaine entre Ennahdha et Nidaa.

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Dimanche 15 juin, drapeaux nationaux gigantesques déployés à l’hôtel Carthage Thalasso. Aucune annonce significative ne ressortira néanmoins de la lecture du communiqué du Conseil national par Lazhar Akremi, un conseil dont on nous avait assuré deux semaines auparavant qu’il aurait valeur de congrès constitutif électif… mais le parti n’en est pas à son premier cafouillage.

Hasard ou non de la disposition des sièges, Mohamed Ghariani, l’ex secrétaire général du RCD dissout, assis aux côtés de Hafedh Caïd Essebsi, sait que le camp qu’il représente perd une manche : avec le report du premier congrès du parti à l’après élections nationales, le coup de force en interne des « RCDistes » n’aura pas lieu. Soulagement du camp Ridha Belhaj / Taieb Baccouche qui bénéficie d’un sursis au prix d’une semaine d’intense lobbying pour éviter un désaveu. Des pressions qui sont allées jusqu’à étaler la cuisine interne du parti sur plusieurs plateaux TV.

Deux jours auparavant, les représentants de Nidaa Tounes restent étonnamment sereins face au camouflet que leur parti vient en théorie d’essuyer… A 12 voix contre 6, les protagonistes du dialogue national décident de la postériorité des élections présidentielles. Le recours au vote est en lui-même une déception pour Nidaa Tounes qui ne jure que par « le consensus », sorte de mode décisionnel au fond pas si éloigné du concept patriarcal de la Choura.

Qu’à cela ne tienne, le parti prend acte de cette déconfiture : il compte désormais sur un mandat de type hyperprésidence, sachant qu’il ne pourra pas viser le scénario du doublé (victoire écrasante aux présidentielles entrainant dans son sillage un succès inespéré aux législatives).

Celles-ci étant la chasse gardée d’Ennahdha, du moins si l’on s’en réfère aux élections de 2011 virtuellement très proches d’un scrutin parlementaire, le parti islamiste peut « dérouler » tranquillement en jouant sur sa forte implantation en région. Pas d’explosion de joie pour autant chez Ennahdha qui pour ne pas nuire à ses desseins était allé jusqu’à se contenter de l’option de la simultanéité, après avoir longuement milité pour la séparation des scrutins avec une priorité aux législatives.

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Sans surprise, Nidaa Tounes a donc réitéré dimanche 15 juin ce qu’il sait faire de mieux : plébisciter son propre chef, un culte de la personnalité qui fait du parti une entité focalisée sur l’obsession des présidentielles, alors même que le régime mixte défini par la nouvelle Constitution a conféré au Palais de Carthage des prérogatives relativement limitées.

Sans grande surprise également, le parti renoue avec le thème du sécuritarisme, en requérant avec insistance « la réactivation de la loi antiterroriste de 2003, en attendant un nouveau texte de loi ». Epinglée par la LTDH, la loi dite de 2003 est un texte plutôt vague, ne définissant pas précisément ce qu’est le terrorisme, en plus du statut de loi d’exception largement instrumentalisée à des fins politiques par l’ancien régime.

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Jeudi 12 juin, « pas d’escale à l’hôtel pour Dominique Strauss-Kahn », ironisent les réseaux sociaux. L’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) effectuait une visite éclair remarquée à Tunis, qu’il a entamée par une rencontre aux Berges du Lac avec Béji Caïd Essebsi, et achevée par un déjeuner, toujours avec « BCE », rejoint par quelques invités de marque au restaurant Dar el Jeld.

Etaient en effet conviés à ce véritable défilé de capitaux Salma et Faouzi Elloumi, principaux financiers de Nidaa Tounes, l’homme d’affaires proche de Nidaa Tounes Moncef Sellami, ainsi que Férid Abbès, Fathi Hachicha, et Roger Bismuth.

Peu d’éléments filtreront de ce discret entretien entre réseaux de privilégiés, si ce n’est que la visite de DSK, reconverti en économiste, conférencier et banquier d’affaires très courtisé, coïncide avec l’ouverture du Forum de Tunis pour l’investissement extérieur.

En somme l’homme ne semble pas avoir retenu les leçons de son passé pragmatiste qui dès 2009 l’avait fait miser sur le mauvais cheval en louant en la Tunisie de Ben Ali « un modèle pour les pays émergents ».

Mardi 10 juin, peut-être plus insolite encore, Nidaa Tounes fait savoir son chef présidera une mission d’observation de l’Union Africaine, à l’invitation de cette dernière, chargée de superviser le déroulement des élections présidentielles mauritaniennes prévues pour le 21 juin 2014. La nouvelle est aussitôt au centre d’une polémique pour certains, objet de plaisanteries pour d’autres, l’homme ayant supervisé des scrutins de son propre aveu entachés de fraude du temps où il occupait le poste de ministre de l’Intérieur de Bourguiba.

Avec le désintérêt croissant de la rue, la scène politique tunisienne redevient de plus en plus opaque, terrain de jeu de politiciens de métier. La contestation devrait cependant reprendre dès samedi 21 juin prochain avec une manifestation sous haute tension contre les syndicats des forces de l’ordre et leur politisation.