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Lettre ouverte aux partis politiques et aux membres de l’Assemblée constituante

Depuis près d’un mois une nouvelle série de crimes sionistes sont perpétrés à l’encontre de nos frères en Palestine occupée. Ces crimes prennent aujourd’hui une tournure dramatique avec la mort de dizaines d’innocents dans le quartier d’Al Shajâ‘iyya à Gaza, énième boucherie qui vient s’ajouter au tableau criminel du régime d’apartheid sioniste, dans le silence assourdissant – quand ce n’est pas avec la collaboration – de la « communauté internationale » et des pays arabes en particulier.

On sait que la Tunisie compte parmi les pays arabes qui ont le plus ardemment soutenu la lutte palestinienne, et ce depuis la Nakba de 1948 à l’occasion de laquelle des milliers de Tunisiens se sont joints au combat, en passant par leur implication dans la résistance au Liban et la boucherie de Hammam Chatt, ainsi que dans d’autres lieux de combat commun. Un des slogans phares de la révolution tunisienne déclenchée le 17 décembre 2010 ne fut-il pas « Le peuple veut la libération de la Palestine » ? C’est dire que notre pays, qui a déclenché ce qu’on a appelé le « printemps arabe », se doit de donner à nouveau l’exemple en s’engageant dans la cause centrale que représente la cause palestinienne. Ce soutien trouve un écho d’autant plus fort dans la revendication de « dignité nationale » qui a été levée durant la révolution; il est d’autant plus impérieux dans le contexte actuel d’affaiblissement du processus révolutionnaire. La lutte doit aujourd’hui, plus que jamais, se poursuivre contre le sionisme et ses alliés, ennemis de l’émancipation et de la libération arabes.

Même s’il est clair qu’au vu de sa situation politique locale et régionale, il n’est pas possible d’exiger de la Tunisie un engagement armé auprès des Palestiniens, il nous reste une arme importante pour continuer le combat : la mise en œuvre du boycott décidée par la Ligue arabe depuis l’occupation sioniste, ainsi que la criminalisation réelle de cette entité terroriste illégitime. C’est en refusant de reconnaître cet ennemi, de collaborer et de normaliser nos relations avec lui que nous parviendrons à l’isoler, lui qui depuis des années enferme et affame nos frères en Palestine particulièrement dans la bande de Gaza, avec la complicité honteuse des régimes arabes traîtres.

La nécessité de reprendre le combat est d’autant plus impérieuse que l’échec des partis et des mouvements politiques tunisiens sur cette question est cuisant : la plupart n’ont en effet réussi qu’à instrumentaliser la cause palestinienne à des fins électoralistes. Leurs innombrables communiqués et autres déclarations proclamant leur soutien au peuple palestinien dans sa lutte actuelle ne les empêchent pas, dans le même temps, d’honorer les invitations diplomatiques d’Etats qui soutiennent ouvertement Israël et avec lesquels ils nourrissent une complicité légendaire. On se souvient également de la polémique qui est née l’an dernier à l’ANC autour de la proposition d’un article qui criminalise la normalisation avec l’entité sioniste dans la constitution. Cette polémique s’est tristement achevée au début de cette année avec le refus d’adopter une formule qui impose le devoir de « lutter contre toutes les formes d’occupation et de racisme, et en premier lieu le sionisme » dans le préambule de cette même constitution.

Le débat sur la normalisation a connu un nouveau rebondissement il y a trois mois lorsqu’ont été révélées au grand jour l’autorisation donnée par le gouvernement tunisien à des touristes israéliens d’entrer sur le territoire et les facilités qu’il leur a apportées. Un sommet a été atteint lors de la séance d’audition par l’ANC de la ministre du Tourisme Amel Karboul et le ministre chargé de la Sécurité Ridha Sfar, à la suite d’une motion de censure à leur encontre. Certains députés se sont alors engagés à présenter une proposition de loi criminalisant la normalisation avec l’entité sioniste.

Cependant, en dépit de toute cette polémique et de toutes ces promesses, rien ne s’est effectivement produit : jusqu’ici la criminalisation de la normalisation n’a ni été officialisée ni légalisée, en dépit d’une proposition de loi datant de 2012. Cette inertie ne manque pas d’alimenter les doutes légitimes quant à la sincérité de l’engagement de certains partis et personnalités politiques aux côtés du peuple palestinien.

C’est à la lueur de ce constat que nous soussignés, exigeons dans cette lettre ouverte de l’ensemble des partis politiques – et notamment ceux représentés à l’ANC –, de tous ceux qui sont censés être les représentants d’un peuple qui « veut la libération de la Palestine », ainsi que du Président de l’ANC, de prouver dans les faits et les actes leur engagement et leurs promesses d’engagement aux côtés de la Palestine et de son peuple. Nous exigeons d’eux l’adoption d’une loi criminalisant toutes les formes de normalisation avec l’entité sioniste (tout en excluant les Palestiniens de 1948 et en adoptant une attitude souple quant à la participation des chercheurs tunisiens aux conférences internationales, conformément aux critères adoptés par la campagne palestinienne de boycott académique et culturel d’Israël). Nous demandons l’application totale et ferme des dispositions du boycott, telles qu’elles ont été mises en œuvre sous l’égide de la Ligue arabe jusqu’au début des années 1970, ainsi que la nécessité de fournir toutes les formes de soutien concret et réel à nos frères en Palestine, à commencer par leur exemption du visa d’entrée en Tunisie.

Alors qu’aujourd’hui le peuple palestinien est littéralement exterminé à Gaza sous les yeux de tous les pays du monde, il est possible de nous saisir de cette arme réelle afin de le défendre. L’usage de cette arme est toutefois soumis à votre volonté et à la sincérité de votre engagement. C’est l’occasion ou jamais de montrer au peuple tunisien, avant même nos frères palestiniens, que vous soutenez ceux qui se révoltent alors qu’ils sont enfermés dans cette prison à ciel ouvert. C’est l’occasion ou jamais de démontrer que vous n’exploitez pas la cause, les souffrances et le sang palestiniens à des fins bassement politiciennes et électoralistes. Alors adoptez ce texte si vous êtes de bonne foi !

NB : Cette lettre ouverte ne se limite pas à ses premiers signataires, elle est un appel à l’ensemble du peuple tunisien et à ses forces vives à s’engager dans la cause qu’elle défend et à la réalisation de ses demandes. Elle est publiée sur le web sous la forme d’une pétition ouverte à la signature de tou-te-s celles/ceux qui s’y reconnaissent.

Premiers signataires :

Hèla Yousfi (universitaire)
Ghassen Ben Khelifa (journaliste et militant de gauche)
Choukri Hmed (universitaire)
Olfa Lamloum (universitaire)
Chokri Latif (écrivain et militant de gauche)
Amina Ben Fadhl (consultante)
Sonia Jelidi (militante de l’immigration)
Nasreddine Louati (journalise)
Wael Garnaoui (universitaire et militant)
Wejdane Mejri (universitaire)
Daoud Abdelmonem (informaticien et militant de gauche)
Lamine El Bouazizi (chercheur et militant)
Malek Sghiri (chercheur et militant)
Hajer Boujemaa (journaliste)
Bassem Bounenni (journaliste)
Azyz Amami (citoyen tunisien)
Sami Ben Gharbia (journaliste)