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Dimanche 14 septembre 2014, une foule compacte attend le retour de Mondher Zenaïdi, l’un des symboles de l’ex régime, à l’aéroport Tunis-Carthage. Certains attendent drapeau national à la main. L’homme a été blanchi par une justice non-réformée, dans deux grandes affaires de corruption. Beaucoup prêtent à ce recordman du nombre de ministère sous Ben Ali de nouvelles ambitions politiques.

L’épisode serait anecdotique s’il n’intervenait en pleine atmosphère de normalisation de la restauration, parfois les régionalismes et l’achat de figurants aidant. Le 12 septembre, Hamed Karoui commettait un lapsus en déclarant qu’Abderrahim Zouari serait « le candidat du RCD ». Le climat de la restauration fut cependant entretenu plus subtilement cette semaine par l’officialisation de la candidature de Béji Caïd Essebsi.

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Le retour de Mondher Zenaïdi, l’un des symboles de l’ex régime, à aéroport Tunis-Carthage.

Mêmes scènes de liesse filmées en plan serré lorsque le chef de Nidaa Tounes dépose sa candidature aux présidentielles le 9 septembre dernier. Accompagné de son fils, il dédie son initiative « aux jeunes, à la femme, et aux classes sociales les plus démunis »… Les roses rouges brandies par ses acolytes feraient presque penser au Parti Socialiste.

Vendredi, dans un discours fleuve de plus de 50 minutes officiellement consacré à la présentation des motivations de sa candidature, « BCE » a déroulé devant ses partisans son numéro habituel, un mélange d’anecdotes héroïques de l’époque coloniale, de souvenirs de son expérience de la primature, mais aussi, l’air de rien, une relecture révisionniste de l’histoire récente de la révolution.

« Ce sont les gens d’Ennahdha, du CPR, ainsi que des gauchistes qui occupaient la Kasbah », s’emballe Essebsi à propos des évènements de la Kasbah 1 et 2. « Mohamed Ghannouchi s’était réfugié au Palais de Carthage », rappelle-t-il à propos de l’ex Premier ministre qu’il ne manque pas de louer au passage. A mon arrivée j’ai promis que je m’installerai au palais du gouvernement, autrement je rentrerais chez moi, renchérit-il applaudi par les siens, avant de repartir sur une apologie remâchée de l’ordre, des gens qui « ne marchent plus sur le trottoir et ne respectent plus les feux rouges ».

Les trois dernières années post-révolution sont décrites par le candidat comme « des années de recul et de décadence » de la Tunisie qu’il compte « remettre sur les rails ».

Autre grand axe de ce meeting de précampagne, les menaces de mort aussi chroniques que romancées dont l’homme serait victime. Cette fois un complot ourdi de l’intérieur de son propre parti viserait à éliminer le nonagénaire, qui dit avoir identifié trois taupes. Le récit aux allures de roman d’espionnage lui vaut cette fois d’être convoqué par le parquet.

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Le modernisme anti laïque, ou la mystification de la « droite progressiste »

« Le peuple est musulman. Il l’est depuis 14 siècles », a martelé Béji Caïd Essebsi tout en se réclamant dans le même temps du « modernisme » et du « progressisme ».

Pendant de longues minutes, l’homme ressert la rengaine du « vrai islam », hausse-t-il la voix, « celui des enseignements du Coran », dont son parti serait le dépositaire.

Dans les faits, le paradoxe est insolite entre un chef d’Ennahdha qui récite aujourd’hui probablement moins de versets du Coran que son homologue Nidaa Tounes très applaudi à chaque citation coranique apprise par cœur.

Essebsi conclut vendredi en mettant les Tunisiens face à un choix d’apparence très simple : « le projet de l’islam politique, vous le connaissez, nous, nous proposons le projet de L’Etat moderne progressiste ». En clair, là où Ennahdha s’emploie à replacer la ligne de démarcation entre partis démocratiques pro révolution et partis de la restauration, Nidaa Tounes persiste dans la diversion consistant à relancer une campagne classique modernisme VS conservatisme, alors même qu’à bien des égards, Nidaa Tounes est un authentique parti conservateur.

Né au début du siècle dernier, son chef dit être le candidat du 21ème siècle mais a systématiquement recours à de vieux ressorts éculés du nationalisme post colonial. Brandir le drapeau et entonner l’hymne national, c’est en somme un peu court comme programme. Tout aussi légers sont les raccourcis de la « défense de la femme », leitmotiv parachuté sans jamais produire une quelconque réflexion sur la réinvention du progressisme depuis Bourguiba.

Les rapports conflictuels entretenus par Essebsi avec les médias non alignés, le fonctionnement dynastique décomplexé de Nidaa Tounes, et le fait qu’il n’a pas jugé nécessaire d’organiser un congrès, sont d’autres indicateurs de sa profonde appartenance au passé.

La nécessité de la décentralisation économique est enfin évoquée comme solution cliché, comme si Essebsi n’avait pas été pas aux affaires, occupant tous les ministères régaliens pendant les longes années de marginalisation de ces régions sinistrées.

Vendredi « BCE » a dit s’adresser aussi à ses détracteurs, une façon de couper l’herbe sous les pieds d’Omar Shabou, qui intervient ce soir dans un talkshow en prime time sur la chaîne TV la plus regardée du pays. Une émission qui devrait faire d’autant plus de dégâts que Béji Caïd Essebsi sera défendu par une représentante de la nouvelle intelligentsia de la « mounachada » (plébiscite courtisan).

Au moment où Zenaïdi rentre en héros et où la contre-révolution devient une réalité tangible et géopolitique, la rhétorique de l’équilibre pour l’équilibre, celle du « rééquilibrage des forces politiques » comme une fin en soi, revient plus que jamais à banaliser les représentants de la restauration, en cautionnant leur statut d’acteurs légitimes de la vie politique.