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« Apprendre à faire seul », c’est le crédo de l’école Internationale Montessori Tunisie. Alors qu’il en existe près de 22 000 dans le monde, nous sommes allés à la rencontre de cet établissement dit « alternatif » ouvert il y a deux ans à Hammam-Lif.

Il est 8h30. Dans une grande pièce éclairée, appelé « ambiance 2/5 ans », chaque élève vaque à ses occupations. Le matériel est en libre accès. Certains sont en petits groupes, d’autres sont seuls. Il n’y a ni cours magistral, ni emploi du temps. Ici, on respecte le rythme de l’enfant, ses propres progressions et on prône un apprentissage à partir du réel et du libre choix des activités. Ici, c’est l’Ecole Montessori International (Hammam-Lif). A l’origine, Ferid Chouikhi qui s’est pris de passion pour la pédagogie Montessori en 2005 alors qu’il vivait à Genève. « J’ai tout arrêté, et j’ai commencé à suivre de nombreuses formations et à visiter des écoles ». Quand il revient en Tunisie, il n’a qu’une idée en tête : créer la première école Montessori du Maghreb. S’en suivent alors des mois et des mois de galères auprès des différents ministères. Mais Ferid Chouikhi est d’un tempérament optimiste et ne préfère pas s’attarder sur les barrières qu’il a rencontré : « Il faut savoir aller de l’avant et ne pas s’arrêter au premier obstacle, sinon on ne fait rien », aime t-il répéter. Il regrette cependant, qu’aujourd’hui encore, l’école maternelle ne soit pas reconnue par l’Etat, car « il n’y a pas de balançoires », lance t-il. Il n’en dira pas plus. En revanche, lorsqu’on le questionne sur la pédagogie Montessori, il ne s’arrête plus. Il citera à maintes reprises une phrase de Maria Montessori, devenue la devise de son école : « L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source que l’on laisse jaillir ».

L’approche de Maria Montessori

Médecin et pédagogue italienne, Maria Montessori (1870-1952) a développé au tout début du XXe siècle une approche fondamentalement positive de l’éducation qui repose sur un principe très simple : les enfants sont naturellement attirés vers les apprentissages. Il suffit donc de leur proposer un environnement adapté pour stimuler leur désir d’apprendre de façon autonome. « L’enfant est acteur de son propre développement », précise Ferid Chouikhi. « Il faut lui laisser le libre choix de ses activités, car c’est cela qui va lui permettre d’être autonome et responsable ».

Ainsi, dans les écoles Montessori l’organisation spatio-temporelle s’adapte au rythme et aux besoins de chacun. L’enseignant ne donne pas de cours classiques mais se déplace dans la classe et intervient à tour de rôle auprès de petits groupes ou en tête à tête avec les enfants. Cela est rendu possible notamment par la mixité des âges qui permet aux plus grands d’aider les plus jeunes. « Au départ, l’idée que ma fille de 5 ans soit avec des enfants plus petits qu’elle me gênait car je pensais qu’elle allait régresser. C’est tout le contraire qui s’est produit : en aidant les plus petits, elle s’est sentie valorisée et a pris confiance en elle », se réjouie une maman d’élève qui ne jure plus que par la pédagogie Montessori. D’ailleurs, on ne parle ni d’instituteur, ni d’enseignant, mais d’éducateur. En retrait, son rôle est d’observer et d’accompagner l’enfant. Si l’enfant s’autogère, cela ne veut pas pour autant dire qu’il peut faire n’importe quoi : « la liberté s’accompagne de règles de base qui concernent essentiellement le comportement et la propreté », clarifie Ferid Chouikhi.

L’apprentissage par l’expérience

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Matériel sensoriel

Une importante partie de la journée (3 heures) est consacrée aux quatre « piliers » qui correspondent aux périodes sensibles que traverse l’enfant : la vie pratique, le sensoriel, le langage et les mathématiques. Ainsi, la pédagogue a inventé un matériel particulier qui vient accompagner l’enfant dans ces différentes phases. En effet, le matériel montessorien a été conçu de façon à ce que l’enfant puisse visualiser concrètement le résultat d’un concept abstrait et apprendre en manipulant. « Chaque objet correspond à un apprentissage : l’enfant apprend en manipulant. Nous travaillons toujours de façon très concrète, très ludique. L’approche expérimentale est un point central de la pédagogie Montessori », développe Ferid Chouikhi. « Par exemple, pour l’écriture, plutôt que de travailler le graphisme en faisant des boucles avec un stylo, l’enfant travaille le mouvement de la lettre avec son doigt sur des lettres rugueuses. Il associe ainsi dès le départ le mouvement qu’il faut faire pour écrire la lettre, le son en prononçant la lettre, et la vue ».

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Lettres rugueuses

Dans la salle qui correspond à la tranche d’âge 2/5 ans, il y a de nombreux objets qui servent à maîtriser les différents petits travaux de la vie quotidienne : balais, éponges, théières, cirage de chaussures, etc. « Ce matériel apprend à l’enfant à faire tout seul, développe ses capacités motrices, sa force musculaire et favorise par la suite l’apprentissage de l’écriture », explique Ferid Chouikhi en nous démontrant qu’en cirant une chaussure on reproduit le même geste que lorsqu’on écrit.

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Dans la classe, de nombreux objets servent à maîtriser les travaux de la vie quotidienne.

Une école pour privilégié ?

Mais tout cela a un coût. Il faut compter en moyenne 300 dinars par mois (frais d’inscription, trousseau, garderie compris). Ironique lorsqu’on sait que Maria Montessori a commencé son travail dans les quartiers défavorisés de Rome. Mais selon le directeur de l’école, cette somme reste tout à fait raisonnable au regard des frais que nécessite une classe Montessori : « Entre les formations des éducateurs, le matériel montessorien, il faut compter 40 000 dinars par classe ».

Se recentrer sur l’humain

Ce prix n’a pas l’air d’avoir freiné les parents d’élèves qui semblent conquis par cette approche éducative, et notamment par le respect mutuel qui existe entre les élèves et les éducateurs. C’est ce qui a encouragé la mère d’un élève à faire 80 km par jour pour déposer sa progéniture : « dans la plupart des établissements on ne respecte pas le rythme de l’enfant et on ne lui laisse pas le temps de se construire. Il y a un programme à boucler, c’est tout ce qui compte », regrette t-elle. Or, le directeur et fondateur de l’école refuse que son établissement vienne répondre a un « projet socio-politico-économique ». Selon lui, le programme du Ministère de l’Education correspond à des impératifs économiques où on encourage la comparaison et la compétition. « Il y a une crise de l’éducation : l’école est en rupture avec les attentes du monde extérieur. Je ne fais plus confiance au système », confie un jeune père venu récupérer ses deux fils. « A mon avis, le rôle de l’école maternelle n’est pas de faire de nos enfants de futurs ingénieurs, mais de susciter la curiosité, de développer l’envie d’apprendre et l’estime de soi », poursuit-il.

Revisiter la pédagogie Montessori ?

Mais la pédagogie Montessori s’applique t-elle de la même façon à Tunis et à Tokyo ? Selon Ferid Chouikhi, il y a autant de façon de l’appréhender qu’il n’y a d’écoles. Par exemple, dans la plupart des écoles Montessori, il n’y a ni notes, ni devoirs. Mais à l’école de Hammam-Lif, les enfants, comme les parents, en réclament. « Rien n’est transposable d’un pays à l’autre, ni même d’une ville à l’autre. Il faut pouvoir s’adapter tout en restant fidèle à l’essence de la philosophie de Maria Montessori », souligne Ferid Chouikhi qui donne l’impression d’avoir vécu la découverte de cette pédagogue italienne comme une expérience mystique.

A vous !

Parents et enseignants, la pédagogie Montessori peut très bien s’appliquer dans les classes d’une école classique ou à la maison.

1 Organisez la maison ou la classe de manière à favoriser l’autonomie de l’enfant. Par exemple, en installant des meubles adaptés à sa taille.

2 Permettez aux enfants de se responsabiliser dès le plus jeune âge en mettant en place une organisation qui incite les enfants à s’exprimer, créer, partager, coopérer et cheminer vers leurs propres centres d’intérêts.

3 Equilibrez le travail intellectuel et le travail manuel en proposant aux enfants d’expérimenter ce qu’ils apprennent et de sortir de l’abstrait.

4 Respectez le rythme de l’enfant : certains arrivent à mieux se concentrer à certaines heures de la journée, ou sont plus réceptifs à certaines formes d’apprentissage (visuel, auditif, tactile) ; certains préfèrent travailler seuls, d’autres en groupe.

5 Plutôt que de vous ruiner en jouets, pensez à des activités simples qui raviront l’enfant et participeront à son développement : boutonner un vêtement, cirer des chaussures, apprendre à verser. Evitez dans la mesure du possible tout ce qui rend l’enfant passif (jouets qui fonctionnent seuls, télévision).

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