S’appuyant, notamment, sur le IVe amendement de la Constitution américaine (1), lequel amendement fut remarquablement étoffé par la Cour suprême américaine dans sa décision du 25 juin “RILEY v. CALIFORNIA” -exigeant un mandat judiciaire avant tout accès aux données d’un téléphone cellulaire-, Apple vient de renforcer drastiquement le cryptage des données de ses téléphones, y compris en se privant, elle-même, du moyen de contourner cette sécurité.
Après les multiples scandales de la NSA, les fabricants de smartphones, dont une large partie de la stratégie commerciale repose sur tout un écosystème, se devaient de rassurer leurs clients sur la confidentialité de leurs données personnelles. Une confidentialité mettant les données de leurs clients également à l’abri des accès du vendeur du smartphone.
Du moins, c’est ce que Apple affirme depuis la sortie d’IOS 8 :
On devices running iOS 8, your personal data such as photos, messages (including attachments), email, contacts, call history, iTunes content, notes, and reminders is placed under the protection of your passcode. Unlike our competitors, Apple cannot bypass your passcode and therefore cannot access this data. So it’s not technically feasible for us to respond to government warrants for the extraction of this data from devices in their possession running iOS 8.Site Web Apple Inc.
Google vient de faire de même avec son système concurrent Android. Du moins, c’est ce que prétend Google également.
Évidemment, il fallait s’attendre à la réplique traditionnelle des forces de police et de renseignement, à l’instar de celle du Directeur du FBI James B. Comey. Celui-ci a été prompt à sortir la “grosse artillerie”, ce jeudi 25 septembre, en agitant l’épouvantail “habituel” de la pédopornographie et du terrorisme.
Ledit directeur du FBI a eu l’occasion de rouspéter contre Apple et Google notamment en ces termes “[…] la capacité de rechercher des images, des messages et des historiques Web sur les smartphones est essentielle pour résoudre un éventail de crimes graves, y compris meurtres, pornographies enfantines et tentatives d’attaques terroristes” (2).
Morale de l’histoire :
– Comment faisait-on, avant l’invention des smartphones, pour résoudre les crimes, y compris les plus crapuleux ?
– À quoi servent les enquêtes judiciaires, si ce n’est pour récolter minutieusement les indices afin d’arrêter les auteurs des infractions pénales ? Ceci sans passer par la violation systématique des données personnelles des citoyens.
Aucune société au “risque zéro” n’existe. Les alibis qui s’appuient sur les salauds (comme le sont les pédopornographes) ou sur les lâches (comme le sont les terroristes) pour permettre le libre accès aux données personnelles ne sont finalement que des moyens pour combler l’incompétence des services de police et de renseignement via la violation des garanties fondamentales des citoyens.
Sans nul doute, il ne peut y avoir de démocratie viable sans services de renseignement efficaces. Or, de cette efficacité dépend également l’adhésion de l’opinion publique à des méthodes qui se doivent d’être respectueuses des droits et libertés des citoyens.
Avoir en charge la sécurité de la population n’a jamais été une tâche aisée, certes, surtout dans une démocratie. Protéger les libertés non plus. Or, que l’un ou l’autre de ces deux impératifs faillit et l’on a de fortes chances de se retrouver à la fois sans liberté et dans l’insécurité.
Et, à cet égard, que l’ANC, pour le cas tunisien, n’ait pas encore voté la loi relative à la lutte contre le terrorisme, ce n’est pas plus mal (3). Les enjeux sont si importants que la précipitation ne peut être que dommageable. Car trouver le juste compromis entre deux impératifs par nature contradictoires, “sécurité/liberté”, dans un contexte d’une démocratie naissante est particulièrement difficile. Et ça l’est d’autant plus que le garde-fou judiciaire recèle encore de nombreuses carences. Ceci sans compter l’épineux chantier de la réforme du cadre de l’Agence technique des télécommunications, devenue manifestement nécessaire depuis la promulgation de la nouvelle Constitution tunisienne.
Note :
1.- IVe amendement de la Constitution des États-Unis : «Le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personnes, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou affirmation, ni sans qu’il décrive particulièrement le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir.»
2.- “[…] the ability to search photos, messages and Web histories on smartphones is essential to solving a range of serious crimes, including murder, child pornography and attempted terrorist attacks.“
3.- Depuis que l’ANC a entamé ses travaux relatifs à cette loi, certains de nos concitoyens ont fini par croire, terrorisme aidant, que l’État tunisien était juridiquement démuni pour lutter contre le terrorisme. Certains se sont mis littéralement à crucifier l’ANC pour sa lenteur quant à la promulgation de cette nouvelle loi relative à la lutte contre le terrorisme. Or, l’arsenal juridique tunisien en la matière est impressionnant, à commencer par la loi de 10 décembre 2003, toujours en vigueur et en vertu de laquelle quotidiennement des arrestations ont lieu.
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