Pour un site qui se prétend « satirique », Business News multiplie les dérives verbales et les diffamations. Le lexique des titres publiés par ce genre de presse se distingue par une violence verbale qui rajoute un cran à la tension du climat actuel dans notre pays.
Vincent Geisseir, chercheur à I’Institut Français du Proche-Orient, en a récemment fait les frais. Il subit actuellement une campagne d’intimidation provoquée par la publication de l’article « Vincent Geisser : analyste, laudateur ou mercenaire ? » par Nizar Bahloul, directeur de publication de Business News.
Cet article a engendré des représailles via une série de messages anonymes truffés d’insultes allant jusqu’aux menaces. Le politologue français vient de rendre public sur sa page facebook une menace de mort qu’il vient de recevoir :
tu ose critiquer tes maitres sale français puant le fromage et le porc ??? quand on te cassera ta sale gueule, tu comprendra la liberté d’expression sale esclave des juifs et du Qatar, la Tunisie est forte et nationaliste et on te jettera toi, tes rats islamistes et les traitres laics comme marzouki au cachot, tu pourra partager un bon moment dans les geôles ac tes amis Islamistes et ni tel aviv ni BHL ne pourront te secourir espèce de vendu, traitre, orientaliste malade qui fantasme sur les petites voilées… Tu es mort en Tunisie !!!!
Ce dérapage n’est pas isolé, il s’inscrit dans une série d’incidents qui viennent entacher cette campagne présidentielle. Celle-ci est de plus en plus marquée par une tension palpable à travers les invectives provenant des camps des deux candidats à la magistrature suprême. Comme le souligne Yassine Bellamine dans un récent article : « d’un côté comme de l’autre, une escalade d’injures et de discours abominables radicalise la campagne, relayée par une presse très loin de se sentir garante de la pacification politique, n’hésitant pas à faire choux gras de ces diatribes – oh combien pénibles-, rajoutant une couche à certaines provocations ».
Le lexique du langage de la violence
Les mots ont un poids ! Le champ sémantique de la violence se manifeste à travers l’utilisation de désignatifs et de termes qui construisent une corolle atour de la violence.
Etant donné que Mr. Geisser est un « chercheur étranger » comme le précise Nizar Bahloul, l’utilisation du terme « mercenaire » à son égard tendrait à le définir comme étant un corps d’une « armée régulière formée de soldats de nationalité différente de l’autorité qui les emploie et qui font payer leurs services ». Ceci assumerait que Mr. Geisser serait un combattant étranger qui prendrait part à un prétendu conflit dans notre pays. C’est un raccourci dangereux qui pourrait être très vite pris au mot par un certain public non averti.
Cela s’inscrit dans la lignée de deux articles similaires qui nourrissent l’actuelle spirale de violence verbale. Le premier article, paru dans La Presse, cible un collectif d’universitaires et de militants associatifs tunisiens formé de Hela Yousfi, Wejdane Majeri, Choukri Hmed, Shiran Ben Abderrazak et Sonia Djelidi. L’auteur y emploie les termes de « pamphlet sanguinaire », « tir au vitriol et au bazooka », « Nid de vipères », « odieux perdants, pataugeant dans les cloaques de l’indécence », « lobby », « société secrète », « déshonneur », « troufions », « apprenti-snipers à la solde »…
Quant au deuxième article, paru sur le site Tunis Tribune, il cible Vincent Geisser. C’est un véritable chef d’œuvre de violence verbale. On y trouve un florilège de vocabulaire xénophobe, antisémite et belliqueux. L’auteur y emploie les termes de « ingérence », « détruire mon pays », « traître », « desseins obscurs », « anarchie », « barbarie », « déstabiliser », « menace », « complot Islamo-sioniste », « machination », « ces étrangers », « ces chrétiens », « croisades islamiques ». C’est une construction sophistiquée d’une logique apocalyptique avec des expressions telles que « défenseurs de l’extrémisme religieux et des crimes horribles », « orgie grandiose faite de sang et de sexe débridé », « votre plan appelant à ramener le terrorisme au pouvoir », « printemps arabe destructeur et immoral », « conflit armé planétaire », « puissances ténébreuses de l’armement », « démographes dégénérés qui rêvent d’en éliminer le maximum », « défenseur des terroristes », « infiltré l’armée pour mieux la désarmer », « lobbies si racistes »… Tout cela dans un seul article !
Après une telle lecture, comment est-ce que le citoyen lambda ne pourrait pas être tenté par des actes violents ? Au vu de la description faite, il serait dans une parfaite légitimité pour défendre son pays d’une destruction imminente.
Au-delà de la diffamation, c’est une véritable entreprise d’incitation à la haine.
De la violence verbale à la violence physique, il n’y a qu’un pas
Le fait de nourrir l’acte verbal violent avec la succession de paroles insultantes ou d’injures, peut mener vers un cercle vicieux qui aboutit à une violence physique. En effet, l’agression physique est en général l’aboutissement d’un cycle de discours de haine et d’intimidations, l’exemple de la radio des “Mille Collines” dans le génocide Rwandais ou de la presse dans la guerre civile Ivoirienne n’est pas loin. Notre pays en a déjà fait les frais au cours de sa transition démocratique. C’est cette même mécanique qui a conduit à l’agression de Youssef Essedik, de Hamadi Redissi ou de Abdelfettah Mourou. Ici, le parallèle est fait avec le discours de la haine des salafistes qui a été suivi de violence physique, notamment vis-à-vis des artistes lors des évènements d’El Abdellia.
Des appels au calme qui ne trouvent plus d’échos
Les appels au calme lancés par quelques voix de la société civile ou d’intellectuels se sont multipliés ces derniers temps, mais le degré de crispation des débats les rendent inaudibles dans l’espace public. Il est nécessaire que chacun de nous participe à l’apaisement des tensions. Gilbert Naccache le dit avec pertinence :
La campagne électorale actuelle se caractérise de tous les côtés par une énorme violence verbale, avec le risque permanent qu’elle ne dégénère en violence physique. Les personnes sages, cultivées, soucieuses de préserver l’avenir, devraient avoir à cœur de discuter sereinement, de faire porter les débats sur des idées, des argumentations et des programmes et non d’attiser les flammes. A propos d’une diatribe d’un autre siècle, Gilbert Naccache.
Je pense que la critique de la presse de M. Mestiri esr assez juste et nécessaire, et ses inquiétudes sont les miennes, même si elle devrait être approfondie : qui la finance (on a vu apparaître des bandeaux Total dès la nomination de M. Jomaa, haut cadre de Total et passé par l’Université de Dauphine maquée avec le groupe Mabrouk, autre grand annonceur de la presse tunisienne), qui emploie-t-elle etrc. C’est cela qu’on attendrait d’un chercheur. Malheureusement, force est de reconnaître que ce n’est pas le métier que fait Vincent Geisser, décoré de la médaille en chocolat de Ben Jaffar (un chercheur se devrait de refuser toute décoration) et sans doute pas totalement étranger aux réunions aixoises qui ont préfiguré la troïka dans la bonne tradition de cette sous-préfecture où régnait le Doyen Debbasch, auteur de maintes constitutions africaines (le Togo pour la dernière connue), VaterDoktor d’une bonne partie des élites tunisiennes et auteur d’une légitimation apologitique du Régime de Bourguiba (la République Tunisienne). Que ces politologues eûssent suggéré une Blitzkrieg économique alors que l’élite des deux rives était temporairement dans les choux plutôt que de se préoccuper de montages institutionnels, déformation de juristes qui pensent que tout se règle par ce genre d’arrangements ! Que ces politologues se mettent enfin à travailler, puisque c’est désormais possible, sur le système éducatif tunisien qui a produit, avec les structures familiales, depuis la colonisation une société aussi clivée par le capital scolaire. Etc. Plutôt que de tripatouiller dans la politique politicienne sans rien y connaître. Plutôt que d’appeler au Parlement européen à la répression des salafistes, appeler à la télévision tunisienne à l’union sacrée des Tunisiens parce que “le sang tunisien a coulé sur le sol tunisien” (feraient mieux de se demander qui l’a fait couler et pourquoi !) Que n’oeuvrent-ils pour que la recherche française sur la Tunisie sorte de sa grossièreté petite-bourgeoise, comme lorsque le Directeur de l’Institut de Recherches sur le Maghreb, qualques mois à peine après la chute de Ben Ali, professait que “la Révolution tunisienne ouvre de nouveaux sujets à la recherche en sciences sociales, tel le suicide par immolation” ! Il n’y a pas qu’en Tunisie qu’il fallait faire la Révolution, mon cher Vincent. Dans la recherche française aussi. Et pas à distance.
@Musée de l’Europe:
Cet article a pour but de mettre en evidence les dangers d’un mecanisme de violence et ses incidences sur la societé. Il ne concerne pas les positions politiques d’un camp o d’un autre.
Vous le vivez comme moi, la tension est palpable autours des debats politiques actuels.
Je le sens de loin mais je ne le vis pas, j’ai cette chance. J’avais très bien compris le sens de votre article, salutaire. Je voulais juste en profiter, de façon un peu opportuniste je le confesse, pour appeler à la “responsabilité des intellectuels”, notamment Français, n’étant pas pris dans la société tunisienne et ses contradictions historiques, responsabilité que Pierre Bourdieu définissait ainsi : ” la liberté à l’égard des pouvoirs, la critique des idées reçues, la démolition des alternatives simplistes, la restitution de la complexité des problèmes”. : j’ai le même reproche à faire à Vincent Geisser que celui que j’adresserais en Tunisie à, par exemple, Hamadi Redissi : un comportement partisan et une fonction de conseiller du Prince, dissimulée au public sous l’étiquette de neutralité politologique. D’autres font la même chose sous l’étiquette de “féminisme”. Outre que cette confusion pulvérise tout espoir de rendre raison de ce qui se passe en participant de la polarisation politique qui dissimule les causes structurelles sur lesquelles il faut agir (mais aussi les acteurs véritablement agissant) elle met en danger les intellectuels et la pensée critique en général dans le premier cas, les femmes dans le second.
Désolé d’avoir un peu fait le troll pour essayer de remettre certaines pendules à une heure qui n’est peut-être que la mienne !
Je pense que nos écrits ne sont que l’expression de nos craintes pour notre pays au vu de ce qui s’est passé au Liban, en Irak, en Egypte, ce qui se passe en Syrie et en Libye sans parler des menaces qui pèsent sue l’Algérie.Ce que certains patriotes sont en train de crier c’est leur peur pour leur pays face à un complot qui ne s’en cache plus, face à une ingérence outrancière de ceux qui en savent plus sur le complot anti arabe que sur les attentes des peuples dont les pays ont été carrément violés au profit d’un complot qui n’arrête pas de confirmer son racisme et son soutien pour nos politiciens expatriés sans honneur et sans patriotisme!!! Quant au moment ou on a le plus besoin d’êtres soutenus, on se sent piégés et trahis par ceux qu’on pensait démocrates, on écrit pour que tout le monde sache qu’on a décidé de choisir notre voie, celle qui correspond le mieux à cette Tunisie vaillante, oui toute volonté de manipulation étrangère sera rejetée, la situation dans notre pays est si explosive que tout article malveillant ou diviseur écrit par des étrangers se retrouve rejeté par les patriotes qui militent contre cette violence sournoise qui nous guette sous couvert de démocratie!!!
@Saloua
le problème est que votre pays est plein d’étrangers qui sont souvent tunisiens, le Premier ministre a un passeport français, il vient d’une multinationale française… C’est l’histoire qui l’a fait ainsi, on n’y peut rien. Il y a une Tunisie des deux rives et une Tunisie qui n’a pas accés à cette nationalité tuniso-française ou au moins à la circulation libre entre les deux rives (ceux qui veulent accrocher la Tunisie à l’Europe doivent être cohérents et militer pour la libre-circulation) C’est typique des Bourguibistes dont certain ont un passeport français de dire à un Français qui n’a pas de passeport tunisien (à la différence de Frédéric Mitterrand !) qu’il “s’ingère” dès lors qu’il fait une critique de ceux qui revendiquent l’autorité légitime en Tunisie… C’est arrivé à tous ceux qui osaient dire la vérité du régime de Ben Ali (et particulièrement Vincent Geisser) et jamais à ceux qui en faisaient la promotion… C’est une opposition qui paralyse l’analyse de la société tunisienne qui ne peut pas être pensée hors d’un espace franco-tunisien.
Sur cette vidéo, on voit une nièce de Bourguiba être française puis tunisienne trois minutes après pour faire taire un Français ! (à partir de 34’40”)
https://www.youtube.com/watch?v=38b8Ez81OwY
Secret de polichinelle, tous les Tunisiens savent ça, il n’y a que les gauchistes français (ou altermondialistes) qui l’ignorent !
Et que personne ne s’en prenne à cette dame SVP !
Monsieur Mestiri aurait pu relever d’autres lieux et sites où l’insulte, l’atteinte à la vie privée et les menaces, quand ce ne sont pas des appels à la violence sont diffusées ad nauseum, depuis des années.
Les articles de plumitifs, car c’est le qualificatif qui leur siérait le mieux, dont le contenu se résume, parfois, à des attaques mensongères et violentes contre tout ce qui ne participe pas de leur Doxa islamiste.
Or, ce sont ces gens qui sont au premier rang des supporters de monsieur Marzouki.
Cela, aussi, méritait un rappel et des plus nécessaires si l’on veut rendre une image exacte du paysage peu enviable que nous offrent des partisans d’un camp qui crient à la dictature, les yeux braqués sur un passé révolu, contre et malgré eux, afin jeter le voile sur ce que les yeux et les oreilles de tout un chacun subissent de leur part et de leuirs affidés.
@Volvert
Ce dont M. Mestiri vous parle, c’est de la logique du champ politico-médiatique : il montre de l’autre côté ce qui est aussi vrai de l’autre (mais pas à travers les mêmes médias). Ce qu’il dit c’est qu’il faut sortir de ce théâtre qui va mal tourner (de vieux jeunes espoirs dans lesquels j’inclus Marzouki montent sur scène, le public majoritairement jeune n’applaudit pas, ils verrouillent les portes de la salle et foutent le feu) : c’est ce que les Tunisiens à l’écrasante majorité ont signifié puisque à peu près personne n’est allé voté. Qui les écoute ? Qui leur parle pour autre chose que faire son marché électoral ?
@Musée de l’Europe:vous vous affublez d’un pseudo qui vous va comme un gant. Ainsi, vous faites l’exégèse pour moi, tant gisent des trésors de connaissances en de si beaux temples dont vous exprimez, à vous seul, la quintescence.
En réalité, tant de bassesses et de vomissures occupent bien des espaces, ordinairement dévolus à l’expression et l’échange, transformés en plate-forme de propagande abrutissante et en déversoir des plus bas instincts.
Appeler à la raison et à l’apaisement est louable. Pour peu que cela soit adossé à un discours crédible qui rompt avec les pratiques visées.
Ou bien j’ai mal lu, ou pas saisi la finesse du propos, j’y ai relevé les travers qu’il était censé pourfendre. Pas tous, sans doute, au moins le parti-pris dans le choix du média…
Alors, sortons de ce théâtre qui va mal tourner, si je repreds vos mots! Au moins, imposons-nous de nous montrer vrais. Avec soi, et dans le débat avec autrui.
Avec mes meilleures pensées.
C’est très attendu de Nizar Bahloul et son journal cireur de chaussures du nouveau RCD et de la dictature. J’avais l’habitude d’écrire des commentaires sur business news avant les élections. Le site a commencé à me censurer automatiquement juste après les élections. Quatre de mes commentaires critiques d’Essebssi et du nouveau RCD ont été censurés et depuis j’ai décidé de ne plus écrire un seul mot sur ce site de la dictature qui célébrait Sakhr Elmatri et la fille de Ben Ali comme les meilleurs business man un certain décembre 2011. Businessnews prétend défendre la modernité mais il propage des idées racistes (caricatures montrant Marzouki comme un singe), défend des despotes et essaye de blanchir les crimes de tortionnaires (articles concernant Haj Kacim ainsi de suite).
Les analyses de Vincent Geisser sont parmi les meilleures que j’ai lues a propos de la Tunisie.
Après Business news, que je n’ai pas l’honneur de fréquenter, on pourrait lister toute une variété d’espaces, comme Babnet et d’autres officines islamistes, qui sont une injure à l’islam par leur indigence, vulgarité, leurs appels à la violence, parfois contre des personnalités nommément désignées, sans que cela suscite les cris d’orfraie des bonnes âmes.
Voilà, entre autres reproches, ce qui peut être opposé. Ce disant, je ne peux me laisser assigner au rôle de partisan des pratiques de Business news.