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En marge des élections présidentielles de 2012, Le Mouvement Colibris a lancé dans toute la France, la campagne « Tous candidats ». L’idée est simple : faire prendre conscience aux citoyens, qu’indépendamment des élections, ils peuvent agir à leur échelle pour une meilleure société. Car les dirigeants politiques, quelle que soit leur bonne volonté, « sont face à une impasse tant structurelle qu’idéologique » qui ne leur permettent pas d’amorcer de réels changements.

Y’a-t-il eu, une seule grande victoire politique sur les crises financières, le dérèglement climatique, la faim, ou sur une meilleure répartition des richesses, durant ces vingt dernières années ?rappelle Cyril Dion, ex-directeur du Mouvement Colibris.

A travers cette campagne, l’association voulait affirmer l’idée selon laquelle collectivement, ceux qui peuvent transformer en profondeur la société, c’est nous. Et ça a marché : 26.000 personnes se sont déclarées candidates à l’action et un plan des Colibris a été lancé.

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Entendons-nous bien : cela ne veut pas dire, ne pas aller voter. Au contraire, il y a aujourd’hui urgence à préserver les acquis de la Révolution et à soutenir vigoureusement les forces politiques qui œuvrent en ce sens. Mais nous ne saurions être quittes en déposant un bulletin de vote dans une urne. Parce qu’une élection ne suffira pas à résorber les grands problèmes de notre pays. Trop de forces sociales et politiques se tournent spontanément vers l’Etat, alors que ce dernier est assailli par un amoncellement de problèmes structurels (endettement, centralisation, bureaucratie). En Tunisie, la croyance selon laquelle l’Etat a le monopole du changement est encore très ancrée dans l’inconscient collectif.

Pourtant, en sillonnant le pays à la recherche d’initiatives qui impactent positivement la réalité et en allant à la rencontre de ces personnes à l’origine d’innovations et de changements profonds, j’ai réalisé qu’elle était là, la Révolution. Auprès de ces « forces souterraines », comme les appelle Edgar Morin : isolées, discrètes, marginales, presqu’invisibles. Il existe déjà, sur tout le territoire, une effervescence créative qui, dans les domaines de l’économie, du social, de l’éducation, ou encore de l’agriculture, participent à l’élaboration d’un nouveau paradigme. Les transformations sociales se feront, plus que jamais, par des initiatives locales. A une échelle où chacun peut agir et mesurer les répercussions de ses actions. Car en réalité, le problème n’est pas tant le manque de solutions, mais le manque de coopération. L’enjeu est donc de créer un mouvement socio-culturel puissant et uni, prêt à agir ensemble : ces initiatives sont le vivier du futur. Faisons en sorte qu’elles se connaissent, se croisent et se multiplient.

Car à partir du moment où la mise en œuvre de ces innovations socio-économico-culturelles s’accélèrent et se développent à un plus grand nombre et atteignent une « masse critique », l’ensemble de la population est susceptible de basculer vers un autre modèle de société. Qu’ils s’agissent d’instituteurs qui ont un projet éducatif où le savoir est aussi important que le savoir-faire et le savoir-être, d’agriculteurs qui se sont libérés des pratiques agricoles dites modernes, d’artistes qui ont ouvert leurs ateliers dans des quartiers populaires pour encourager la création et l’expérimentation artistique, de municipalités qui ont mis en place un dispositif qui incite les citoyens à s’impliquer dans le débat public et la prise de décision politique : autant d’initiatives qui montrent que nous sommes plus qu’une force de proposition, nous sommes une force de transformation.

Et comme le disait si bien Malek Bennabi, intellectuel algérien du XXe siècle :

Nous sommes la génération maudite qui clôt une décadence et la génération bénie qui inaugure une civilisation.

Ce mouvement n’est pas propre à la Tunisie, partout dans le monde nous observons la naissance d’une force citoyenne portée par des personnes ou des groupes inventifs et obstinés. Soyons candidats à tracer les voies d’un modèle de développement souverain où nos ressources culturelles et sociales sont justement valorisées au plan économique et politique. N’est-ce pas là le parachèvement de notre si lent processus de décolonisation culturelle ?