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Les plus fiables statistiques montrent que les filières de recrutement des jihadistes sont majoritairement tunisiennes. Que veut dire une telle réalité ?

Il serait erroné de croire que cela traduirait un radicalisme religieux qui, pour être présent dans les rangs de cette jeunesse — perdue pour les uns, avant-gardiste pour les autres —, n’est pas moins négligeable parmi les motivations premières relevées.

Les motivations des jihadistes

De fait, l’idéologie est peu ou pas essentielle dans les motivations de nos jeunes ralliant les champs de bataille d’Orient ou tentant l’aventure terroriste ailleurs.

C’est l’attrait du coup de feu et le besoin irrépressible d’affirmation de soi qui priment et qui sont, dans le même temps, le rejet d’un monde à la fois trop matérialiste et trop injuste.

Ce n’est d’ailleurs pas spécifique aux seuls Tunisiens, la majorité écrasante de ceux qui rallient Daech — et qui ne se limitent pas aux Arabes ou aux musulmans — étant à la recherche surtout d’un sens à leur vie, à la vie tout court, au travers de l’aventure.

Et la vraie aventure est celle que permet justement la mise en péril de la vie, cette vie dépourvue de sens qui en acquiert justement un en taquinant le danger. Si, en apparence, la religiosité, à défaut de spiritualité, donne à cette jeunesse le sens quêté de sa vie, ce n’est juste que comme un biais, un raccourci bien plus qu’en tant que cause effective.

Les enquêtes menées auprès de jeunes Tunisiens d’Afrique et d’Europe, mais aussi d’Européens et d’autres diverses nationalités, disent toutes que l’islam n’est au mieux qu’un label.

L’islam comme label

Tout se passe chez ces jeunes comme s’ils étaient en quelque sorte ces franchisés de l’économie capitaliste ou encore mieux ces petits commerces qui, dans les grandes villes, achètent à prix d’or le droit de s’installer aux portes des grands magasins afin de profiter de leur nom et attirer certaines de ses clientèles grâce à cette proximité qui les fait relever en apparence de la grande enseigne sans qu’il en fassent nullement partie.

On le voit bien à Paris, par exemple, où les Galeries Lafayette ou Printemps ont leurs portes envahies d’échoppes n’ayant rien à voir avec la maison, se nourrissant juste de leur réputation.

C’est bien le cas avec les jihadistes qui n’ont rien d’islamique, ne connaissant point l’islam, sinon et au mieux à la surface et selon une lecture apocryphe ou dépassée. Ils ne s’affublent de l’islam que dans le cadre d’une opération d’emprunt de thématique porteuse dont ils usent bien plus en casuistique qu’en prosélytisme.

Et si les Tunisiens sont les plus nombreux parmi eux, c’est du fait que la jeunesse de Tunisie est désormais assez mûre pour ne plus se satisfaire de son sort minable à l’intérieur de son pays, celui que lui réservent des lois liberticides et une classe politique déconnectée des réalités, la traitant en mineure.

Maturité de la jeunesse tunisienne

Le Tunisien l’a pourtant bien montré, au masculin comme au féminin, avec sa révolution dont les racines, remontant loin dans l’histoire, ont repoussé dans le bassin minier de Redeyef. Il est majeur et entend qu’on le traite en adulte, quitte à le faire en recourant aux pires extrémités.

On le sait d’ailleurs d’expérience, un enfant mature ne se contente plus de son statut d’infériorité et se permet, pour prouver qu’il mérite d’être traité autrement qu’en mineur, les plus grands coups d’éclat, les moins attendus étant les plus nombreux.

Or, aujourd’hui, le coup de feu sur les sentiers de l’aventure, dont le terrorisme est l’incarnation ultime, est la meilleure manifestation d’une telle revendication de majorité effective.

Tout cela pour dire que notre classe politique a intérêt à changer sa façon de traiter la jeunesse et ses élans libertaires, comme elle se doit de commencer par arrêter de croire la société, la population et sa jeunesse inaptes à la liberté et à la démocratie, les taxant de conservatisme alors que s’il y a des conservateurs dans ce pays, ils ne se recrutent que parmi ses prétendues élites.

Il suffit pour s’en convaincre de voir le peuple et la jeunesse survivre dans les pires conditions, outre de comprendre la vraie motivation des plus déterminés de nos jeunes ralliant les extrémistes et finir d’en être les chefs. C’est bien une preuve de non-conservatisme.

Que nos dirigeants tiennent donc compte de l’esprit libertaire et contestataire qui est patent dans ce pays et agissent dans son sens s’ils veulent durer, abolissant les lois de l’ancien régime. Ces lois cherchent en vain à soumettre un peuple désormais libre dans sa vie de tous les jours à une chape de textes répressifs se voulant moralisateurs alors qu’ils ne sont que scélérats.

De fait, ces textes obsolètes ne servent que les intérêts des gouvernants pour dominer les citoyens toujours voulus en sujets soumis. Or, cela, la jeunesse tunisienne ne peut plus l’accepter et elle le prouve de la pire des façons !