Le drame de Charlie Hebdo a été qualifié à juste titre de 11 septembre de l’Europe. Je rajouterais qu’il sera aussi le 11 septembre de la lecture actuelle de l’islam qui est une lecture erronée, bien plus conforme à une tradition judéo-chrétienne qu’à la nature originelle de l’islam.
La caricature n’est pas interdite en islam, mais dans la Bible !
Nous parlons ici d’islam pur, celui du Coran et de la Sunna authentique telle que compilée par les deux plus fiables recensions des dires prophétiques que sont les Sahihs de Boukhari et Mouslem.
Dans ces deux sources majeures devant être exclusives de l’islam aujourd’hui, il n’est aucune interdiction de la caricature ni même de la représentation imagée, contrairement à ce que l’on croit communément. La conception qui prévaut actuellement chez nous est issue de la tradition judéo-chrétienne.
Dans la Bible, l’interdit est explicite. On lit ainsi dans le Livre de l’Exode : « Tu ne te feras pas d’idole ni de représentation quelconque de ce qui se trouve en haut dans le ciel, ici-bas sur la terre, ou dans les eaux plus bas que la terre ».
On explique une telle prohibition dans le judaïsme par la distance devant exister entre Dieu et ses créatures, une distance qui rappelle chez les hommes la séparation stricte des gouvernants et des gouvernés.
Or, en islam, le croyant est bel et bien dans l’intimité de Dieu ; on se rappelle, d’ailleurs, que ni le prophète ni les premiers Compagnons ne voulaient être distingués du reste des musulmans. Et il va de soi que ce qu’on se permet avec un intime est plus important que ce que l’on ne se permet pas avec un être distant, omnipotent au point d’être à l’image des dictateurs sur terre.
S’agissant du christianisme, on a eu ce qu’on a appelé querelle de l’image ou de l’icône qui a fait l’objet de vifs débats depuis l’an 726 de l’ère commune. C’est la guerre entre iconoclastes et iconolâtre qui a dominé les VIIIe et IXe siècles. Et si dans l’Église d’Occident, au XVIe siècle, Jean Calvin et son protestantisme ont finit par imposer l’iconoclasme, cela ne fut pas le cas pour l’Église d’Orient où statuettes, peintures et vitraux ornés de figures de saints ont été toujours honorés.
En islam, ce qu’il y au vrai, c’est une réprobation fort compréhensible envers tout ce qui était, à l’époque de la révélation, de nature à rappeler ou faire revivre les pratiques idolâtres caractérisant un polythéisme juste moribond de l’Arabie préislamique. Il y avait donc non pas une condamnation de l’image, mais de son utilisation en tant que culte des divinités. Ce qui est loin d’être le cas de la représentation figurée de nos jours.
La conception authentique du sacré en islam
La conception authentique du sacré en islam diffère de celle de la tradition chrétienne qui est plus matérielle, relevant du tabou, alors que la conception de l’islam premier est davantage morale et spirituelle.
Ce qui et sacré en islam, ce n’est pas ce à quoi l’on ne touche pas, mais ce dont on a l’amour dans le coeur, ce qu’on honore, et en pensée tout d’abord. Car l’intention pure est primordiale dans notre foi.
L’islam étant venu abattre les idoles, c’est donc l’idolâtrie qui est combattue, non les images ou les caricatures. Or, interdire une représentation figurée au nom du sacré en islam revient bien à ériger des idoles morales de figures dont la sacralité doit d’abord être dans les cœurs. Il s’agit là d’une conception restrictive du sacré, réduit à un pur tabou, une idole, alors que la conception islamique est bien plus extensive, particulièrement tolérante et humaniste.
Par ailleurs, comme le précise à juste titre Tareq Oubrou, imam actuel à Bordeaux, la notion théologique du blasphème n’existe pas en islam. Le concept de manque de respect à Dieu ou au sacré dérive de la théologie chrétienne et ne possède aucun équivalent en arabe.
De fait, la pensée théologique et philosophique dans l’islam des origines a été davantage en conformité avec l’attitude des philosophes de l’Antiquité ; on sait, à ce propos, la vénération vouée par les Arabes pour la Grèce antique, venue conforter la conception islamique des choses.
Or, les anciens Grecs, perpétuant une tradition bien ancrée chez les Égyptiens, les Indiens et les Mésopotamiens, donnaient figure humaine à leurs dieux. Certes, d’aucuns comme Platon n’ont pas cautionné une telle pratique, mais Aristote — qui influença le plus la pensée islamique — n’était nullement contre.
De plus, si l’islam se distingue par nombre de traits particuliers des autres religions monothéistes, le plus évident est bien le fait qu’il insiste que le prophète est un homme comme les autres, essuyant même des caricatures en parole. Le Coran rapporte ainsi que ses adversaires le traitaient de « châtré » pour absence de fils survivant, ainsi que le rappelle l’historienne, Jacqueline Chebbi, précisant que c’est au IXe siècle, au moment où de nombreux chrétiens et juifs se convertissaient à l’islam que la figure de Mahomet a été, d’une certaine façon, « sacralisée », devenant un modèle pour ces nouveaux musulmans en conformité avec leurs traditions d’origine.
Origines de l’anathème jeté sur la figure imagée
Rappelons aussi qu’en un temps où il n’y avait pas d’appareils photographiques, la littérature islamique n’a pas manqué d’illustrations du prophète, tellement détaillées qu’elles en arrivaient à être encore plus expressives que la photographie la plus fidèle. Pareillement, l’art pictural n’a jamais manqué en islam de représenter l’homme et le premier d’entre eux, le prophète lui-même.
S’agissant de la caricature, et en l’absence d’interdit exprès en islam, elle reste autorisée, n’étant que le pendant de la satire. Or, celle-ci est un pan essentiel de l’éloquence arabe, n’ayant jamais été interdite, même du temps du prophète qui a eu recours d’ailleurs aux poètes pour contrer les satires des polythéistes.
Durant les guerres d’apostasie, on n’a pas compté les caricatures rimées du calife Abou Bakr qui n’a pas pour autant puni leurs auteurs une fois les guerres terminées à son avantage. Parmi ces poètes impertinents, le plus irrespectueux fut Houtaya’a connu par son extrême méchanceté, jouant en quelque sorte à Charlie avant la lettre.
Il est rai que sous Omar, ledit poète eut à pâtir de la sévérité de second calife, mais celui-ci, comme on le sait, n’a pas peu innové en islam, s’écartant de la pure tradition prophétique, faisant l’effort d’interprétation que commandait son temps et la mentalité de l’époque.
C’est à un tel effort et à l’exemple du calife Omar que les musulmans aujourd’hui doivent se conformer en acceptant de nouveau la caricature comme un art majeur, participant de l’effronterie propre à la démocratie. Accepter la caricature qui ne dit que le vrai en accentuant les défauts, c’est mériter la démocratie tout simplement.
Qu’on ne fasse plus intervenir donc le sacré dans un domaine où il n’a pas à s’y retrouver, le sacré en islam étant loin d’être une idole, bien plus moral que matériel, différent de la conception judéo-chrétienne en faisant un tabou. Et il n’est pas de tabou en islam, cette foi la moins pudibonde de toutes les religions monothéistes.
L’anathème jeté actuellement sur l’art de la caricature et de toute représentation imagée est l’œuvre de la jurisprudence musulmane influencée par la tradition judaïque et judéo-chrétienne tardive récupérée par le pouvoir politique pour asseoir son autoritarisme.
L‘interdiction de la caricature comme arme politique
Comme on l’a vu, contrairement aux fausses idées reçues, ni le Coran ni la Sunna avérée du prophète n’interdisent donc la représentation figurée. Si une telle erreur flagrante à l’origine d’un véritable mythe pernicieux pour l’islam est entretenue, c’est que les pouvoirs politiques en place ont toujours eu intérêt à développer une interprétation rigoriste de l’islam pour contrôler la société.
Comme la caricature relève de l’audace et de l’aplomb, le propre d’une démocratie, elle ne peut que déranger les dictatures. Or, les pays arabes musulmans n’ont plus connu les libertés démocratiques depuis la fin de la civilisation de l’islam, leurs dirigeants faisant tout pour garder le pouvoir quitte à donner une fausse idée de l’islam, en user pour manipuler et/ou contrôler les masses.
On sait que, dès la victoire de la dynastie omeyyade, l’islam a été dévié de ses sources, étant instrumentalisé par des califes servant leurs intérêts et non la foi monothéiste. Aussi, a-t-on fait de l’islam la lecture judéo-chrétienne ci-dessus décrite et qui a atteint ses sommets avec le salafisme. Celui-ci n’est que la transposition en islam de ce qui prévalait chez les juifs et les chrétiens et qui, bien que gommé par la démocratisation et la sécularisation, y est toujours vivace auprès de leurs propres fondamentalistes.
Il est vrai que dans l’empire islamique, on a vu par moments le bannissement officiel de la moindre représentation figurée, humaine comme animale; mais cela n’a jamais été la règle et a toujours été fonction de la nature du régime. On ne veut pour preuve que ces représentations humaines qui n’ont jamais manqué en Arabie sunnite ou les miniatures de l’islam chiite qui ont abondé en illustrations des figures de l’islam, y compris du prophète, jusqu’au XVIe siècle pour le moins.
Pour la période récente, c’est le wahhabisme, qui exploite à fond cette veine judéo-chrétienne de sacralisation de la figure du prophète depuis son apparition en Arabie Saoudite au XVIIIe. On ne peut que le comprendre dans un pays qui est une dictature et une théocratie.
Pour conclure, donc, critiquer Dieu ou le Prophète en islam pur n’est répréhensible que s’il s’accompagne de reniement de la foi, non pas par simple changement de religion, car l’apostasie en islam n’est pas prohibée, mais par une intention de faire varier la religion, en dénaturer les préceptes tels que les consacre les textes sacrés, Coran et Sunna authentique, et aussi et surtout leurs visées.
Si, aujourd’hui, on a dans le droit positif des pays arabes et musulmans une catégorie juridique nommée blasphème, elle n’est nullement islamique. Elle est juste de nature politique, maintenue dans le cadre de lois liberticides propres aux dictatures arabes soutenues par leurs alliés occidentaux qui, rappelons-le, sont de tradition judéo-chrétienne, consciemment ou inconsciemment hostile à l’islam.
Tres bonne analyse mais académique qui pourrait éclaire l’esprit des occidentaux, qui sont aveuglés par leur complexe de superiorité d’une civalisation dominante.Alire cet article on en concluerait qu’il est permis à des non musulmans de se moquer detout autrereligion, et detourner en dérision toutcequi est sacré chezles autres? Or le problème de certains occidentaux comme l’équipe de Charlie Hebdo c’est qu’ils sont arrogants et provocateur. Et au nom de la liberté d’expression ils dépassent les limites et ne cachent plus leur mépris des autres. Or ils n’ont jamais prévus la réaction des autres.
En somme, ceux qui crient au blasphème, partout dans le monde, ou ceux qui recourent aux moyens extrèmes pour y répondre font le jeu de ceux d’en face, trop contents de voir avaliser leurs visions dans les faits. Une justification inespérée est offerte aux partisans du séparatisme -ou apartheid- comme dirait un certain monsieur Valls- social qui a pour habit le vrai séparatisme, culturel et historique, celui-là, racial.
L’Islam est le nom, englobant et total, pour dire l’Autre. Celui dont on veut se distinguer pour mieux le tenir à sa place, dans la place qu’on lui a assignée. Tout comme ce fut le cas du mot Arabe (mot propre pour nommer sans frais les pires saloperies sous-entendues), ou immigré, devenu synonyme d’Arabe.
Je ne m’inscris aucunement dans une perspective religieuse, mais regarde et vis en citoyen “qui a des origines”, comme on dit, presque pour laisser penser à quelque maladie congénitale ou contagieuse. Et, j’éprouve un sentiment de malaise à entendre et voir ce qui a lieu, pris en étau entre deux totalitarismes: celui des indigènes d’ici, les FRANCAIS…de souche et leurs alliés, jouant une partition en duo avec leurs acolytes d’en face (ou du mème coté) dont une des retombées est de nous sommer de nous situer dans un choix dicté par leurs instances.
Je ne suis pas islamiste, ou partisan d’un Islam “conquérant”, ni Charlie.
Je suis, en revanche, sensible aux atteintes et torts faits à mes semblables, musulmans d’extraction ou non, français de nationalité ou d’une autre et qui vivent un véritable déni de leur mal-vie infligée par un système sùr de lui et dominateur, ennemi de tout particularisme ou différence, derrière quoi il ne voit que du négatif, dangereux, ignorant en ètre le fabricateur et le principal coupable. La question sociale, en un mot, est congédiée au profit de la construction de figures coupables, bien commodes, instrument de justification d’un ordre injuste et ravageur. Les Arabes, Ritals et Espingouins d’hier, comme d’autres Roms, sont des figures du populaire qu’on a expulsé du champ social, interdit sa parole pour ne pas dire sa légitimité à défendre ses droits.
Nous avons assisté, depuis les annnées 80, en France, au reflux du mot peuple dans son accception rassembleuse, au reflux du mot ouvrier, de la classe ouvrière encore bien réelle dans son existence exploitée et maltraitée, au profit d’une ethnicisation et racialisation des problématiques sociales et sociétales. Didier Eribon a écrit des lignes lumineuses sur ce phénomène dans un livre intitulé: D’une révolution conservatrice et de ses eftes sur la gauche française.
@Houcine: nous sommes pris entre le marteau et l’enclume, les terroristes ou l’impérialisme occidental. Personellement, ceux qui m’exaspère le plus, ce sont les arabes, noirs, musulmans ou non, qui prennent le parti de cet occident qui n’a jamais rien apporté de bon aux peuples non-blanc. Ce que l’occident a fait en 3/4 siècles au reste de l’humanité est sans commune mesure avec tout ce que l’histoire a à nous apprendre. Traite des noirs, expulsion des juifs d’Europe puis les camps nazis qui exterminerons des juifs, des roms et d’autres, génocide des indiens d’Amérique, colonisation et impérialisme qui perdure avec toutes les conséquences que l’on voit. Et comme ça ne suffit pas on met sur le dos de l’Islam le terrorisme comme pour mieux nous caché que le terrorisme de Daesh ou autre n’est que le fruit de cet occident impérialiste et destructeur de toute forme de pensée autre que la sienne.
@Ilyess: Il me semble que, de fait, toute opinion qui se refuse au choix entre ces deux perversions risque de rassembler contre elle les deux compères. Toute opinion qui chercherait à enquèter sur l’un ou l’autre de ces deux phénomènes risque d’ètre taxée d’angélisme ou de collusion, ou de part-pris, lorsqu’elle chercherait simplement à mettre au jour les contenus et soubassements de ces idéologies.
Il faut, me semble-t-il opposer aux dogmes la volonté de savoir, de comprendre, pour voir clair et se situer en toute responsabilité.
Monsieur Othman, que vous vilipendez par ailleurs, me parait faire oeuvre salutaire en effectuant un tel travail. Labeur qu’on ne peut aisément assigner au soutien ou à la soumission à un quelconque occidentalisme. Il met à nu un certain Islam qui a déserté ses sources et ses fondements, sans se rallier à des visions venues d’outre-méditerranée dans l’aveuglement ou le suivisme.
Encore un long papier d Mr Othman pour rien. Mr Othman tourne en rond, comme trop souvent. En effet, rien ne sert de chercher dans les textes une quelconque interdiction de caricature ou autre représentation des prophètes, ce sont les images tout court qui sont bannis (de l’avis plus que majoritaire et de toutes époques) en Islam, notamment en vertu de hadiths authentique mais passons. Le plus important, au delà du débat du fiqh, c’est de se posé les questions suivante: comment un muslim peut-il ne serait qu’accepter et pire encore, justifier que son prophète soit moqué, voir même insulté dans certain cas, de la sorte? Comment un être humain qui se dis respectueux d’autrui peut-il concevoir, que dis-je penser, que l’on puisse moquer le sacré de centaines de millions d’être sur cette planète? Vraiment je ne vous comprends pas Mr Othman, je ne comprends pas (à moins que je ne comprenne que trop bien) votre désir, concernant l’Islam, de toujours tout remettre en cause. Pour plaire à qui?