Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

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A de nombreuses reprises à la télé ou dans les journaux, parfois même, par la bouche de grand leader politique (tel Hamma Hammami dans une émission de Watania 1) n’entendons nous pas, quand on parle d’égalité fiscale que  les médecins privés :

● paient un forfait de 500 D par an, soit moins qu’un ouvrier spécialisé !

● Qu’ils contribuent fiscalement moins que leurs homologues du secteur étatique,

● Qu’ils sont l’exemple même de l’opacité fiscale…

● Des accusations à l’emporte pièce, qui ne résistent pourtant pas à la vérification objective la plus sommaire, qu’en est-il au juste ?

Et d’abord de quelle médecine privée parle- t-on ?

Car en Tunisie coexistent cote à cote 02 secteurs médicaux privés aux caractéristiques différentes, ce qui prête souvent à confusion :

Un secteur que je qualifierais de « vitrine ou touristique » : cantonné dans les grandes cliniques des grandes villes côtières ou des régions touristiques, réfractaire à la CNAM, avec sa clientèle huppée, ou choisie parmi le gotha de la classe dite moyenne, qu’y a recourt par nécessité, mais qui travaille en grande partie avec la clientèle étrangère, surtout libyenne.

C’est vrai que ce secteur qui mobilise moins de 10% des médecins libéraux tunisiens se porte depuis la révolution libyenne plutôt à merveille, il n’y a qu’à voir le foisonnement des cliniques et autres centres médicaux à Jerba ou ailleurs, de plus il profite d’une opacité fiscale certaine par manque de traçabilité. Ce secteur a aussi ses « vedettes » dont les revenus dépassent souvent ceux des vedettes du show bizz (Nous y reviendrons une autre fois).

Le secteur privé « basique ou de proximité », où exercent 90% des médecins privés, presque tous conventionnés avec la CNAM, ils fournissent prés de 50% de l’offre totale de soins en Tunisie, et sont donc une composante essentielle de notre système de santé, qu’il faut au contraire renforcer , et même aider fiscalement en supprimant la TVA sur la maladie, et en promulguant des incitations fiscales surtout aux profit des plus jeunes pour les inciter à s’installer dans les régions intérieures. Ce secteur est la véritable cheville ouvrière de notre système de santé et c’est lui qui souffre à raison de ces préjugés.

1er préjugé à corriger : Les médecins privés sont au régime forfaitaire !

La réponse est NON, les médecins libéraux comme tous les métiers libéraux sont tous au régime réel. La confusion vient du fait que ce régime réel comporte 02 variantes : avec ou sans, forfait d’assiette.

Pour les médecins qui choisissent le forfait d’assiette (ce qui n’est pas toujours à leur avantage), ils acceptent que leurs charges représentent au maximum 20% de leurs recettes, et fournissent donc un bilan simplifié aux services fiscaux (pas besoins de collecter les factures des différents fournisseurs), mais sont tenus dans tous les cas de déclarer leurs recettes réelles consignées sur un cahier paraphé par les services fiscaux.

Ainsi, selon le ministère des finances, pour 2013, chaque médecin libéral s’est acquitté d’une somme moyenne de 4708 D au fisc, ainsi, les médecins privés viennent en tête des professionnels libéraux quant au montant de leur contribution fiscale (loin devant les avocats et même les experts comptables qui se sont acquittés auprès du fisc en 2013 respectivement des sommes de 1905 D et 4619 D).

2ème préjugé à corriger : Les médecins privés contribuent moins que leurs homologues du secteur public !

Encore un préjugé qui ne tient pas la route, car une contribution fiscale moyenne de 4708 D en 2013 correspond à une déclaration de revenu de 25 000D/an soit un salaire équivalent à prés de 2100 D/an qui est supérieur à la moyenne des salaires des médecins de la santé publique. Donc un médecin libéral s’acquitte en moyenne autant qu’un fonctionnaire rémunéré par un salaire brut de 2100 D/an.

Et quand on sait que dans le secteur privé le « salaire » n’est pas garanti à chaque fin de mois, on comprend pourquoi de plus en plus de médecins (surtout les plus jeunes) rejoignent le secteur public ou s’expatrient à l’étranger surtout en Allemagne (qui accueille à bras ouvert depuis 05 ans de plus en plus de médecins tunisiens) ou au Canada.

3ème préjugé : les médecins privés sont les champions de l’évasion fiscale !

Ça l’était peut être avant, mais depuis 2006, plus de 95% des médecins privés (c’est-à-dire tous les médecins conventionnés avec la CNAM au nombre de 8000 praticiens) ont été « acculés » progressivement à une  transparence fiscale quasi absolue, puisqu’ils sont soumis à une retenue à la source de 5 à 15%, qui permet une traçabilité fiscale sans comparaison avec aucun autre secteur en Tunisie, et, cerise sur le gâteau fiscal, ils paient d’ avance, puisque la retenue est versée au fisc avant la perception des honoraires.

Mais ne dit-on pas que les préjugés ont la vie dure !