Comme l’affirme, l’ancien président Américain Jimmy Carter, « le printemps arabe n’est pas achevé ». Ce tsunami appelé « printemps arabe » a été à l’origine d’une floraison d’institutions gouvernementales et non gouvernementales étrangères, ayant trait à la Tunisie. Prolixes en recommandations de tout genres, ces organisations ne cessent d’aller et venir, de rencontrer et d’influer sur notre chère (et même onéreuse) Assemblée Nationale Constituante, et ce même après l’adoption de la Constitution du 27 janvier 2014. A l’instar de l’International Crisis Group qui a rencontrée le président de l’ANC, M. Ben Jaafar, et qui est disposée à aider la Tunisie dans sa transition démocratique, d’autres se positionnent et offrent leurs services à ce laboratoire démocratique que se trouve être la Tunisie.
Dernier en date, le Carter Center qui, dans un communiqué de presse publié le 10 avril dernier, incite à prendre les mesures législatives nécessaires, quant à la consécration des droits humains au sein de la Constitution Tunisienne.
Le Carter Center
Le Carter Center est une organisation non gouvernementale et non partisane, créée en 1982 par l’ancien président américain Jimmy Carter et son épouse Rosalynn , en partenariat avec l’université Emory.
La finalité du Carter Center est la résolution des conflits, la promotion de la démocratie et des droits de l’Homme, ainsi que la prévention et soin des maladies, et ce dans plus de 70 pays.
Les missions du centre sont effectuées sur la base de recherches et d’analyses. Une fois celles-ci établies, le centre, en collaboration avec différents partenaires, dont El Bawsala et Amnesty International en Tunisie, entre en action que ce soit à travers des recommandations ou à travers un travail direct sur le terrain.
Le travail du Carter Center a débuté en Tunisie, en 2011, avant les élections de l’Assemblée Nationale Constituante. Mme Kara Baya, chargée des opérations au Carter Center en Tunisie nous explique :
Le Centre Carter a mis en place une mission d’observation électorale et publié plusieurs déclarations concernant le processus électoral, visant à élire les membres de l’ANC. Un rapport final a été publié en 2012 et a été distribué à tous les acteurs et rendu publique.
Entre suivi du processus de transition démocratique en Tunisie et formations à la société civile, « le Centre a maintenu sa présence en Tunisie en suivant le processus constituant, appuyée par certaines activités avec les organisations de la société civile, dont une formation et des workshops pour évaluer les élections de 2011. Le Centre a suivi l’élaboration de la constitution et a rendu publique plusieurs déclarations, en mettant en avant certaines recommandations. Le Centre a pu suivre les travaux des différentes commissions et a rencontré les membres des six commissions, ainsi que les membres de la commission des consensus pour leurs faire parvenir nos recommandations. »
Ces recommandations tant en matière de droits humains qu’en matière d’indépendance de la justice constituent la base du travail du Carter Center en Tunisie dont la dernière déclaration du 10 avril dernier vient compléter.
Ces recommandations sont parvenues à tous les députés et le centre fait un plaidoyer auprès des différents membres de l’ANC pour les leur expliquer,
ajoute Mme Kara.
Les recommandations
La nouvelle Constitution pose des fondements solides pour la mise en place d’un Etat de droit et la protection des droits humains en Tunisie. Il est maintenant essentiel de procéder à une révision rigoureuse du cadre juridique afin de le mettre en conformité avec la nouvelle Constitution et d’assurer la pleine réalisation des droits qui y sont inscrits.
Jimmy Carter, ancien président des Etats-Unis.
Ces recommandations préconisées par le Carter Center sont axées sur 3 volets : Droits de l’Homme, mise en œuvre de la Constitution et enfin un volet intitulés : institutions.
-Recommandations liés aux droits humains :
Une des premières recommandations vise à reformer le cadre juridique existant en matière de droits humains afin de l’harmoniser et de s’assurer de sa conformité avec les règlements internationaux, mais aussi avec la nouvelle Constitution. En effet, bien que novatrice en matière de libertés, cette Constitution ne fait aucune référence aux engagements internationaux de la Tunisie en matière de droits humains, et c’est probablement là, où se situe l’enjeu pour le Carter Center.
Par ailleurs, le centre recommande la garantie du principe d’égalité et l’interdiction de toute discrimination en matière de vote, conformément aux standards internationaux, ouvrant ainsi le champ au droit de votes des étrangers. Cette question de « citoyenneté de résidence » à l’origine de nombreux débats en France, par exemple, n’a jamais encore été appréhendée en Tunisie. Cette part de la population représentait, en 2004, 35 192 personnes sur 9,9 millions d’habitants , soit 0,36% de la population. La part de cette population à surement dû augmenter, depuis la révolution, le prochain recensement de 2014 nous en apprendra surement plus.
Cette question de droit de vote des étrangers pose plusieurs interrogations : est-ce un idéal démocratique prôné par le Carter Center dans un esprit de mondialisation migratoire ? Ou est-ce plutôt le pendant social réglementaire des « œuvres » économiques et financières des institutions, tels que le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, dans leurs tentative d’ouverture et d’accaparement de l’économie Tunisienne ?
Enfin, dans ce volet des droits humains, le Carter Center encourage la mise en place de mécanismes de garantie des droits des femmes, conformément aux articles 34 et 46 de la Constitution. Enfin l’adoption de lois garantissant la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels est vivement recommandée.
-Recommandations liées à la mise en œuvre de la Constitution :
Le Carter Center propose aux juges une interprétation extensive de la loi et notamment de la Constitution conformément aux conventions internationales, mais aussi conformément à la jurisprudence internationale en matière de droits humains. En effet, dans un premier temps et en l’absence d’une Cour Constitutionnelle, qui tarde à voir le jour, le contrôle de la constitutionnalité étant pour le moment difficile à réaliser, la seule garantie viendrait de ces standards internationaux, à charge pour la future Cour Constitutionnelle d’en faire de même, une fois crée. Pour Mme Salwa Hamrouni, Maître de conférences à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis et Membre du bureau de l’Association Tunisienne de Droit Constitutionnel, il existe cependant des mécanismes autres que le recours aux conventions internationales afin de garantir les droits humains, même si elle déplore l’absence de référence aux conventions internationales :
Il y a dans la constitution des mécanismes essentiellement juridictionnels pour garantir les droits et liberté: le juge constitutionnel est là pour vérifier si le législateur respecte la Constitution, le juge administratif pour vérifier si le pouvoir exécutif respecte la loi, et enfin le juge judiciaire qui résout les conflits entre particuliers et qui fait donc respecter les droits. Tout cela dépend donc de plusieurs facteurs, dont notamment l’indépendance des juges et leur formation en matière de droits humains. Sinon le point faible reste l’absence de toute référence aux engagements internationaux de la Tunisie en matière de droits humains.
Par ailleurs, il est demandé dans cette déclaration d’encourager les législateurs, mais aussi les juges, à protéger la liberté de croyances et de religion, tout en protégeant les droits et libertés fondamentales, les excluant des restrictions apportées par l’article 49 de la Constitution, notamment en cas de circonstances exceptionnelles, tel que le décret de l’état d’urgence par exemple.
-Recommandations liés aux institutions :
La reforme du cadre juridique demandée par le Carter Center vise aussi les dispositions liées au pouvoir judiciaire dont l’indépendance doit être établie. Cette indépendance doit se caractériser, tant en matière de nomination, de promotion, qu’en matière d’inamovibilité des juges(*), principale garantie de cette indépendance. Par ailleurs le centre exhorte à la mise en place rapide de la commission provisoire chargée du contrôle de constitutionnalité, telle que prévue par le septième alinéa de l’article 148 de la Constitution , afin qu’elle puisse statuer sur le projet de loi électorale. Cette dernière recommandation sonne comme un avertissement. La création de cette commission provisoire aurait dû être une priorité, mais sa mise en place traine, bien que le projet de loi organique relatif, soit fin prêt. Il convient de rappeler que les membres de l’Assemblée Nationale Constituante ont jusqu’au 27 avril pour adopter ce projet de loi.
De plus, le Carter Center recommande de soumettre le règlement intérieur de la future Assemblée des Représentants du Peuple, à la commission provisoire chargée du contrôle de constitutionnalité, tout en facilitant l’accès aux commissions et aux discussions plénières à la société civile et aux médias dans un souci de transparence.
Par ailleurs, et en dehors de ces recommandations, le Carter Center évalue le processus électoral à travers différentes actions, comme l’affirme Mme Kara.
1. Le centre a suivi l’élaboration de la loi portant création de l’ISIE et a été auditionné par la commission de législation générale pour présenter ses recommandations,
2. Le Centre a suivi aussi l’élection des 9 membres de l’ISIE et a publié plusieurs déclarations concernant le processus de sélection,
3. Le centre carter est en train de suivre le processus d’élaboration de la loi électorale, depuis l’élaboration des différents projets de loi par la société civile, la présentation des projets à la commission de législation générale et les débats qui ont suivi, au sein de cette commission, jusqu’à l’élaboration du projet de loi actuel. Le centre est en phase de préparer une déclaration visant à analyser le projet de loi et apporter certaines recommandations.
4. Le Centre est en train de suivre les activités de l’ISIE à travers des rencontres périodiques avec les membres de l’instance et une déclaration datant du 11 février 2014, a été publiée décrivant les activités de l’ISIE, en insistant sur certaines recommandations pour le gouvernement, ainsi que pour l’ISIE pour arriver à organiser des élections transparentes et crédibles.
5. Le Centre Carter mettra en place une mission d’observation électorale pour le suivi et l’analyse du processus électoral depuis le début du processus électoral, jusqu’à l’annonce des résultats définitifs. Le Centre donnera plus de détails sur la taille et la composition de la mission d’observation électorale, au moment voulu.
* Thèse de doctorat en droit public : “L’inamovibilité des magistrats, un modèle ?” soutenue par Olivier Pluen à l’Université Panthéon-ASSAS, le 22 novembre 2011.
Le Carter Center a publié en 2012 au moins deux communiqués relatifs à la loi organique portant sur la création à l’ISIE. Dans ces deux communiqués, le Carter Center a alerté l’opinion publique ainsi que le gouvernement nahdhaouis sur les écarts considérables entre les deux projets de loi successifs déposés par le gouvernement Hammadi-Préparatation et les standards internationaux en matière de gouvernance des élections. Toutes les recommandations du Carter Center ont été rejeté par l’assemblée nationale des cambrioleurs (ANC). Pire, cette loi organique a été amendé trois fois de suite pour “limiter l’ingérence du tribunal administratif dans le processus de sélection des membres de l’ISIE” (sic! une déclaration de Jalel Bouzid, un mercenaire du FDTL travaillant pour le compte de Ghannouchou Chocotom, sur expressfm en janvier 2014).
Toutes les recommandations citées ci-dessus, particulièrement celles portant sur les droits humains et l’indépendance de la justice, trouveront elles-aussi leur chemin à la poubelle. Bien sûr, comment voulez-vous que celles-là soient prises en compte alors que le tribu des 217 cambrioleurs de l’aube veulent mettre en place des courts spéciaux pour soit-disant “rendre justice aux martyrs et aux blessés” du soulèvement 17/10-14/11? entre autres!
@tounsi
La Tunisie étant un pays souverain, pourquoi devrait il suivre une quelconque recommandation de gens qui ont soutenu la dictature de Ben Ali et qui aujourd’hui voudraient rendre le pays dépendant aux institutions financières mondiales?
Vous croyez vraiment que ce que les occidentaux disent est parole d’évangile?
“ce laboratoire démocratique que se trouve être la Tunisie.”
Je pense que cette phrase résume assez bien comment nous sommes considérés par les occidentaux.
Je croyais que le paternalisme était une caractéristique singulièrement française et bien je me suis trompé!
D’un autre coté, la Tunisie manque cruellement de cerveau apte à relever les défis intellectuels proposés par nos institutions naissantes.
Une des constantes caractéristiques chez les défenseurs des apprentis-sorciers qui nous construisent depuis le 23 octobre 2011 une plateforme pseudo-démocratique qui sert plus à raviver le système Ben Ali et lui donner un nouveau souffle de vie que d’édifier des institutions démocratiques dignes de ce nom, est la suivante: “Nous sommes un pays souverain. Nous n’acceptons donc pas le modèle démocratique occidental”. Faux et archi-faux! pire ! une diversion!
D’abord, les ardents défenseurs du nouvel ordre chocotomien ne parlent jamais de la souveraineté du pays qui a été malmené à maintes reprises sous le règne de leur gourou quand il s’agit des vrais dossiers: Par exemple, au sujet des ressources naturelles, Ennakba s’est fermement opposée à inscrire la souveraineté du peuple sur ses ressources dans la constitution. Quand cela est devenu un scandale publique, elle a fini par accepter le principe mais a tout fait pour retirer la mention d’obligation de publication de tous les contrats relatifs aux ressources naturelles (une composante majeure de la souveraineté nationale), ce qui a été fait! Personne ne parle par exemple du congrès des amis du Syrie qui a été organisé sur le sol tunisien par les qataris en février 2012 et durant lequel les qataris ont décidé la suspension des relations diplomatiques entre la Tunisie et le Syrie, chose que le Tartazouki (qui a reçu à cette occasion des leçons de Cheick Hamad en matière d’étiquette et de poignée de main) a exécuté dans l’immédiat mettant nos intérêts et nos citoyens dans ce pays en péril. Les nombreux cas de figures où la souveraineté de la Tunisie a été délibérément piétiné par le Gourou et ses mercenaires ne sont jamais pris en compte par ces souverainistes à temps partiel!
Ceci dit, il y a trois points que je souhaite souligner en réponse à tes questions:
– Le premier concerne cet occident que l’on accuse de tout sans faire de distinction claire entre états, ONGs, peuples et secteur privé. Selon mes humbles connaissances, Carter Center est une ONG qui oeuvre dans le domaine de promotion des valeurs démocratiques. Cette ONG n’a jamais soutenu Ben Ali. Si c’est le cas, tu peux me donner la preuve du contraire. Je changerai mon avis. L’expertise des ONGs qui œuvrent dans le domaine de promotion de la culture démocratique est appréciable surtout si ces ONGs sont réputées d’être indépendantes. Il n’y a rien de mal d’écouter les avis de toutes les organisations et les structures occidentales tant et aussi longtemps que leurs expertises sont indépendantes, intéressantes et sans contre-partie.
– Le deuxième concerne le modèle démocratique lui-même. À mes connaissances, la démocratie n’est pas une invention de Ghannouchou Chocotom ni de ses mercenaires (tel que le fameux Tartazouki). Il s’agit d’une invention humaine qui remonte à la Grèce antique. Le monde occidental a développé de nombreux modèles de gouvernance se basant sur cette notion durant les cinq derniers siècles. Le monde moderne a connu cinq grandes vagues de démocratisation dont la dernière remonte aux années 1990. Il y a plein d’expériences dans plusieurs régions du monde. La Tunisie n’est pas un pionnier en la matière ni son élite d’ailleurs. Donc, dans ce domaine, oui, nous avons besoin d’apprendre des autres des quatre coins du monde. Et il n’y a aucun mal à évaluer, apprendre et s’inspirer de leurs expériences qu’ils soient occidentaux, sud-américains, européens de l’est ou autres.
– Le troisième concerne ce qui est acceptable et recevable et ce qui ne l’est pas. J’ai moi-même suivi le processus de développement de loi organique portant sur la création de l’ISIE. J’ai lu avec beaucoup d’attention les différentes recommandations émanant d’un nombre d’ONGs et d’organismes dont Carter Center. Et j’ai essayé de me documenter sur la façon de faire des autres pays démocratiques. Mon constat est clair et amère. Les chocotomiens et les apprentis-sorciers de l’assemblée nationale des cambrioleurs (ANC) ont délibérément esquivé toutes les recommandations sérieuses. L’ISIE actuelle et sa loi fondatrice ne sont pas en accord avec les standards internationaux en la matière, particulièrement en ce qui porte sur le pouvoir juridique de l’instance, son indépendance et sa gouvernance. C’est après avoir un effort de recherche, de compréhension et de comparaison que j’ai fait ce constat. Moral de l’histoire: Nous ne sommes pas appelés à appliquer les recommandations et les conseils des autres tels qu’elles. Nous devons d’abord faire un effort nécessaire pour comprendre, comparer puis choisir ce qui va avec les objectifs qu’on se fixe. En passant, je suis actuellement avec beaucoup d’intérêt l’élaboration de la loi électorale. Dans son état actuel, le projet qui a été soumis à l’ANC est aussi loin des standards internationaux portant surtout sur le déroulement du scrutin, le contrôle du financement de la compagne électorale et les sanctions des fraudes. Si un chotomien aura à défendre le projet de ses maîtres de l’ANC, son argument sera fort probablement le suivant: “La réalité tunisienne est différente de celle des pays démocratiques et stables”. Encore une fois: Faux! La démocratie est un concept qui a besoin de lois et d’institutions crédibles qui l’appliquent. Pour que ces lois et ces institutions soient vraiment crédibles et dignes de confiance, il y a des normes qu’il faut respecter. En termes très simples, on peut assimiler la démocratie à un navire. Pour que ce navire soit apte de naviguer dans les mers, il faut que les matériaux dont il est construit, la façon de sa construction et les gens qui le pilotent respectent un certain nombre de normes (de sécurité, de compétence, de consistance, etc.). On ne peut pas bâtir un navire n’importe comment et par n’importe quoi et dire que c’est un navire souverain qui vient de chez nous, on n’a pas besoin des expériences des autres pour que cela fonctionne! En tout cas, s’il n’est pas homologué personne ne le fera entrer dans ses eaux territoriales. w 7dithna 9yess !