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Capture d’écran : l’émission « Liqaa khass » de Telvza Tv du 11 avril 2015.

Déjà 15 ans depuis le 06 avril 2000, date de décès du Président Bourguiba. Pour l’occasion, les médias sont revenus sur le parcours du premier chef d’Etat tunisien et emblématique leader de la lutte pour l’indépendance. De sa part, Telvza Tv lui a consacré son émission « Liqaa khass »* du samedi 11 avril. Une lecture étriquée a été proposée aux téléspectateurs. Focus sur cette émission dans ce premier volet avant de vous inviter à un zapping dans le deuxième.

L’invitée est Tahar Belkhodja, ministre durant 14 ans du règne de Bourguiba avec plusieurs portefeuilles à sa charge : l’agriculture (juin 1969 – novembre 1970), la jeunesse et les sports (novembre 1970 – octobre 1971), l’Intérieur (mars 1973 – décembre 1977) et de l’Information (décembre 1980 – juin 1983). Aucune critique n’y a été faite sur le règne de cet autocrate qui a gouverné la Tunisie au long de trois décennies (1957-1987). Cette interview s’apparente plus à une tribune libre avec un modérateur qui l’oriente, de temps à autre, vers une thématique plutôt qu’à un échange où le journaliste cherche l’information et le témoignage pertinent.

Dans cet entretien, il ne s’agit que des bienfaits de Bourguiba. Il n’a que des qualités. Les tentatives de l’intervieweuse d’évoquer les très contestables choix du Zaïm se sont exprimées à travers de vagues allusions. Et encore, elles sont restées rares et timides. La démarche se montre boiteuse. La flagrante absence de ressources cognitives l’entrave davantage. L’interview n’avance pas. Et ce n’est pas sans données historiques pertinentes ni sources ou références qu’elle saura évoluer.

Dans cette émission, les faits historiques ont été considérés comme des opinions. Le téléspectateur est ainsi livré à une seule et unique version, celle d’un Tahar Belkhdoja incapable de formuler la moindre critique malgré les années de recul, inapte même à faire le bilan de son passage au Ministère de l’Intérieur et celui de l’Information. Une période durant laquelle la répression était le pain quotidien des opposants. Des années durant lesquelles les médias ont été contraints au silence.

Et ce n’est pas l’insertion vidéo en introduction de l’interview qui amènera de l’équilibre. Elle ne cite que les qualités de Bourguiba : Son épique lutte pour l’indépendance, sa ruse et sa maturité diplomatique, son édification de l’Etat moderne, ses décisions en faveur des droits des femmes, sa vision sociétale et son engagement pour la mise en place de systèmes éducatif et sanitaire efficients…etc. Bref, que des qualités. Rien sur le fait qu’il soit le fondateur d’une République bafouant les valeurs républicaines. Rien sur les hésitations économiques et l’échec de certaines des politiques de développement à l’origine des persistantes disparités régionales. Rien sur l’autoritarisme, la répression et la torture des opposants de tous les bords qu’ils traitaient de « microbes » en 1976. Rien sur le règne à vie qui a affaibli l’Etat et laissé la porte ouverte au coup d’Etat de novembre 1987.

Ce traitement sélectif du parcours de l’homme le plus important de l’histoire de la Tunisie indépendante est, pour le moins qu’on puisse dire, inquiétant. Serait-ce une exception ou une tendance dominante dans le paysage télévisuel tunisien ? C’est ce qu’on a vérifié en revenant sur les programmes du 06 avril 2015 des trois chaînes les plus regardées en Tunisie : Watania 1, El Hiwar Ettounsi Tv et Nessma. A suivre dans la deuxième partie.

* Liqaa khass : Rencontre spéciale, traduction littérale de l’arabe.