En vertu de sa rentabilité, le secteur de la gestion des déchets demeure un terrain propice à l’opacité et donc à la corruption. Avant l’avènement de la révolution, le pillage dans ce secteur était flagrant voire même institutionnalisé. Quatre ans après la révolution, qu’en est-il vraiment de la situation
Après nos deux enquêtes sur les impacts sociaux puis environnementaux de la décharge de Borj Chakir, nous nous sommes rendu compte du blackout total autour des exploitants de ladite décharge. Depuis les tuteurs des chiffonniers, qui fonctionnent en cachette et qui sont protégés par les “barbéchas” au péril de leurs vies, en passant par les sociétés exploitantes et arrivant à l’Agence National de Gestions des Déchets (ANGED).
Les fortunés de la décharge de Borj Chakir
Sur le terrain, dans la décharge de Borj Chakir, ce sont les chiffonniers qui détiennent le monopole. Mais théoriquement, l’exploitation des décharges en Tunisie est assurée par des entreprises sélectionnées suite à un appel d’offres et qui sont tenues respecter le cahier des charges préparé par l’ANGED. Ce cahier précise les conditions et les exigences techniques de l’exploitation.
La décharge de Borj Chakir a été co-exploitée, à partir du 1er mars 2009, par l’Agence Municipale des Services de l’Environnement (AMSE) en partenariat avec le groupe français PIZZORNO Environnement (GPE). PIZZORNO est spécialiste de la collecte, du transport et de la valorisation des déchets ménagers ou industriels au profit des collectivités locales, des entreprises et des particuliers.
En 2011, PIZZORNI et François Léotard (FL), « l’ex-ministre français et le lobbyiste de luxe » ont été accusés pour diverses infractions par la commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation (CICM) que présidait feu Abdelfattah Amor. A l’époque, la cour du marché a été conclue à PIZZORNO par favoritisme étant donné que François Léotard a bénéficié du soutien du president Ben Ali. « Il apparaît que F. L. a usé de son autorité et ses relations personnelles avec les responsables tunisiens pour influencer le cours du marché, le conclure en faveur de PIZZORNO/Sovatram et donc s’octroyer un avantage injustifié […] portant atteinte aux intérêts de l’État tunisien », lit-on dans le rapport de la CICM et rapporté par Web Manager Center.
En Tunisie, François Léotard est suspecté d’être intervenu auprès du clan Ben Ali pour qu’un groupe français se voie confier la décharge de la capitale […] Entre 2005 et 2007, les autorités tunisiennes avaient lancé trois appels d’offres successifs pour la décharge de Tunis et son agglomération, tous infructueux. Le quatrième sera le bon : fin 2007, Pizzorno décroche enfin le marché, l’équivalent de 20 millions d’euros sur cinq ans. François Léotard, ex-ministre et lobbyiste de luxe en Afrique, Rue89, 15/12/2011.
Le 09 juin 2011, la CICM a déposé une plainte contre PIZZORNO auprès du parquet de Tunis pour l’attribution du marché des déchets de Tunis, jugé illégal. Fin 2013, le contrat avec PIZZORNO a pris fin.
La société Tuniso-Italienne ECOTI qui a succédé à PIZZONO, est, en réalité, la filiale de la société italienne DECO des frères Di Zio, spécialisée dans la collecte, le transport et la valorisation des déchets ménagers ou industriels. ECOTI étant une coentreprise entre la société Italienne DECO et les sociétés tunisiennes Socobat et Al Badr. DECO, la société italienne, fait aussi face à de graves accusations de corruption et de malversation à Pescara en Italie. Actuellement, sa filiale en Tunisie, ECOTI, exploite non seulement la décharge de Borj Chakir mais aussi la décharge d’Enkhila à Nabeul et celle de Oued Laya à Sousse.
Ainsi, les frères DI ZIO ont remporté un marché de gestion de 460 000 par an suite à l’appel d’offre pour l’exploitation de 3 décharges et de 13 centres de recyclages en Tunisie. D’après ce même journal, les frères Di Zio ont créé la société ECOTI afin de remporter l’appel d’offre de la gestion d’ordures en Tunisie.
Un autre article de Pietro Lambertini dévoile également qu’ECOTI est en cours de construction de nouvelles décharges à Tozeur, Mahdia et Zaghouane.
D’après Morched Garbouj, président de l’association SOS BIAA, l’appel d’offre lancé pour l’exploitation de la décharge de Borj Chakir était un appel d’offre national. Ainsi, l’ANGED ne peut que favoriser les sociétés exploitantes déjà existantes, SEGOR ou ECOTI, empêchant l’implantation de nouveaux acteurs sur le territoire. Dès lors, le secteur de gestion des déchets souffre d’un manque accru de concurrence.
De sa part, Afef Tlili, activiste pour le développement durable, affirme que :
Le faible nombre d’opérateurs est à la fois la cause et la conséquence du système actuel …Tout dépassement est l’entière responsabilité de l’administration tunisienne.
Le soupçon de corruption de l’ANGED
On ne peut oublier, non plus, le soupçon de corruption relié aux institutions environnementales évoqué par Faouzia Bacha Amdouni, qui, lors d’une conférence de presse tenue durant le mois de juillet 2014 a souligné que « le département même de l’environnement a été créé en 2005, non pour développer les politiques et les projets innovateurs de traitement des déchets ou des stations d’assainissement, mais pour recevoir les ressources des bailleurs de fonds internationaux et les investir, en absence totale de contrôle, dans des projets personnels profitant aux clans au pouvoir et à leurs proches ».
Dès sa mise en place, l’ANGED s’est rapidement dotée de ressources pour, soit-disant, redorer l’image de la Tunisie comme étant un pays protecteur de l’environnement. Or, depuis la révolution, l’ANGED a opté pour une politique de « fuite en avant ». Cette institution a complètement éclipsé et nié les véritables problèmes juridiques et institutionnels qui touchent le secteur de gestions des déchets, prétendant que le problème des décharges est exclusivement d’ordre technique.
Statut juridique inapproprié
Le statut juridique de l’ANGED, étant un établissement public à caractère non administratif (EPNA), semble poser un problème. « A quel point cette nature juridique est adaptée aux fonctionnements de cette institution ? », se demande l’activiste Afef Tlili.
Ce statut exige un manuel de procédures qui décrit l’organisation, les procédures de gestion administrative, financière et comptable des projets mis en œuvre, ajoute Afef Tlili.
La mise en place de ce manuel de procédures a le mérite decréer un cadre formel d’exécution des opérations tout en exigeant une démarche analytique stricte. Ce manuel garantit un contrôle régulier et une efficacité interne du système de gestion des déchets. Il permet également la responsabilisation du personnel dans l’accomplissement de leurs missions, et donc, permet de lutter contre des éventuels détournements ou malversations administratifs. Le bilan environnemental actuel prouve à quel point l’omission de ce manuel de procédures est catastrophique.
Par surcroit, l’ANGED est fortement décrédibilisée par les contrats de sous-traitance conclus avec les intervenants. Les règles de concurrence sur le marché n’ont pas été suffisamment respectées. L’ANGED a confié l’exploitation des décharges aux sous-traitants sans garder un contrôle adéquat qui serait susceptible de limiter l’occurrence des dépassements techniques. Des doutes sérieux persistent sur la capacité organisationnelle de l’ANGED et surtout sur ses instruments de pilotage, surtout à l’échelle régionale et locale.
Sur ce, plusieurs interrogations s’imposent :
● L’ANGED opère-t-elle en budgétisation analytique qui permet de mesurer l’effectivité des interventions et de déterminer le coût de chaque opération ?
● Y a-t-il des mesures de monitoring des projets et surtout d’évaluation financière et opérationnelle ?
Communication institutionnelle défaillante
Avant d’être un problème purement technique, le problème de Borj Chakir est avant tout un problème institutionnel et organisationnel, mais aussi social et de communication avec les citoyens et les acteurs de la société civile. La non implication des riverains de la décharge de Borj Chakir dans la prise de décision a fait que l’ANGED a perdu sa crédibilité.
À Borj Chakir le problème serait résolu par l’implication des habitants de la région. Hélas, on est loin de ça, puisque l’ANGED fait encore des extensions contre la volonté des habitants sans leur expliquer le processus ni se responsabiliser et passer à une sérieuse indemnisation ou à un programme de relogement, dénonce Afef Tlili.
Le problème de communication se manifeste également entre l’ANGED) et son ministère de tutelle, le ministère de l’Environnement et du Développement Durable.
D’un autre côté, vu le fait que l’ANGED est financièrement autonome, puisqu’elle collecte directement les éco taxes, elle demeure plus opérationnelle que son ministère de tutelle. La mission du ministère se limite alors à la validation ou non des suggestions de l’ANGED.
l’ANGED n’informe pas suffisamment. Y a t-il publication régulière des rapports d’activité ? Le public a t-il accès aux données générales et relatives aux projets ? se demande Afef Tlili.
Afef Tlili rappelle aussi que le coût de la dégradation de l’environnement dû aux mauvaises pratiques de gestion des déchets solides dans le Grand Tunis atteint les 17.3 millions d’euro, soit 0,16% du PIB du Grand Tunis et 0,04% du PIB national. Quant au coût de l’inaction (perte d’opportunités) il est estimée à 23,1 millions d’euro.
La gestion des déchets reste partagée entre plusieurs intervenants, ce qui fait que la responsabilité est partagée et la redevabilité est inapplicable, chose qui favorise l’absence de transparence.
L’ANGED est aujourd’hui face à un choix inévitable : ou bien mettre un terme à cette situation qui fait d’elle le seul opérateur national, et dans ce cas se transformer en un office national de Gestion des déchets, ou bien de reprendre sa mission principale de renforcement des capacités des communes.
Les acteurs concernés de la société civile sont mobilisés et souhaitent participer efficacement au processus décisionnel pour une gouvernance plus dynamique de la gestion de déchets dans le pays. Une réforme législative, institutionnelle et administrative, touchant l‘ANGED et le secteur, est un pas indispensable pour toute volonté réelle de protection efficace de l’environnement.
Il faut en finir avec les décharges ca ne fait que reporter les retombées écologiques.
La premierer chose a faire est le tri selectif. Meme si on l’a deja essaye en Tunisie et ca n’a pas marche, il faut trouver d’autres alternatives pour l’implanter partout dans le pays. Le papier est represente la plus grande part des dechets, alors que c’est un materiau recyclable et valorisable. Le plastic et le verre aussi et meme si on n’a pas les moyens pour les recycler en ce moment, on peut toutefois les stocker. Pour le reste des dechets le meilleur moyen est l’incineration avec un systeme CHP (combined heat and power) et avec tous les dechets qu’on a et qu’on genere quotidiennement cette technologie pourra produire assez d’electricite pour pallier le manque d’energie dans le pays et la demande croissante de la population surtout avec les prix exorbitants de la STEG en ce moment.
Dans un pays qui se respecte, le tri sélectif et le recyclage doivent être universels. Les citoyens qui ne suivent pas doivent être verbalisés. Le respect et la protection de son environnement est un devoir et une obligation de citoyenneté qui est inscrite dans la constitution. Il faut aussi un code pour l’environnement et une stratégie pour changer les mœurs et l’éthique concernant l’interaction du citoyen avec son environnement (éducation, compagnes de sensibilisation, participation des ONGs et des médias, etc.). Mais, cela se passe uniquement dans un pays qui se respecte (pas un pays comme le nôtre!).
Sinon, je partage certaines de vos propositions. Toutefois, je suis désolé de vous informer que ce n’est pas un gouvernement mi-RCDiste mi-islamiste, viscéralement corrompu et profondément incompétent, qui les écoutera et encore moins les appliquera.
عايشين_كالزبلة_في_بوبالة
قالها_ثم_أجهش_بالبكاء