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Par Khouloud Dawahi,

L’attentat de Sousse perpétré par un jeune de 23 ans qui couta la vie à 38 personnes a secoué la Tunisie. Seifeddine Rezgui est un jeune originaire de Gaafour, une petite ville du gouvernorat de Siliana. Il poursuivait des études en master professionnel à l’institut Supérieur des études technologiques (ISET) de Kairouan. Il s’agit de l’histoire d’un jeune qui semble a priori bien épanoui, un jeune qui passa subitement du break dance vers le jihad. D’ailleurs Seifeddine Rezgui n’est pas un cas isolé, mais un jeune parmi d’autres auquel s’ajoute le rappeur tunisien Emino, qui rejoint Daech ainsi qu’un grand nombre de Tunisiens entre 5310 et 5810 essentiellement des jeunes d’après le rapport des Nations Unies.

Hélas, l’adhésion des jeunes occulte dans les ténèbres n’est pas subite. Divers facteurs ont contribué à l’implantation d’un environnement propice à la prolifération du terrorisme, notamment un laxisme gouvernemental se manifestant par l’absence de toute stratégie de lutte efficace datant du 2011, un déficit sécuritaire et logistique notable mais surtout un nombre de jeunes qui se flétrit et se radicalise.

En effet les jeunes sont les plus vulnérables aux recrutements et lavage de cerveaux car ils souffrent essentiellement de problèmes sociaux et économiques. On compte 600 milles jeune chômeur diplômé d’après Chiheb Bouden, le ministre des Etudes Supérieures, 18% des jeunes âgés entre 19 et 25 ans qui n’ont aucune activité éducative ou professionnelle d’après Hafedh Laâmouri, ministre de la Formation professionnelle et de l’emploi, qui a indiqué que ce chiffre est « très inquiétant » dans la mesure où « l’oisiveté, mère de tous les vices, peut engendrer la délinquance et le terrorisme ».

En effet l’effervescence de la jeunesse, cette immense force modulatrice du changement, non canalisée vers la productivité ou une forme artistique de confirmation de soi peut virer vers la délinquance ou le terrorisme. L’adhésion volontaire croissante des jeunes à des cellules terroristes est due également pour certains à une crise identitaire d’une jeunesse déboussolée qui n’a pas pu s’intégrer dans la culture de la mondialisation et certaines de ses notions jugées souvent d’incompatible voire même de menace à l’islam tel que l’homosexualité, le libertinage, l’athéisme etc. Jean Tardif estime à ce sens que :

Il existe donc une relation essentielle entre culture et identité. L’identité n’est pas réductible aux caractéristiques biologiques ou physiques d’un individu. Une personne acquiert son identité à travers un processus qui la définit comme être social. L’identité, qui est la condition même de l’existence, ne peut être réduite à sa dimension individuelle : elle se développe à travers la relation aux autres, elle est indissociable d’un processus culturel. La culture et l’identité se construisent dans un processus incessant qui vise à établir la relation sociale en réconciliant dans un même mouvement le développement de soi dans la relation à autrui. Mondialisation et culture : un nouvel écosystème symbolique, Jean Tardif.

le fanatisme religieux revêt alors une forme de résistance identitaire pour certains dont l’amplification mène au terrorisme religieux qui puise sa force de ses discours somnifères glorifiant la mort pour accéder au paradis ou au service d’une cause divine. La mort apparaît souvent comme œuvre héroïque qui confère à l’individu souvent marginalisé de la valeur et de la confirmation de soi ou le sentiment d’appartenance. Le carnage n’est qu’un sacrifice pour aboutir à une fin ou transmettre un message divin à la foule. Les discours fanatiques prônent le djihad comme moyen légitime pour réinstaurer l’empire musulman du 16e siècle, l’ère de la gloire des musulmans. D’ailleurs plusieurs auteurs, notamment Marc Sageman, évoquent, l’échec de la mondialisation. En effet la mondialisation avec son capitalisme farouche a échoué à établir un système économique et social équitable d’où le revirement vers un islam politique radical en guise de nouvel ordre économique et politique comme alternative.

Dans ce sens Cherif Kouba estime qu’il s’agit des actes de personnes désespérées, rendues enragées par un sentiment d’injustice, de détresse existentielle. La religion n’est que le catalyseur irrationnel d’une indignation rationnelle, elle ajoute une exacerbation et des justifications métaphysiques à des réactions morales légitimes qui peuvent exister indépendamment d’elle (celles-ci s’expriment d’une autre façon dans le militantisme politique, l’engagement humanitaire, l’écriture, etc.).

La difficulté à appréhender le terrorisme provient du chevauchement et l’enchevêtrement de ses causes dont l’identification est primordiale pour pouvoir trouver une stratégie de lutte dévastatrice de ce fléau ravageur qui non seulement prend de plus en plus de l’ampleur mais trouve du financement. Nous devons commencer par le combat contre le fanatisme religieux afin de sauver une jeunesse qui tombe proie dans les griffes de ses prédateurs car le capital humain est le plus important pour l’industrie de la mort. Aujourd’hui le combat de Voltaire contre l’obscurantisme redevient plus actuel que jamais. Le philosophe estimait que 

Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage : c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.

Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant. Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c’est à la folie des hommes qu’il faut s’en prendre. Dictionnaire philosophique, Voltaire.

Un bon pas fut entrepris par le gouvernement qui consiste en la reprise du contrôle des mosquées estimées à 80 bâties sans licence pour assurer leur neutralisation. Les mosquées sont des lieux de culte ouvertes à toute personne qui désire prier ou y trouver refuge furent profanées par discours de mobilisation et de recrutement livrés par certains prêcheurs qui ne cessent de s’enrichir en usant du désespoir et des malheurs des autres.

En effet selon des témoignages recueillis par le groupe de travail de l’ONU, les recruteurs reçoivent entre 3000 et 10 000 dollars américains par nouvelle recrue en fonction des qualifications de la personne recrutée. D’autre part le chef du gouvernement Habib Essid a affirmé qu’une nouvelle stratégie destinée à lutter contre le terrorisme à sa source au lieu de réagir aux attaques a été mise en place.

Aussi impérative et primordiale que semblent les mesures sécuritaires qu’il faut renforcer en arsenal et en logistique à court terme, il s’agit également d’une lutte à long terme en combattant les causes qui engendrent le terrorisme comme le chômage, l’oisiveté, les inégalités économiques et sociales, l’endoctrinement religieux et une démocratie naissante malmenée. Il s’avère que le combat ne fait que commencer.