liberte-information-tunisie

Le gouvernement Essid a procédé, début juillet, au retrait du projet de loi sur le droit d’accès à l’information (PJL 55/2014) dès que la commission parlementaire des droits et libertés avait terminé de l’étudier et de l’amender. Ceci constitue pour la plupart des représentants du secteur des médias et de la société civile un énième signe de menace portée aux acquis constitutionnels qui va à l’encontre du processus démocratique en Tunisie.

En effet cet étonnant retrait a provoqué une réaction d’effroi de la part des principaux concernés à savoir les journalistes, médias, syndicats de la profession et quelques associations à l’instar d’Al Bawsala, Reporters Sans Frontières et autres acteurs majeurs de la société civile et défenseurs de la liberté de l’information, de même que la commission parlementaire des droits et liberté, présidée par Mme Bochra Belhaj Hmida.

Alors que d’après nos sources, ceci fut la décision du chef du gouvernement et que le ministre de la Justice lui-même n’en avait pas été alerté, les rares ministères qui se sont exprimés sur le sujet ont justifié cette action comme nécessaire afin qu’ils puissent étudier ce projet de loi puisqu’il a été rédigé et déposé à l’assemblée par le gouvernement qui les a précédé.

Mais cette action n’est pas isolée ! Outre le retrait est survenu en marge des débats sur la loi de lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent, aussi, rappelons le avec le dépôt au parlement du scandaleux projet de loi relatif à la répression des atteintes contre les forces armées, et donc deux textes de loi liberticides quant à la liberté d’information. Ceci en parallèle des intimidations, agressions et arrestations voire condamnations de journalistes, qui se sont intensifiés depuis le début de l’année selon le Centre de Tunis Pour la Liberté de la Presse (CTLP) dans ses rapports mensuels.

Par ailleurs, les critiques adressées par différentes ONGs nationales et internationales (dont l’union syndicale UGTT) au gouvernement et parlementaires au sujet de la nouvelle loi de lutte anti-terroriste, ont principalement porté sur les menaces de ce texte par rapport aux droits et libertés fondamentales tel que protégés par la nouvelle constitution du pays, notamment le droit d’accès à l’information et donc la liberté de la presse et d’expression en général.

Cette mise en garde par la société civile n’avait pas été prise en compte dans les amendements apportés à la loi. Plus grave encore, les agressions d’une partie de l’opinion publique partisane du principe « pas de droits ni libertés dans la lutte anti-terroriste » contre les acteurs de la société civile se sont intensifiées, via même des plaidoyers propagandistes véhiculés par certains médias, comme le quotidien « La Presse ».

Des indicateurs et évènements successifs, s’accumulant depuis le début de l’année, servent principalement à museler les médias d’une part et à mettre en échec le processus démocratique d’autre part, comme l’a souligné le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) Néji Bghouri, lors d’une conférence de presse organisée par le SNJT et RSF à l’occasion du lancement d’une campagne de sensibilisation autour de l’importance de la liberté de la presse.

Par la symbolique du fil dans le visuel de la campagne, RSF voudrait s’adresser non seulement au secteur des médias et journalistes, mais aussi à tous les citoyens récepteurs de l’information mais aussi sont en droit d’accéder directement à l’information par le biais de cette loi « le droit d’informer et d’être informé, essentiel à toute démocratie ». Tout en rajoutant une citation de Rosa Luxembourg « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement », la directrice de RSF Tunisie Yasmine Kacha, a tenu à rappeler un exemple de l’utilité d’une telle loi, celle de connaître la vérité sur les deux journalistes tunisiens disparus en Libye, Sofiene Chourabi et Nadhir Guetari.

Notons que le président du SNJT, après avoir appelé à plus d’assiduité éthique de la part des journalistes, il s’est tout de même clairement dit en faveur de tous les moyens possibles pour faire revenir ce projet de loi au sein de l’Assemblée,

Nous utiliserons toutes les formes de contestations possibles comme par le passé, et pourquoi pas aller vers une grève générale du secteur, a-t-il déclaré.

Un projet, même s’il contient des lacunes, demeure essentiel, non pas pour faire de la Tunisie un exemple à suivre seulement, mais d’abord pour avoir un quatrième pouvoir libre, indépendant et professionnel, qui en disposant des informations nécessaires pourra les transmettre aux citoyens, comme ce fut le cas par le passé et dans la première forme du Décret-loi 41/2011, qui nous a permis entre-autre, grâce aux efforts de la société civile, d’avoir accès à une Assemblée Constituante, via la campagne « 7ell ».

Outre cette application directe du droit d’accès à l’information ou encore de la liberté de l’information, cette loi permettra aux citoyens d’exercer leur droit sur l’administration à l’exemple du suivi de la bonne gouvernance, la dénonciation des dépassements…

Ce droit établi une sorte de transparence de la part de l’administration, et amènera forcément les Tunisiens à accorder plus de confiance à ceux qui les gouvernent. Il est donc important que le gouvernement, qui de part la constitution est le garant des droits et libertés de chaque citoyen, revienne sur sa décision et dépose à nouveau ledit projet de loi.