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Par Mansour Souibgui(1)

Si l’immigration clandestine a toujours été, depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, l’une des préoccupations essentielles des hommes politiques composant l’Union européenne, et notamment la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, il n’en demeure pas moins vrai que l’encouragement, à peine voilé, apporté aux « Républiques scissionnistes » pour sortir de l’Union soviétique était l’un des moteurs essentiels, le catalyseur déterminant qui a permis à cette nouvelle immigration de s’amplifier et de prendre l’ampleur que nous connaissons aujourd’hui.

À l’origine, l’idée était loin d’être innocente ni guidée par une quelconque charité chrétienne. Celle-ci répondait en fait à des impératifs idéologiques et stratégiques élaborés dans les chambres closes des agences du renseignement et téléguidés par le shérif du monde, l’Oncle Sam en direction de l’Europe et celle-ci se doit de mettre en application de tels ordres comme si la politique étrangère européenne se décide non pas dans le Vieux Continent, mais à la Maison-Blanche. D’ailleurs, la réaction indignée du Président François MITTERRAND, vis-à-vis des États-Unis et sa célèbre phrase « la politique de la France se décide en France », en réaction contre les États-Unis qui protestaient contre la nomination de 4 ministres communistes au Gouvernement de Pierre Mauroy, en 1981 prouve si besoin est cette affirmation. Quelques années plus tard, le Président Jacques CHIRAC devait rappeler ce même principe. Les Américains ne s’en cachent pas, et l’ancien président Richard Nixon y revient dans « Le Mythe de la paix » publié en 1984 : «L’Occident à une longue tradition démocratique que ne partage pas la majorité du reste du monde. Les États-Unis ont tendance à foudroyer de leurs éclairs moralistes les régimes qui ne se maintiennent pas à la hauteur des droits de l’homme. Pourtant ils n’ont accordé le droit de vote aux femmes qu’il y a soixante-trois ans et ils n’ont garanti aux Noirs les droits civiques que depuis vingt ans. Nous devons être, moins péremptoires dans nos jugements»

La déconfiture de l’URSS fut accompagnée d’une multiplication des foyers de tentions, voire de guerre, d’un exode important de réfugiés économiques de l’ex-URSS, des Balkans, des Afghans et autres réfugiés encouragés par l’Occident. Les États-Unis après avoir conduit à la faillite le régime soviétique qu’ils considèrent comme étant l’ennemi n° 1. Les voilà se retournent contre l’un de leurs « amis », le Président Saddam Hussein, qui après l’avoir utilisé comme un nègre au sens littéral du terme, dans leur guerre contre leur ennemi l’Iran, pour épuiser et éprouver les deux pays, à telle enseigne qu’ils armaient l’Iran en cachette et se mettaient au côté de l’Irak officiellement, ce qui donnât naissance au scandale « Iran gate », avant de se retourner contre l’Irak et le transformer en poussière entre 1990 et 2003, puis en régime miné par le bas, après avoir assassiné Saddam Hussein un jour de l’Aid El-Kébir et donner ainsi naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui Daech, ou « l’État islamique » qui est sorti droit du génie américain.

Aujourd’hui, les chefs d’État Européens s’apprêtent à se rencontrer de nouveau en un « mini sommet », pour trouver des solutions aux problèmes de l’immigration clandestine devenue insurmontable. La Méditerranée après avoir été longtemps un espace fertile de rencontres des civilisations et des hommes, est devenue depuis une dizaine d’années un véritable cimetière marine pour des hommes des femmes des jeunes et des enfants de toutes les couleurs qui fuient leurs pays pour des raisons économiques, ou pour raisons de conflits armés ou de guerres civiles. Les Syriens, les Africains et les Irakiens en constituent le plus grand nombre de réfugiés. Les débats envisagés par les Chefs d’État européens étant la révision des accords de Schengen et la répartition « équitable » des réfugiés entre les États de l’Union.

Durant les dernières semaines après la découverte macabre de plus 70 cadavres syriens dans un camion frigorifique abandonné par les passeurs, dans une autoroute en Autriche, les chefs d’État et de gouvernement n’ont cessé de s’indigner devant les caméras, dénonçant à tout va les filières esclavagistes qui profitent de la misère humaine.

Mais le problème essentiel semble passer au silence. Certes, l’Union européenne ne ménage pas ses efforts pour répartir ces réfugiés dans des Etats qui les acceptent. Le Chef du gouvernement Manuel Valls l’a affirmé avec force et conviction. Cependant, en l’état actuel, et compte tenu des milliers qui arrivent tous les jours, en défiant la mort, l’Europe serait elle capable d’absorber toute la misère du monde ? Ne serait – il pas plus juste de s’arrêter sur les causes à la base et y réfléchir très sérieusement pour réconcilier l’inconciliable du fait des ingérences extérieures, au lieu de fermer les yeux sur les causes et tenter de soulager les conséquences à l’aspirine ?

Si l’on prend le cas de la Syrie, et si on a un minimum de mémoire, l’on devait se rappeler que Bashar Al Assad avait publiquement accepté au début de 2011, de procéder aux réformes scandées par les révoltés, et de procéder à la levée de l’état d’urgence, de procéder à des élections ouvertes à tous les Syriens sans aucune distinction. Le peuple révolté fut apaisé, quand par je ne sais quel « miracle diabolique » les groupes terroristes et les mercenaires venus de tous les pays du monde y compris l’Union européenne, ont investi les places publiques et ont de façon vertigineuse monté les enchères, qui visaient pour la première fois la tète de l’Etat. Ainsi Daech, Ansar as-charia, Al-Qaïda téléguidés par les ingérences extérieures arabes et occidentales, qui veulent classer la Syrie près de Saddam Hussein, dans un Irak incapable aujourd’hui de se nourrir et se défendre. Le président Syrien avait beau lancer des appels à l’endroit de la communauté internationale pour dénoncer ces groupes de terroristes de tout poil. Personne n’y avait prêté un peu soit-il son oreille à ces appels au secours. Tout le monde était motivé par une seule chose : infliger à Bashar AlAssad la même peine que le Président Saddam Hussein, pour conforter davantage l’Etat d’Israël dans les territoires occupées depuis la Résolution 181 des Nations unies, et lui offrir le Golan Syrien et le Sud Liban, pour tuer davantage de Palestiniens.

Il y a un autre argument que semblent occulter les Américains et certains de leurs alliés européens ; Si le président Syrien a perdu toute légitimité pour être partie à la solution, comment expliquer qu’il est toujours au pouvoir, et qu’il garde toujours un sang-froid qui agace sans nul doute ses adversaires ? Si le peuple Syrien n’était pas avec lui, pouvait-il tenir imperturbable pendant près de cinq ans ?

Il y a des vérités qui ne trompent pas, et des hommes politiques qui continuent nuit et jours à pousser la roche de la vie, de la même manière que Sisyphe Il fait le même geste, et à chaque fois, il se trompe et le rocher retombe au pied de la colline, par ce qu’il est dépourvu de mémoire !

Alors messieurs les Sisyphe des temps modernes, ne repoussez plus le rocher. Remettez-le à sa place, et cultivons notre jardin.

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(1).- Cf. Mansour Souibgui : Le nouvel espace politique et l’avenir de la démocratie en Tunisie, p. 150, Atelier National de Reproduction des Thèses, Lille, France, 1 090 pages.