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Dans un précédent article, Nawaat évoquait certaines failles quant a la gouvernance du conseil stratégique de l’économie numérique (CSEN) ainsi que des conflits d’intérêt parmi ses membres. Ces révélations ont eu plusieurs répercussions parmi lesquelles la possibilité de donner à la société civile une représentativité dans cette instance.

La première bataille du modèle de gouvernance est certainement gagnée. Le ministère des technologies de la communication et de l’économie numérique (MTCEN) a décidé d’ouvrir un concours pour le poste de représentant de la société civile au sein du conseil stratégique de l’économie numérique (CSEN). Un comité a entamé, lundi dernier, la sélection parmi plus d’une trentaine de candidatures sérieuses. Ce processus débouchera sur la nomination par le Chef du gouvernement de deux représentants de la société civile. Ainsi, l’avenir numérique de la Tunisie se décidera-t-il, désormais, par le biais d’un modèle de gouvernance multi-acteurs. Même si la place réservée à la société civile est limitée, comparée à celle du secteur public ou encore du privé, mais il est déjà essentiel que plusieurs communautés aient un moyen d’influence – action- et de contrôle – suivi- au sein même du Conseil pour veiller à l’intérêt général.

Lors d’une entrevue qu’il nous a accordée, Nabil Chemek, Conseiller Spécial auprès du Ministre des TCEN, déclarait :

Nous avons vu les critiques qui nous ont été adressées, notamment de votre part, et nous en avons fait un argument afin de pousser à l’amendement du décret relatif au CSEN. Nous demeurons toujours à l’écoute, mais, désormais, à travers vos représentants au conseil stratégique.

Dans un autre volet, lors de la deuxième partie de la seconde réunion du conseil stratégique (CSEN), qui s’est tenue le 23 septembre 2015, le MTCEN a soumis un nombre d’autres propositions, qui ont été approuvées, parmi lesquelles la demande par la Tunisie d’adhérer à la Convention du Conseil de l’Europe (CoE) sur la cybercriminalité “Convention de Budapest”. Rappelons que les rares experts dans le domaine de la lutte contre le cybercrime et autres représentants de la société civile, n’ont cessé de revendiquer cette adhésion ; surtout après que le Président de l’Instance Nationale de Protection des Données à Caractère Personnel (INPDP) ait annoncé la demande, officiellement formulée par la Tunisie, pour adhérer à la Convention 108, relative à la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. Et cela, dans l’attente de la réforme de la loi de 2004, toujours en vigueur.

Nous avions, de notre côté, appelé à une meilleure vision de la Tunisie dans le combat des crimes terroristes et autres cybercrimes.
Cette décision donc d’équilibrer la sécurité et le droit à une vie privée, en ligne, positionne Tunisie “Digitale” sous le cadre des meilleures pratiques internationales, ceci malgré que les différents cadres légaux règlementant le numérique tunisien ne sont toujours pas amendés. Ce que devra prendre en compte le nouveau « Code Numérique », encore en gestation et qui va englober tous les secteurs des TICs, comme les Télécommunications, Internet, Poste, etc.

Concernant la protection des données à caractère personnel, le CSEN a, finalement, choisi le volet technique du modèle Estonien x-road pour la mise en place de l’identifiant unique du citoyen (IUC). Ce projet sera mis en œuvre sous la supervision de l’INPDP dont le Président, spécialiste en la matière, a fait son cheval de bataille de toujours. Mais, est-ce que l’IUC va permettre effectivement de protéger nos données sensibles ? L’enquête récente réalisée par le magazine télévisuel « Cash Investigation », laisse planer des doutes sur la question en concluant que, pour l’instant, les systèmes dits infaillibles et présentés en tant que solution miraculeuse, notamment pour la sécurité nationale, ne sont, en réalité, qu’un couteux placebo, y compris la biométrie .

Le modèle « e-Estonia » est-il donc le plus convenable pour la Tunisie ? Si ce modèle est importé et installé « clef en main », et au vu du taux de pénétration actuel de l’internet – avec les projections pour les 3 années à venir-, une grande partie des tunisiens va se retrouver exclue. D’ailleurs, en Estonie, c’est le cas, comme on a pu le voir dans le reportage diffusé par ARTE intitulé «ESTONIE, L’EXCLUSION DU CITOYEN DÉCONNECTÉ».

Reste le prochain défi pour la société civile qui consiste à exiger plus de transparence sur les projets du Plan National Stratégique (PNS), notamment sur les questions techniques et financières, mais aussi sur l’influence des lobbies qui demeurent encore, membres du conseil stratégique de l’économie numérique.