zargouni
Capture d’écran : le 1e numéro de la nouvelle saison d’«Al-Yawm Al-Thamen» sur El Hiwar Ettounsi tv.
Après le blackout du JT de la Watania sur la campagne «Manich msemah» et la dérive propagandiste partisane de Zitouna Tv, c’est au tour des expertises tendancieuses d’être invitées à défendre le projet de loi sur «la réconciliation nationale». Focus sur le premier numéro de la nouvelle saison d’«Al-Yawm Al-Thamen» sur El Hiwar Ettounsi tv.

L’orientation éditoriale n’est jamais assumée sur nos petits écrans. Un contexte qui favorise une position confortable des experts invités. Privé de son droit à un minimum de transparence, le téléspectateur est le principal perdant dans une telle configuration. Le comble, c’est quand les animateurs des débats télévisés défendent la suprématie des experts.

Diffusé jeudi 17 septembre à 21h sur El Hiwar Ettounsi Tv, le talk-show a fait appel aux services de son nouveau consultant permanent, le statisticien Hassan Zargouni. Le patron de Sigma Conseil a présenté les résultats d’un sondage réalisé par son agence. Première question : «Avez-vous lu le projet de loi de la réconciliation ?». Résultat : 90,2% des sondés ne l’ont pas lu. 8% l’ont partiellement lu et 1,8% l’ont lu. Deuxième question : «Etes-vous pour ou contre le projet de la réconciliation nationale ?». 45% sont pour. 25% sont favorables. 16,3% sont contre. 4,2% sont défavorables. Le reste est indécis. Le sondage a été effectué par téléphone, entre le 12 et le 15 septembre, sur un échantillon de 1159 Tunisiens ayant plus de 18 ans, répartis sur 24 gouvernorats.

Vu que la majorité écrasante des personnes interrogées n’a pas lu le projet de loi, M. Zargouni et son agence ont cru bien faire de présenter un résumé du projet de loi avant de poser la deuxième question. «Une tâche difficile», reconnait-il. Et c’est là où l’apparente neutralité des chiffres atteint ses limites et que le background politique refait surface. «Nous avons été fidèles à l’esprit du projet de loi tel qu’il a été élaboré», indique Zargouni. Justement, c’est une question d’«esprit». Et les «esprits» n’ont rien de matériel ou de scientifique. D’ailleurs, on en sait plus sur «l’esprit» du sondage quand on sait qu’il a été effectué en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer. Il se trouve que ce think tank allemand du parti de l’Union des Chrétiens Démocrates est aussi partenaire de Nida Tounes depuis 2013. Une donnée importante sur les commanditaires du sondage, omise par Hamza Belloumi qui a exhorté ses invités détracteurs du projet de loi à «faire confiance aux chiffres». Et puis, M. Zargouni a déjà été membre de La République des idées un think tank partisan créé par le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), selon le magazine Leaders. A part, les penchants politiques non-assumés, cette expertise s’avère encore plus boiteuse à cause de la terminologie utilisée par le sondage. En fait, il remplace «réconciliation économique», titre originale du projet de loi, par «réconciliation nationale». Bien évidemment, il y a un monde qui sépare les deux expressions et l’impact sur le récepteur est totalement différent.

Plus tard dans la même émission, l’animateur a présenté un autre slide show comportant des chiffres sur le projet de loi sur «la réconciliation économique». Il avance que 1000 hauts fonctionnaires et 400 hommes d’affaires en bénéficieraient. Il ajoute ensuite que ses revenus sont estimés à 400 millions de dinars tout en les comparant avec les revenus de l’amnistie sur l’évasion fiscale accordée au Maroc par la loi de finances. Sa source ? «Certains experts», restés anonymes.

Or, aucune étude sérieuse n’a été effectuée pour livrer ces chiffres. Même la présidence de la république, à l’origine de cette proposition législative, ne l’a pas fait. Le Centre d’études juridiques et judiciaires relevant du ministère de la Justice non plus. Même les think tank partenaires de la coalition dirigeante ne l’ont pas fait. Et voilà que les expertises anonymes viennent à la rescousse.